Finistère [28] (29)
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Finistère [28] (29) |
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Quimper, dans les bâtiments du collège. Ouverture : le 22 octobre 1796, fermeture : le 1er avril 1803. |
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Ollitrault, Yves-Marie |
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* le 4 janvier 1756 à Saint-Guen, † le 28 novembre 1813 à Quimper. |
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Pendant trois ans, il enseigne en cinquième, puis professe la logique pendant huit ans, de 1783 à 1791, au collège de Quimper. Il est « Supérieur du Séminaire constitutionnel en 1791 » et devient « vicaire constitutionnel de la cathédrale » (Ogès). Par la suite, il est pendant trois ans, maître de conférences en philosophie. Il est nommé professeur de Grammaire générale le 11 fructidor an 4 (28 août 1796) et enseigne la nouvelle matière « depuis le commencement de l’an 5 » (6.). À partir de 1803 il fait partie d’un triumvirat qui dirige la nouvelle école secondaire à Quimper. Il en devient le directeur, apparaît comme « Régent de philosophie » et comme « Régent de troisième » (Fierville). |
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1. Description du cours de Grammaire générale par Ollitrault, s.d., 1 pp. nn. (AD 1626). 2. Ollitrault : Grammaire générale. Ms., s.d. [an 6/1797-1798], pp. 1-82. (AN F17/1344/2). 2a. Lettre d’Ollitrault au ministre de l’Intérieur. 4eme jour complémentaire an 6 [20 septembre 1798]. Ms. 4 pp. nn. (AN F17/1344/2). (Cette lettre a été jointe à la Grammaire générale, voir 2.). 3. Les Administrateurs du Finistère, à leurs concitoyens. 22 pp. Quimper : s.d. [an 6/1798] (contient un « précis » du cours de Grammaire générale, pp. 13-15). (AD du Finistère : 16 L 6). 4. Extrait du procès-verbal de la séance du 28 floréal an 7 [17 mai 1799], composée des citoyens Palissot, Lagrange, Daunou, Jacquemont, Darcet, Lebreton, Ginguené, Domergue, Tracy. Ms., 11 pp. nn. (AN F17/1339). 5. Lettre, datée du 25 prairial an 7 [13 juin 1799], du ministre de l’Intérieur « au Citoyen [O]llitrault, Professeur de Grammaire Générale à Quimper, Dépt. du Finistère. » Ms., 3 pp. nn. (AN F17/1339). Brouillon ajouté au rapport du 17 mai 1799 (voir 2a.). 6. Réponse d’Ollitrault à la circulaire 4. Ms., 2 pp. nn. La « Commission de l’école centrale du Finistère » l’envoie au ministre de l’Intérieur le 19 messidor an 7 [7 juillet 1799] (AN F17/1344/15). 7. Lettre d’Ollitrault au ministre de l’Intérieur. 5 fructidor an 8 [24 août 1800]. Ms., 2 pp. nn. (AN F17/1344/2). (Cette lettre a été jointe à la Suite du Cours de Grammaire générale, voir 8.). 8. Suite du Cours de Grammaire générale. Ms., s.d. [an 8/1800], pp. [83-244], voir 7. |
6.1 |
Voir 2a., 6., 7. |
6.2 |
Voir 1., 3., 8. |
7 |
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7.1 |
Son cours dure deux ans. Il donne cinq leçons par décade. Durant l’an 5 [1796/1797] et 6 [1797/1798], il en donne huit. Nombre d’élèves : en l’an 5 : 30 âgés de 13 ou 14 ans, en l’an 6 : 42 âgés de 15 ans, en l’an 7 : 26 âgés de 16 ans. 6. « En l’an six, il a fait deux cours, l’un pour les nouveaux venus, l’autre pour ceux qui étoient plus avancés. cette année il n’en fait qu’un : presque tous ses élèves se sont trouvés à-peu-près de la même force ; parce que le jury d’examen a jugé convenable de ne lui donner pour élèves que des jeunes |2 gens un peu instruits et d’un certain âge. désormais, pour éviter le grand inconvénient d’alterner et par conséquent de ne donner à chaque cours que quatre leçons par décade, il se propose de rappeler en peu de mots, au commencement de la 2e année, les notions d’idéologie et de grammaire gle. Les plus nécessaires pour mettre les nouveaux arrivans en état de suivre les cours de grammaire française et de logique. » |
7.2 |
