Deuxième Leçon.
Manuel Des élèves du Cours de Grammaire-Générale Par Demandes et par Réponses.
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Deuxième leçon.
11. |
D. |
Quelle est donc la source et l’origine de toutes nos idées ? |
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R. |
La science de l’entendement humain n’est plus, heureusement, une science hypothétique ; elle ne se fonde plus sur des suppositions frivoles : elle part d’un premier fait bien constaté, bien avéré ; c’est que les perceptions de notre sensibilité, c’est-à-dire nos sensations, sont la source et l’origine de toutes nos idées. |
12. |
D. |
Peut-on démontrer cette vérité ? |
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R. |
Locke a démontré cette vérité, qui d’ailleurs est rendue sensible par l’impossibilité où est un homme privé d’un de nos sens, et de se faire aucune idée des notions qui y ont rapport, et par l’impossibilité où nous sommes tous de concevoir un sixième sens qui n’ait aucun rapport à ceux dont nous sommes doués. |
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13. |
D. |
Y a-t-il quelques rapports entre l’organisation physique de l’homme et ses facultés intellectuelles ? |
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R. |
La connaissance physique de l’homme, est la base de la connaissance de ses facultés intellectuelles. Il est essentiel d’être instruit[s] des rapports de l’étude physique de l’homme avec celle des procédés de son intelligence ; de ceux du dévéloppem.t systématique de ses organes avec le dévéloppement analogue de ses sentimens et de ses passions : rapports d’où il résulte clairement que la physiologie, l’analyse des idées et de la morale, ne sont que les trois branches d’une seule et même science, qui peut s’appeler, à juste titre, la science de l’entendement humain. |
14. |
D. |
Quelques logiciens ont-ils fait usage de cette connaissance ? |
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R. |
Locke était médecin ; et c’est par l’étude de l’homme physique qu’il avait préludé à ses découvertes dans la métaphysique, la morale et l’art social. Il s’empara de l’axiome d’Aristote : il n’y a rien dans l’esprit, qui n’ait passé par les sens. Notre admiration pour l’esprit sage, |[15] étendu, profond d’Helvetius, pour la raison lumineuse et la méthode parfaite de Condillac, ne nous empêchera pas de reconnaître qu’ils ont manqué l’un et l’autre de connaissances physiologiques, dont leurs ouvrages auraient pû profiter utilement. S’ils eussent mieux connus l’économie animale, le premier aurait-il pû soutenir le systême de l’égalité des esprits ? Le second n’aurait-il pas senti que l’âme, telle qu’il l’envisage est une faculté, mais non pas un être ; et que, si c’est un être, elle ne saurait avoir plusieurs des qualités qu’il lui attribue ? |
15. |
D. |
Présentez-nous en racourci le méchanisme des sensations ? |
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R. |
Des expériences directes ont prouvé que le cerveau, la moëlle allongée, la moëlle épinière et les nerfs sont les véritables organes du sentiment. Les nerfs confondus à leur origine, et formés de la même substance que le cerveau, sont déjà séparés en faisceau, à leur sortie du crâne |[16] et de la cavité vertébrale. Les gros troncs contiennent, sous une envéloppe commune, des troncs plus petits, qui contiennent à leur tour de nouvelles divisions ; et ainsi de suite, sans qu’on ait jamais pû trouver un nerf, quelque fin qu’il parut, dont l’envéloppe n’en renfermat encore un grand nombre de plus petits. Tous ces nerfs si déliés, vont se distribuer aux différentes parties du corps : de sorte que chaque point sentant a le sien, et communique, par son entremise avec le centre cérébral. Ainsi donc se sont bien véritablement les nerfs qui sentent ; et c’est dans le cerveau, dans la moëlle allongée, et vraisemblablement aussi dans la moëlle épinière, que l’individu perçoit les sensations. |
16. |
D. |
Auriez-vous d’autres preuves que les dispositions physiques contribuent singulièrement à la formation des idées ? |
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R. |
Une grande quantité de dissections comparées des viscères du bas ventre, ont fait voir |[17] que leurs maladies correspondent fréquemment avec les altérations des facultés morales. Par une autre comparaison de cet état organique avec les crises au moyen desquelles la nature ou l’art ont quelques fois guéri la folie, on s’est assuré que son siège, ou sa cause, pouvait être en effet dans les viscères abdominaux ; et delà résulte une importante conclusion ; savoir, que puisqu’ils influent directement par leurs desordres sur les desordres de la pensée, ils contribuent donc également, et leur concours est nécessaire, dans l’état naturel, à sa formation régulière : conclusion qui se confirme encore, et même acquiert une nouvelle étendue, par l’histoire des sèxes, où l’on voit, à des époques déterminées, le dévéloppement de certains organes, produire des changemens subits et généraux dans les idées et dans les penchans des individus. Il est donc certain que la connaissance de l’organisation humaine et des modifications que l’âge, le sèxe, le climat, les maladies, peuvent |[18] apporter dans les dispositions physiques, éclaircit singulièrement les formation[s] des idées ; que cette connaissance est peut-être indispensable pour se faire des notions justes de la manière dont les instrumens de la pensée agissent pour la produire, dont les passions et les volontés se dévéloppent ; enfin qu’elle suffit pour dissiper, à cet égard, une foule de préjugés également ridicules et dangereux. |
17. |
D. |
Selon vos dernières réponses on pourrait conclure que l’éducation physique donnerait plus de puissance et d’étendue dans les facultés de l’esprit, plus d’équilibre dans les sensations ? |
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R. |
Quoique les médecins ayent dit plusieurs choses hazardées touchant l’e l’effet des substances alimentaires sur les organes de la pensée, ou sur les principes physiques de nos penchans, il n’en est pas moins sûr que les différentes causes que nous appliquons journellement à nos corps, pour en renouveller les |[19]mouvemens, agissent avec une grande efficacité sur nos dispositions morales. On se rend plus propres aux travaux de l’esprit par certaines précautions de régime, par l’usage ou la suppression de certains alimens ; Quelques personnes ont été guéries de violens accès de colère, auxquels elles étaient sujettes, par la seule diète pithagorique : et dans le cas même où des délires furieux troublent toutes les facultés de l’âme, l’emploi journalier de certaines nourritures, ou de certaines boissons, l’impression d’une certaine température de l’air, l’aspect de certains objets, en un mot, un systême diététique particulier, suffit pour y ramener le calme, pour faire tout rentrer dans l’ordre primitif. |