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Troisième partie. Application de la Grammaire Générale à la Langue Française

 

Table des matières  

 

 

 

Eléments de Grammaire générale.

Première partie. Idéologie.

Seconde partie. Grammaire Générale proprement dite.

Eloge de la vie champêtre par Virgile.

Troisième partie. Application de la Grammaire Générale à la Langue française.

Quatrième et dernière partie. Logique.

 

 

 

 

 

 

 

 

|[112]

 

 

Troisième partie.

 

Application

de la

Grammaire Générale

à la

Langue Française.

 







quoiqu'

 

Quoiqu'il y ait dans l'organe de la voix une octave naturelle, composée de huit voyelles ou sons simples, (a) / (a) L'abbé Dangeau en compte 15. V. sa Gramm. / savoir en commençant par le plus grave et finissant par le plus aigu, a, ê, é, e, i, o, u, eu, ou, l'é muet n'etant pas compté pour un son, on voit que la langue française ne reçoit ecrite n'admet que cinq voyelles diversement modifiées. Elle compte 18 consonnes. |113 à toutes ces consonnes on joint l'e muet pour les prononcer. Avec ces 25. lettres on forme toutes les syllabes et tous les mots français.

 

 

 

 

 


8 eléments.

 

 

Application de la Grammaire Générale

à la Langue Française.

 

On compte au rang des eléments de la Langue Française huit sortes de mots, savoir, les Articles, les Substantifs, les Adjectifs, les Pronoms, les Verbes, les Prépositions, les Interjections et quelques Conjonctions. La plupart des Conjonctions, etant composées, ne sont pas des eléments; les Adverbes, au contraire, etant tous des expressions elliptiques, et pouvant être suppléés par une Préposition et son complément, ne sont pas non plus des eléments. Ainsi quoiqu'il y ait neuf sortes de mots français, huit d'entr'elles seulement sont eléments.

 

 

 

 


articles.

 

 

Des Articles.

 

Les Articles sont des mots très-courts, destinés à exprimer les divers points de vue sous lesquels on envisage les Substantifs. Ils sont susceptibles des différents genres et nombres. On en distingue trois; le 1er savoir le, la, les, s'appelle article général. Il fait prendre dans son acception la plus etendue le Substantif auquel il est joint. Le 2d, savoir un, une, des, se nomme article particulier; il sert à faire prendre dans un sens moins général, et, par conséquent, à particulariser le substantif devant lequel on le place: il est aussi susceptible des divers genres et nombres. Le troisième, ce, cet, cette, ces, se nomme article démonstratif; il change aussi de genre et de nombre; il sert à individualiser le substantif qu'il précède, c.à.d. à le faire distinguer de tout autre, et à empêcher qu'on ne le confonde avec aucun autre individu de la même espèce. On l'appelle démonstratif, parce qu'il fait montrer en quelque sorte au doigt l'individu qu'il désigne: quelquefois néanmoins il rappelle un sujet, un être dont on a parlé précédemment, et dans ce cas on pourrait le nommer rémémoratif. (Voyez Court de Gébelin. Grammaire universelle. p. [)]

 

 

 

 



Substantifs.

 

 

Des Substantifs.

 

Le mot Substantif signifie celui qui exprime une substance, et qui est censé se trouver sous les qualités, pour en être le support, le soutien; il vient des deux mots latins sub et stans. Parmi les êtres qui |114 se trouvent dans la nature, ou dans notre manière de concevoir, sont les uns produits par la nature elle-même, indépendamment de la volonté de l'homme; les autres résultent de l'industrie humaine, qui, sans pouvoir rien créer, fait pourtant changer de forme aux matières que lui fournît la nature; d'autres enfin ceux-ci n'existent que dans notre manière de sentir et de concevoir, c.à.d. dans notre esprit, enfin ceux-là sont des individus distingués de tous ceux de leurs clâsses: en conséquence dans notre langue, comme en toute autre, on distingue quatre sortes de Substantifs. 1° les Substantifs naturels; arbre, blé, champ, vigne, fleuve, montagne &c. 2° les Substantifs artificiels; table, chapeau, tonneau, navire &c.... 3° les Substantifs abstraits, tels que bonté, vertu, honneur, infamie, pensée &c.... 4° les Substantifs propres; France, Yonne, Auxerre, Bonaparte... &c.... (Pour la formation des pluriels, voyez les Grammaires particulières.)