1. « Ce cours commence par des notions préliminaires sur les facultés et les opérations de l’esprit humain, à cette courte analyse de la pensée, succède celle du discours, depuis la proposition la plus simple, jusqu’à la période la plus composée. La décomposition des phrases conduit, sans effort, à la découverte des élémens et des principes communs à toutes les langues. Le professeur s’attache à faire connoître à ses èleves la nature et les fonctions de chacun des élémens; il les exerce journellement à diverses compositions que /leur/ gravent les principes dans la mémoire, et les habituent à en faire une juste application à leur langue maternelle; enfin, en indiquant les moyens de rectifier le langage, il indique ceux de rectifier l’esprit: on convient qu’une grammaire bien faite seroit une excellente Logique. / nota. Le même professeur continuera, provisoirement, de donner des principes de géographie. »
2a. « si mes cahiers vous paroissent incomplets et peu soignés, j’espere que pour me justifier il suffira de vous exposer les circonstances singulieres où je me suis trouvé. au commencement de l’année derniere j’attendis quelque temps, mais en vain, des éleves de grammaire générale. prévoyant que je n’en aurois pas, si je n’en formois moi-même; voulant de plus me rendre utile à mes concitoyens, j’annonçai, de l’avis de l’administration centrale, que, je donnerois, provisoirement, des leçons de grammaire française et même de géographie, vu qu’il n’y avoit pas de professeur d’histoire. j’eus bientôt un assez bon nombre d’éleves; mais la plupart ne savoient qu’imparfaitement lire et écrire. n’en soyez pas surpris, citoyen ministre, les écoles primaires n’ont pas encore réussi dans ce pays, et les maitres particuliers y sont très rares. avec de tels éleves ma marche ne pouvoit être que difficile et lente. je les exerçai d’abord à lire, à conjuguer et à orthographier. dès qu’ils surent les principales conjugaisons, au lieu de leur donner des définitions qu’il n’auroient pu comprendre, je les appliquai à analyser, et de vive voix et par écrit, d’abord les propositions les plus simples, ensuite des propositions composées, et enfin les périodes les plus longues. je leur faisois voir qu’une période est formée de propositions composées, celles-ci de propositions simples et ces dernieres de divers élémens; que chacun de ces élémens joue un rôle particulier, et que pour cette raison, on lui donne un nom différent. je leur montrois comment, en partant d’un élément générateur, on forme une phrase simple; comment celle-ci appelle une seconde, une troisieme; comment enfin la période se forme de cet amalgame. je les exerçois à bien distinguer dans les phrases le sujet, l’action, l’objet d’action, la maniere, le moyen, le terme, le motif, les circonstances. |[3] quand ils furent habitués à ces sortes d’analyses, plus utiles que les dissertations métaphysiques, je leur expliquai les articles les plus intéressans de la grammaire de Wailly (je n’avois pu encore leur procurer la nouvelle grammaire à l’usage d’une jeune personne): pour leur apprendre à faire l’application de ces principes, je leur lisois deux fois de petits traits d’histoire que chacun rédigeoit pour la leçon suivante. les traits étoient tels que cet exercice avait le double avantage de leur développer l’esprit et de les former aux vertus républicaines. la leçon de grammaire étoit ordinairement suivie d’une leçon de géographie à laquelle ils prenoient plus de plaisir. je leur fis longtemps considérer le globe terrestre, les principales divisions et la maniere dont il est représenté sur la mappe-monde. je leur donnai les notions les plus essentielles de la sphere. suivant toujours la méthode analytique, nous partions du point que nous connoissions déjà, et peu à peu nous avancions vers les extrémités des deux hémispheres. [...] dans toutes nos leçons nous avons allié, autant que nous l’avons pu, l’histoire avec la géographie. tel est l’apperçu de notre travail durant la premiere année. au commencement de celle-ci point d’éleves encore pour la grammaire générale. ceux qui m’étoient revenus n’étoient pas assez formés pour suivre des discussions métaphysiques, et demandoient instamment à continuer la grammaire française. il se présentoit beaucoup de nouveaux éleves pour cette partie. après les avoir partagés en deux classes, j’ai répété aux plus faibles ce que j’avois enseigné l’an dernier; j’ai continué pour les moins faibles |[4] le cours de grammaire, d’analyse et de géographie. afin d’inspirer à ces derniers du goût pour la grammaire générale, je leur expliquois de temps en temps les endroits les plus intéressans de Condillac. quelque clair que soit cet excellent grammairien, ils le trouvoient encore trop difficile. aussi ce n’est qu’en ventôse dernier que j’ai cru pouvoir commencer mon cours. comme mes éleves n’étoient pas forts et qu’il n’y avoit leçon que de deux jours l’un, je n’ai pu aller que bien lentement. d’après cet exposé conforme au programme que l’administration centrale vient de faire imprimer, j’espere, citoyen ministre, que vous m’excuserez de ne m’être pas beaucoup étendu sur l’analyse de l’entendement humain et de n’avoir pas approfondi les matieres autant que je l’aurois fait avec des éleves plus instruits. on pourroit m’objecter que j’aurois toujours du préparer un cours complet de grammaire générale; mais comme il ne se présentoit pas d’éleves pour cette partie; comme on annonçoit une réorganisation prochaine des écoles centrales; et que, d’après le projet de la commission, la chaire de grammaire générale devoit être supprimée, je me suis livré entierement à mes leçons élémentaires: je n’ai commencé à faire des cahiers que quand j’ai vu qu’ils pouvoient être de quelque utilité. je n’ai eu pour les rédiger que six mois; on ne doit donc pas s’attendre qu’ils soient aussi soignés que ceux auxquels on a travaillé à loisir pendant deux ans. j’aurois pu y employer le même temps, si pour commencer, j’avois attendu qu’il se fût présenté des éleves capables de suivre un cours de grammaire générale proprement dit. je vous dois un aveu, citoyen ministre, comme j’avois peu de de temps et que je voulois donner un abrégé de toute la grammaire, quand j’ai trouvé des idées intéressantes et clairement énoncées, ce qui a été assez rare, je n’ai pas cru devoir perdre le temps de les exprimer moins bien. mon unique but étoit de dire des choses vraies, utiles et de les mettre à la portée de mes jeunes éleves. |[5] outre ce que j’ai fait ecrire, j’ai lu et expliqué ce que j’ai trouvé de plus intéressant dans les meilleurs grammairiens ainsi que les savantes recherches de gebelin sur l’origine du langage et de l’écriture. les excellentes observations de Condillac sur les différens moyens d’analyser la pensée, et quelques autres articles non moins précieux, ont occupé aussi agréablement qu’utilement plusieurs de nos séances. les éleves étoient tenus d’apporter à la séance suivante l’analyse de ce qu’on avoit dit à la précédente. ce moyen que vous nous avez indiqué, citoyen ministre, produisoit le meilleur effet: il les obligeoit de redoubler d’attention et les exerçoit à mettre de l’ordre dans leurs idées. »
3. « Au commencement de l’an cinq [1796], il ne se présenta point d’Elève pour le cours de Grammaire générale. Le professeur présumant qu’il n’en aurait pas, s’il n’en formait lui-même, voulant de plus se rendre utile à ses concitoyens, annonça, du consentement de l’Administration centrale, qu’il donnerait provisoirement des leçons de grammaire française et de géographie. Il eut bientôt |14 un bon nombre d’Elèves, mais si peu instruits qu’ils saisissaient à peine les notions les plus simples. Plusieurs d’entr’eux ont fait des progrés si rapides, qu’à la fin de pluviôse dernier, ils ont été en état de commencer le cours de grammaire générale.