 

 

 

 





Adjectifs.

 

 

Des Adjectifs.

 

Le mot Adjectif vient du latin adjectus, ajoûté à. En effet les Adjectifs sont des mots qu'on ajoûte aux Substantifs pour en exprimer les qualités, et les modifications et les différents points de vue sous lesquels ils doivent être envisagés; en un mot, par le moyen des Adjectifs, on exprime les différents accessoires dont les Substantifs sont susceptibles. Les uns sont qualificatifs, comme bon, vertueux, sage, &c. Les autres sont purement descriptifs, tels que rouge, quarré, tortueux, &c.... Il y Nous en avons qui marquent la possession ou la propriété; on les nomme possessifs; tels sont mon, ton, son; notre, votre, leur; le mien, &c.... D'autres marquent le nombre ou l'ordre et le rang; on les appelle numéraux. Il y en a de deux sortes; les uns s'appellent cardinaux, un, deux, trois, quatre, &c. Les autres se nomment ordinaux, tels que le premier, le second, le dixième &c.... Il y en a de relatifs et conjonctifs tout à la fois, c.à.d. qui servent à lier une proposition avec une autre, et ont un rapport nécessaire à un nom antécédent; tels sont qui de tout genre et de tout nombre, et lequel, laquelle. Ces mêmes adjectifs sont interrogatifs, toutes les fois qu'ils ne sont pas conjonctifs; ex. Lequel des arts préférez-vous? Il y a des adjectifs qui sont relatifs et non conjonctifs, tels que celui, [?tel]. Il y en a de distributifs, comme celui-ci, celui-là, l'un, l'autre, &c.... D'autres sont collectifs, plusieurs, certains, &c..... Il en est de proportionnels, double, triple, quadruple, |115 &c..... D'autres expriment l'universalité; tels que, tout, quiconque, quelconque, nul, aucun; enfin d'autres marquent l'identité; ce sont même, le même, la même. &c. &c. (Pour la formation de leur féminin, voyez les Grammaires particulières.)

 

 

 

 

Des Pronoms.

 

D'après ce que nous venons de dire des Adjectifs, on voit que le nombre des Pronoms, reconnus par les Grammairiens vulgaires, est extrêmement diminué. Qu'est-ce en effet qu'un Pronom? Son nom le dit assez. C'est un mot mis à la place d'un nom substantif. Il est fait pour eviter une répétition fastidieuse, il doit donc être fort-court. Toutes ces sortes de mots, que les Grammairiens ordinaires appellent Pronoms, n'en sont pas, puisqu'ils sont presque toujours joints aux substantifs, ou précédés d'un article. Ce sont de véritables adjectifs. Les Grammairiens Philosophes ne reconnaissent plus qu'une sorte de Pronoms. Ce sont les personnels. On les divise en deux clâsses. 1° les pronoms personnels sujets; il y en a pour chaque personne de chaque nombre: ce sont je, nous pour la 1ere personne, tu, toi et vous pour la seconde; ils sont des deux genres (le Français ne reconnaît pas de neutre.) Et, pour la 3e il ou lui, ils ou eux; (au pluriel masculin) au féminin elle avec ou sans s suivant le nombre. (Condillac et quelques autres Grammairiens les regardent comme de vrais Substantifs qui expriment le nom des personnes.) 2° les pronoms personnels terminatifs ou objets; ce sont me, te, se; quelquefois nous et vous, toujours lui, leur, le, la, les. On peut les nommer aussi pronoms conjonctifs.

 

 

 

 

Des Verbes.

 

Verbe, signifie mot par excellence; en effet mot et verbe sont synonimes en latin et s'expriment par un seul et même terme, verbum. Le Verbe est le terme qui exprime l'action attribuée au sujet, soit qu'il la fasse, soit qu'il la reçoive; quelquefois il exprime simplement l'etat du sujet.