L’art de peindre la pensée ou de communiquer ses idées, est le premier et le plus utile des arts : sans lui tout est muet, tout est mort dans la nature ; il est la base de la société et la source des douceurs qu’on y éprouve. Les mots sont les éléments de la parole, comme les couleurs sont les élémens de la peinture ; mais, pour que les mots puissent se réunir en tableaux et peindre les idées, il faut les assortir entre’eux de manière qu’ils correspondent aux diverses parties de la pensée, et les unir de façon qu’ils ne forment qu’un tout comme la pensée elle-même[.] Les idées étant à-peu-près les mêmes chez tous les peuples[,] le fond de toutes les langues doit aussi être le même. Par conséquent, elles doivent toutes être assujéties à des règles communes. C’est la grammaire générale à rechercher et à développer ces règles fondamentales du langage. Immuable comme la nature dont elle est la copie, elle est commune à tous les siècles et à tous les peuples. Antérieure à toutes les grammaires particulières, elle est aussi et plus intéressante et plus utile. Si on n’a pas eu la force de s’élever à la hauteur de ses principes, tout étonne, tout embarrasse : une langue apprise ne sera presque d’aucune utilité pour en apprendre une autre. Si, au contraire, on les a bien saisis, on apprendra plusieurs langues en peu de tems. En effet, les grammaires particulières ne |15 sont que les principes de la grammaire générale modifiés par le génie particulier de chaque langue : en sorte que par-tout où ce génie cesse d’agir, on retrouve la grammaire universelle ; et par-tout où il agit, il est encore tenu de se conformer aux lois qu’elle lui impose. On ne peut peindre la pensée sans la connaître ; et pour la bien connaître, il faut l’analyser. Aussi le professeur, après avoir donné, dans les notions préliminaires, ses apperçus sur l’origine et les progrès du langage et de l’écriture, a-t-il commencé par l’analyse des idées et des facultés de l’ame ; il a ensuite fait voir comment la pensée se décompose et dans le langage d’action et dans le langage articulé. A cette analyse de la pensée a succédé celle du discours, depuis la proposition la plus simple jusqu’à la période la plus étendue. La décomposition et la recomposition des phrases a conduit sans effort à la découverte des élémens du discours, des différentes espèces de propositions et des principes communs à toutes les langues. Le professeur s’est attaché à faire connaître la nature de ces élémens, les formes dont ils sont susceptibles, la place et la forme que chacun doit avoir selon le rôle qu’il joue dans la proposition. Pour habituer ses élèves à faire l’application des principes généraux, il les a journellement exercé à diverses compositions propres à développer l’esprit et à inspirer l’amour des vertus civiques. Enfin, en indiquant les moyens de rectifier le langage, il a enseigné ceux de rectifier l’esprit ; car on convient qu’une grammaire bien faite serait une excellente logique.