Il est un Verbe qui existe dans toutes les langues, qui pourrait seul tenir lieu de tous les autres, qui en a effectivement tenu long-temps lieu dans l'enfance des langues, et qui en tient encore lieu dans les langues pauvres des sauvages. En conséquence on le |116 nomme Verbe par excellence, ou Verbe substantif: c'est le verbe être. Les verbes français et tous ceux des langues modernes n'ont pas tant de temps simples que ceux des langues anciennes; ils sont donc obligés d'emprunter le secours de quelques autres verbes courts qui tirent de là le nom d'auxiliaire. Il y en a deux principaux en français, 1° avoir, qu'on nomme 1er auxiliaire, parce qu'il n'emprunte le secours d'aucun autre, et qu'il se suffît à lui-même pour former tous ses temps composés: 2° être, qu'on appelle second auxiliaire, parce qu'il emprunte, pour former ses temps composés, les temps simples du verbes avoir. Quelques Grammairiens regardent comme auxiliaires, pour les temps futurs, les verbes devoir et falloir; parce qu'en latin je dois partir librement se dirait sponte profecturus sum, et studendum est il faut etudier. Dans ces phrâses les verbes je dois et il faut n'expriment qu'un futur des verbes partir et etudier.

Il en est de même du verbe venir; il exprime auxiliairement un prétérit récent du verbe qui le suit: ex. Il vient de partir, c.à.d. il est parti tout-à-l'heure; dans cette phrâse, le verbe venir fait la fonction d'auxiliaire. On peut dire la même chose du verbe aller. Ex. Il va partir, c.à.d. à l'instant il partira; il allait mourir, c.à.d. il etait près de mourir. Dans ces expressions, le verbe aller, dans ces deux temps seulement, sert d'auxiliaire et marque ou un futur prochain, ou un présent relatif.

Le verbe, qui exprime l'action que fait le sujet, s'appelle actif; / Si l'action qu'il exprime passe hors du sujet, on appelle le verbe transitif. Donner, recevoir, prendre sont actifs transitifs, parce que l'action qu'ils expriment passe du sujet à l'objet; en effet on donne, on reçoit, on prend quelque chose; et c'est ce quelque chose qui eprouve l'action exprimée par le verbe et faite par le sujet. Si l'action exprimée par le verbe ne passe pas hors du sujet qui la fait, le verbe s'appelle actif intransitif. Tels sont aller, venir, courir, crier, rire, baîller &c. Tous ces verbes sont actifs, puisqu'ils expriment des actions, mais ils sont intransitifs, en ce que cette action ne passe pas hors du sujet. Les transitifs ont toujours un objet exprimé ou sousentendu; les intransitifs n'en ont jamais. / celui, qui exprime l'action reçue ou soufferte par le sujet se nomme verbe passif. Il n'y en a point de cette espèce en français. Tous les temps du verbe être, joints aux participes passés, en tiennent lieu. à la rigueur, ce seul participe passé peut être regardé comme passif, parce qu'il exprime l'action reçue ou soufferte par le sujet. Le verbe, qui n'exprime que l'etat du sujet sans aucune action de sa part, s'appelle enonciatif. Tels sont tomber, languir, valoir, vivre &c. Enfin celui qui exprime l'action que le sujet fait sur lui-même se nomme réfléchi; tels sont se repentir, s'ennuyer, se souvenir et même se tuer, se morfondre. Le même individu est alors sujet et objet. (1) / (1) Il y a des verbes enonciatifs réfléchis. Tels sont se repentir, s'ennuyer, se souvenir; on les appelle aussi pronominaux./

 

 

 

 

Des Modes.

 

Les verbes ne s'emploient pas toujours dans la même circonstance ni de la même manière. En effet, tantôt ce qu'ils expriment ne |117 dépend pas de ce qui précède, et ne dépend même de rien; tantôt au contraire, l'action exprimée par le verbe dépend tellement d'un membre de phrâse précédent, que sans ce membre, le second n'aurait pas de sens. Ce sont ces différentes manières d'employer le verbe qu'on appelle modes.