7. « Citoyen Ministre, À la fin de l’an 6, j’adressai à un de vos prédécesseurs les deux premières parties de mon cours, l’idéologie et la grammaire générale. le 25 prairial an 7 [13 juin 1799], le citoyen françois de neufchâteau voulut bien m’annoncer que j’avois rempli avec succès ces deux parties, et m’invita à lui faire passer mes cahiers de grammaire française et de logique, quand ils seroient rédigés; en conséquence, j’ai l’honneur de vous les présenter, non comme pouvant servir de modèle, mais comme une nouvelle preuve de mon désir de correspondre aux vues du gouvernement. vous trouverez, peut-être, que ma grammaire françoise se rapproche un peu trop de la grammaire générale; mais, outre que la plupart de mes élèves de cette année n’avoient pas vu cette dernière partie, j’avois des changemens essentiels à faire aux |[2] Articles proposition et complément; articles qui reviennent continuellement dans les analyses, dont nous avons fait l’une de nos principales occupations. pour ne donner que le moins possible de temps à la dictée, j’ai renvoyé pour plusieurs objets, soit à la grammaire de wailly, soit à la logique de condillac. enfin, citoyen ministre, je vous dois un aveu: quand j’ai trouvé des idées intéressantes et clairement énoncées, je n’ai pas cru devoir perdre mon temps à les travestir. mon unique but étoit de dire des choses vraies, utiles, et de les mettre à la portée de mes élèves. » |
7.3 |
Beauzée, Condillac, Court de Gébelin, De Brosses, Dumarsais, Locke, Wailly. |
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4. Extrait du procès-verbal de la séance du 28 floréal an 7 [17 mai 1799], composée des citoyens Palissot, Lagrange, Daunou, Jacquemont, Darcet, Lebreton, Ginguené, Domergue, Tracy. Ms., 11 pp. nn. (AN F17/1339).
Le rapporteur y cite une grande partie de la lettre d’Ollitrault datée du 20 septembre 1798 (voir 2a.).
4. « Il [Ollitrault] ajoute ensuite qu’ayant apris qu’il étoit question d’une réorganisation prochaine des écoles, et que le projet dela Commission étoit de suprimer la Chaire de Grammaire Générale, il avoit cessé de songer à la Rédaction de ses Cahiers; ce qui prouve, en passant, tout le mal que font les annonces de Changements, même de ceux qui ensuite n’ont pas lieu. Mais ce n’est pas ce qui nous occupe en ce moment. Je n’ai transcript littéralement ce Singulier récit que |[5] parcequ’il m’a paru vraiment remarquable, qu’un homme fort versé dans l’idéologie et la Grammaire G.ale, comme vous le Verrez par Son ouvrage [Grammaire générale], qu’un homme tout rempli de Locke et de Condillac, Comme il le prouve à chaque page, qu’un homme si passionné pour la méthode qui consiste à aller du Connu à l’inconnu qu’il prétend la porter jusques dans la Géographie, où elle a, je Crois, peu d’aplication; qu’un tel homme, dis-je, Croye lui même la Grammaire Générale une espéce de Science occulte, qu’il en parle Comme d’un amas de discussions abstruses et viseuses, et qu’il la présente Comme quelque Chose de bien différent de l’analyse de la Grammaire françoise, en un mot, qu’il partage le préjugé populaire et des Parents et des Eléves au moment même où il y remédie très bien. En effet ne devoit-il pas voir que Ses Ecoliers étant très jeunes et n’ayant encor étudié la théorie d’aucune Langue, il étoit vis avis d’eux dans la même position que Condillac avec son élève, que nos Professeurs de langues anciennes avec les leurs; qu’une sorte de bon Sens instinctif guidoit très bien les siens Enles faisant lui demander les principes de leur langues Maternelle, Comme Condillac les donne en pareil cas; qu’il devoit sans doute comme lui propo/r/tionner ses leçons aux facultés de Ces jeunes Gens; mais qu’enfin il ne pouvoit satisfaire à leur juste desir qu’en leur donnant, ainsi que lui, les notions préliminaires d’Idéologie et de Grammaire G.ale qui sont indispensables pour apprendre une langue quelconque; et même c’est ce qu’il faisoit jusqu’à un certain point Sans S’en |6 apercevoir, je Continuai le Cours de Grammaire et d’analyse, et comme le prouvent plusieurs