Il y en a cinq en français. Le premier de tous est l'infinitif, probablement ainsi appelé, parce que dans toutes les langues, quand il y a de suite plusieurs verbes qu'aucune conjonction ne sépare le dernier s'emploie de cette manière, c.à.d. se met à ce mode. On pourrait l'appeler initiatif, parce que ses temps simples servant à former ceux des autres modes, il doit, dans la réunion de toutes les manières d'employer un verbe, (ce qu'on appelle conjugaison) être placé le premier. Comme il ne désigne ni le nombre, ni la personne, mais seulement le temps, je le nomme Mode impersonnel.

Le second mode ne fait qu'exprimer ou indiquer l'action faite ou reçue par le sujet, ou l'etat du sujet, sans aucune dépendance; en conséquence on l'a nommé indicatif ou affirmatif. Outre l'action ou l'etat du sujet, il exprime le nombre, la personne et le temps.

Le troisième mode est celui où le verbe suppose une condition à remplir; de là il a eté fort-bien nommé Conditionnel.

Le quatrième, n'exprimant qu'un vœu, un ordre ou une prière, ne peut avoir que deux temps, le présent et ou le futur; on l'a en conséquence nommé Optatif, Impératif ou Déprécatif. Comme on ne peut s'adresser à soi-même ni prière, ni ordre, ce mode ne s'emploie jamais à la première personne du singulier.

Enfin il est certaines expressions qui ne s'emploient jamais que dans les seconds membres des phrâses et qui désignent le doute ou l'incertitude; cette manière d'employer le verbe, dépendant toujours d'un membre de phrâse précédent est annoncée par une conjonction, et se nomme de là Mode subjonctif; c'est le cinquième et dernier.

 

 

 

 

Des Temps.

 

On distingue trois epoques bien marquées dans la durée ou succession des temps, savoir hier, aujourd'hui, demain, ou, ce qui est encore moins etendu, les temps exprimés par les locutions suivantes: il n'y a qu'un instant, actuellement et tout-à-l'heure ou dans un instant. C'est |118 ce qu'on appelle le passé, le présent et l'avenir. Il n'y a en effet pas d'autres temps dans la nature; or la nature doit être notre guide dans l'etude de toutes les sciences. Une action est faite, ou se fait, ou se fera; il est impossible d'imaginer une quatrième epoque. Toutes les langues dans leur origine n'avaient pas, et les langues pauvres des sauvages n'ont pas encore d'autres temps; mais les peuples, en se civilisant, ont perfectionné leur langage: ils ont remarqué qu'il y avait différentes epoques dans le passé et dans l'avenir; en effet une chose a pu ou peut se faire à l'instant, ou dans un temps passé ou avenir indéterminé, ce qui a fait subdiviser en plusieurs temps les passés et les futurs.

Le moment d'une action peut être considéré sous deux points de vue, sans aucun rapport avec d'autres temps, ou avec rapport à un autre temps; ce qui a fait distinguer des temps absolus et des temps relatifs: de là les présents relatifs et les présents absolus, les prétérits absolus et les prétérits relatifs, les futurs absolus et les futurs relatifs.

 

 

 

 



Prést absolu.


Prést relatif.

 

 

Des Temps Présents de l'Indicatif.

 

Lorsque, sans egard à aucune autre action, on dit simplement qu'une chose se fait, ce temps s'appelle présent absolu: comme je dicte, vous ecrivez, il arrive trop tard. Il peut se faire au contraire qu'une action ne soit considérée comme présente que relativement à une autre action passée au moment qu'on parle; c'est ce que j'appelle présent relatif, comme dans cette phrâse: vous ecriviez déjà quand le paresseux est entré. Il est certain premièrement qu'au moment où je dicte ceci son entrée est passée; 2ment que votre action d'ecrire etait commencée et par conséquent présente lors de son arrivée. La dénomination de présent relatif, que je donne à ce temps, exprime donc clairement ce qu'elle signifie; elle est donc très-juste.