passages de Ses leçons subséquentes rien ne démontre mieux combien il est différent d’avoir simplement apris certaines Vérités, ou de se les être rendues profondément habituelles. Mais surtout rien ne fait mieux Voir Combien il est essentiel de répandre les principes que vous avez Consignés dans toutes vos lettres aux Professeurs de Langues anciennes; et Combien il Sera nécessaire d’en présenter les Conséquences et les développements dans celles que vous écrivez aux Professeurs de Grammaire G.ale, ce sera le moyen le plus efficace pour faire passer réèllement dans la pratique, la saine méthode analytique, pour faire sentir à ces deux Genres de Professeurs que les Rapports que leurs Cours respectifs doivent avoir entr’eux; et pour faire Connoître aux Professeurs de Grammaire G.ale, ce que vous attendez d’eux. Car on voit, à tous moments, que ce titre qu’il a cependant été prudent de leur donner, a un peu voilé à leurs yeux l’intention du Législateur qui a fondé leurs Chaires. l’importance de ces objets me fait espérer que vous excuserez la long/u/eur de ce Préambule. je viens à l’ouvrage du Citoyen [O]llitrault. il est certainement fort estimable à beaucoup d’égards. Cependant on y trouve plus de science que de vraie méthode; et je ne Suis pas surpris que la Grammaire G.ale présentée de cette manière paroisse une étude un peu obscure et purement spéculative. Les sources où il puise sont excellentes. ce sont principalement Locke, |[7] Condillac, Court de Gébelin, de Brosses, Dumarsais, et Bauzée [sic!]. on ne peut prendre pour guide des auteurs plus réèllement Philosophes. Mais il les met tous à Contribution dès les premières pages, et il semble avoir plutot retenu que saisi leurs principes, au moins pour la partie idéologique. ses notions préliminaires renferment d’abord un long préambule sur tous les moyens d’exprimer et de peindre la pensée, qui ne me sembleroit pas dutout devoir être le Commencement du Cours. Vient ensuite un Chapitre sur les idées dont le début me semble très bon. je ne puis me refuser à le transcrire « Le mot idée, dit-il, signifie image. l’idée est la représentation des objets dans l’esprit. C’est la Connaissance de leurs formes, de leurs qualités et surtout de leurs Rapports avec nous. Une sensation n’est point une idée, tandis qu’on ne la Considére que Comme un sentiment de l’ame. La sensation de solidité est par elle même tout à la fois sentiment et idée; elle est sentiment par le Rapport qu’elle a À l’ame qu’elle modifie; elle est idée par le Rapport qu’elle a à quelque chose d’extérieur. Cette sensation nous force a juger hors de nous toutes les modifications que l’ame reçoit par le toucher; et c’est pourquoi chaque Sensation du tact se trouve représentative des objets que la main saisit. Le toucher accoutume à rapporter Ses sensations au déhors, fait Contracter la même habitude aux autres sens. Nos sensations nous paroissent les |[8] qualités des objets qui nous environnent. elles sont idées. Mais il est évident que ces idées ne nous font point Connoître ce que les êtres sont eux mêmes, elles ne les peignent que par les rapports qu’ils ont à nous; et cela seul démontre combien sont superflus les efforts des Philosophes qui prétentent pénétrer dans la nature des Choses. Chaque sensation, prise séparément, peut être regardée comme une idée simple, &c. &c. » je vois là le Germe de beaucoup de grandes verités. mais au lieu de s’expliquer et de prouver ces principes, l’auteur Se jette à la suite de Locke, dans un grand détail sur les différentes espéces d’idées, de modes et de relations, dont il ne me paroît pas résulter beaucoup de lumières. Ce Chapitre est suivi d’un autre sur les facultés de l’ame qui est absolument la seconde des Cinq leçons préliminaires de Condillac. Et après celui là s’en trouve deux autres sur la manière dont le Langage d’action et le Langage articulé décomposent la pensée. on y établit bien que le second langage naît du premier, et que les Langues sont des méthodes analytiques. Mais ces vérités ne sont pas rendues Sensibles. il est Vrai que l’auteur renvoye à son Cours élémentaire, où dit-il, il a fait beaucoup d’analyses de l’expression de la pensée, et en a reconnu les régles soit générales soit particulières à la langue françoise. cela seul prouve bien que nous l’avons dit, que dans ce Cours il a fait de la Grammaire G.ale, sans S’en apercevoir: et il est fort |[9] Malheureux qu’il n’ait pas senti l’enchainement de ces deux Choses. quoiqu’il en soit, ici finit ce qu’il dit de la Métaphysique du Langage; et Commence sa Grammaire Générale proprement dite. Elle est divisée en trois sections; l’une qui traite des parties du discours, l’autre des diverses formes que les mots peuvent prendre, et la troisième de la syntaxe. Dans la première, il reconnoît neuf parties du discours, le nom, le déterminatif, le qualificatif, le pronom, le verbe, la préposition, l’adverbe, la Conjonction et l’interjection. Il les examine successivement et a propos du nom, il traite des tropes et des mots derivés et Composés. Dans la seconde, il parle des déclinaisons et des conjugaisons. je ne le suivrai point dans ces détails, je me contenterai d’observer, 1.° qu’il renvoye quelques fois à son Cours élémentaire; 2.° qu’il se plaint que la plus part des ces élèves n’ont aucunes teintures du Latin; 3.° qu’il adopte le Système des temps de Bauzée [sic!]; 4.° qu’il ne reconnoit qu’un seul verbe, le verbe être, et qu’il pense qu’il a essentiellement la qualité d’etre le lien entre le Sujet et l’attribut. sur ce dernier point je Sais qu’il est de l’avis de presque tous les Grammairiens. Mais j’avoue qu’il me paroît pourtant que le Verbe n’a essentiellement point d’autre propriété que d’énoncer l’existence, et que l’expression de la relation entre le sujet et l’attribut est l’effet du mode et non pas du verbe en lui même. aussi n’en exprime-t-il aucune, quand il est au mode indéfini. je Crois avoir fait quelque part cette observation à laquelle je tiens beaucoup |[10] à Cause de Ses Conséquences logiques. je ne ferai point de remarques sur la syntaxe. il la partage en Syntaxe proprement dite et en Construction. Il y donne une idée des différentes espéces de propositions de Régles qui suivent leurs Compléments, et des diverses figures de Construction, dans lesquelles il n’admet point d’ordre plus naturel qu’un autre. L’ouvrage est terminé par un traité de Ponctuation; Mais il n’y en a point d’ortographe proprement dite. De tout ceci il résulte suivant moi que le Citoyen [O]llitrault, a le malheur de n’avoir que des écoliers très foibles; qu’il s’est porté avec zèle a en tirer le meilleur parti possible; que quoique moins maître de son sujet dans la partie idéologique que dans la partie Grammaticale, il n’est cependant pas dépourvu d’esprit philosophique; qu’ainsi son enseignement et Son ouvrage méritent Vos éloges; Mais il n’a pas senti la Vraie relation de la Grammaire G.ale avec les Grammaires particulières; d’où il résulte que nous n’avons pas sa Grammaire françoise; que nous ne possédons Complettement ni Son Cours élémentaire, ni son Cours savant; et qu’il ne paroît pas même avoir soupçonné que ce dernier dût être suivi dune partie logique. je Propose donc d’inviter le Ministre de l’intérieur, à écrire au Citoyen [O]llitrault, une lettre où en le félicitant sur ses travaux il l’engagera à donner à ses élèves quelques notions d’idéologie et de Grammaire |[11] Générale, ensuite à leur faire faire l’application dela Grammaire Générale à la Grammaire françoise, et à terminer ce Cours par quelques idées de logique, C’est àdire à Employer le peu de Connoissances qu’ils auront acquises, à leur montrer en quoi Consistent la justesse de nos jugements et la Certitude de nos connoissances, et sur tout à envoyer cette partie de Ses Cours dès qu’elle sera terminée. Le Conseil adopte cette proposition. »
5. Lettre, datée du 25 prairial an 7 [13 juin 1799], du ministre de l’Intérieur « au Citoyen [O]llitrault, Professeur de Grammaire Générale à Quimper, Dépt. du Finistère. » Ms., 3 pp. nn. (AN F17/1339). Brouillon ajouté au rapport du 17 mai 1799 (voir 2a.).
5. « Citoyen, j’ai reçu votre lettre du 4.e jour Com.re de l’an 6.e [20-9-1798], et avec elle votre Cours de Grammaire G.ale qui y étoit joint. j’ai Communiqué l’une et l’autre au Conseil d’instruction publique. Les Membres de ce Conseil, ont applaudi comme moi, à votre ouvrage et aux efforts que vous avez faits pour supléér aux peu de Connoissances antérieures des élèves qui se présentoient. ils ont Vû avec plaisir, ainsi que moi, que vous prêtant aux Circonstances, vous avez rempli les doubles fonctions de professeur d’une langue en particulier et de professeur de Grammaire G.ale; et qu’ainsi, sans Compter même vos utiles leçons de Géographie et d’histoire, Vous avez fait deux Cours distincts, mais qui se tiennent par une multitude de points et ne différent guerres l’un de l’autre que par le dégré de Profondeur et d’étendue. Plusieurs endroits de votre traité de grammaire G.ale où vous Rappelez votre |[2] Cours élémentaire, m’ont fait voir avec plaisir que dans ce premier Cours vous n’avez pas renoncé absolument à donner à vos élèves, les notions d’Idéologie et de Grammaire G.ale, qui sont les Préliminaires nécessaires de l’enseignement de toute langue; Mais que seulement vous les avez proportionnées au peu de Capacité actuelle de vos auditeurs, en quoi vous avez fait parfaitement. / Pour connoître toute la série de vos leçons, il seroit donc nécessaire que j’eusse séparément les Cahiers de Chacun de ces deux Cours. Néanmoins je ne vous engagerai pas à rédiger le premier, quoique bien important. ce Seroit trop multiplier votre travail. Mais à l’égard du second, je vous ferai observer, que, pour qu’il /fut/ parfaitement complet, il faudroit qu’après la partie d’Idéologie et celle de Grammaire G.ale, il y en eut une troisième qui Contient l’aplication de /la/ Grammaire G.ale à la Langue françoise, c’est à dire les Principes particuliers de la Grammaire françoise; et |[3] qu’après cette troisième partie, il S’en trouvât une quatrième spécialement destinée à la logique, dans laquelle les Connoissances antérieures seroient employées à montrer en quoi Consiste la Certitude de nos connoissances, et la justesse de nos jugements, et a poser les principes de l’art de raisonner. C’est ainsi que le Cours de Grammaire G.ale est ce qu’il doit être, le Couronnement et la continuation des Cours des Langues, et l’introduction aux cours de belles lettres, d’histoire et de legislation. tels sont, Citoyen, les importants services que le Gouvernement attend des Professeurs de Grammaire G.ale. vous avez déja rempli avec succès la plus grande partie de ce plan. je vous invite à le terminer et à me faire passer ce supplément de vos cahiers quand vous /l’avez/ rédigé. Vous devez déja avoir presque toute la troisième partie dans Votre Cours Elémentaire. elle existe même jusqu’à un certain point comme fondue dans votre Grammaire G.ale, il ne s’agiroit que de l’en extraire et de la Completter. si cependant, pour ces deux |[4] dernières que je Vous demande, vous vous déterminiez à suivre quelques livres imprimés, il suffiroit de me les indiquer. » |
10 |
Fierville 1864 ; Waquet 1924 ; Ogès 1945 ; Le Floc’h 1990. |