Condillac a démontré jusqu'à l'evidence qu'on ne pouvait faire de progrès dans une science, qu'autant que la langue de cette science etait bien faite. Les Chimistes modernes, persuadés de cette vérité, ont refait entièrement la langue de la Chimie. Convaincu egalement que la langue des Grammaires etait mal faite, je me propose de la [?refondre] en partie, pour substituer aux vieilles dénominations des |119 noms plus convenables et plus significatifs. Par exemple, les auteurs des Grammaires et Rudiments qu'on a jusqu'ici mis entre les mains des jeunes gens nomment Imparfait le temps que j'appelle Présent relatif: ils ont donné à d'autres les noms de Parfait et de Plusqueparfait.

Dès qu'un temps exprime l'epoque de l'action pour laquelle il a eté créé, il a toute la perfection dont il est susceptible; il est donc ridicule d'appeler l'un Imparfait et l'autre Plusqueparfait. Qu'est-ce d'ailleurs qu'une chose plusqueparfaite? C'est une chose impossible; c'est un non-sens; car il n'y a rien au delà de la perfection. Il n'y a même que Dieu qui soit absolument parfait; toutes les actions des hommes, tous leurs ouvrages ne peuvent avoir qu'une peuvent avoir qu'une perfection relative.

 

 

 

 

Des Temps Passés de l'Indicatif.

 

Une action peut être passée depuis long-temps, depuis peu de temps, ou depuis un temps déterminé; enfin elle peut être considérée comme passée relativement à une autre chose arrivée depuis elle. Les hommes, qui veulent exprimer toutes leurs pensées et même les nuances le plus imperceptibles de ces pensées ont du créer des terminaisons différentes dans les verbes pour désigner tous ces points de vue sous lesquels on peut envisager une action comme passée. De là sont nés différents temps que je nomme prétérits, des deux mots latins prœter, outre, au delà, et iit, qui est allé; en sorte qu'un Prétérit exprime en général une action qui est allée au delà du temps présent. On considère le temps comme un fleuve rapide dont les flots sont des instants qui s'ecoulent sous nos pas, et devant autour de nous, et qui s'ecouleront sans jamais s'arrêter. Le présent, d'après cette image, n'est donc qu'un instant indivisible qu'on ne peut jamais fixer; ce qui a fait dire à un grand Poéte, dans un vers fort-energique et en parlant du présent:

Le moment où je parle est déjà loin de moi.






Prét. abs.

 

1° Pour exprimer une action considérée comme passée dans un temps que l'on ne désigne point, ou dont il reste encore quelque chose à ecouler, on se sert en français du présent absolu de l'indicatif d'un auxiliaire, et du participe passif du verbe qui enonce l'action dont il |120 s'agît: en conséquence je nomme ce temps Prétérit absolu. Exemple. j'ai aimé, tu as fini, il a reçu; nous avons repris, vous êtes tombés, ils se sont relevés.




Prét. eloign.

 

2° Pour exprimer une action considérée comme passée dans un temps qu'on désigne ou qu'on est censé désigner, et dont il ne reste plus rien à ecouler, on emploie une terminaison particulière, et on nomme ce temps prétérit eloigné; on pourrait aussi l'appeler prétérit historique; en effet c'est celui dont les historiens se servent le plus souvent. C'est le dernier des cinq temps primitifs; par conséquent il est simple, c.à.d. sans auxiliaire. Il est terminé ou en ai qu'on prononce comme un é fermé, ou en is, ou en us, ou en ins. Ex. j'etudiai, j'ecrivis, je lus, je tins.






Prét. coïncid. eloigné.

 

3° Une action peut être considérée comme passée, ou en même temps qu' immédiatement avant une autre qui l'est aussi, ou immédiatement auparavant. D'après cette observation on voit que les deux actions, dont il s'agît, tombent, pour ainsi dire, ensemble et au même instant; c'est ce qui a fait nommer le temps qui exprime la 1ere Prétérit coïncident. Cette dernière expression vient des deux mots latins cum et incidere: ce temps se forme du prétérit eloigné de l'un des auxiliaires et du participe passif du verbe qui exprime l'action qu'on veut peindre. Ex. J'eus fini en même temps que vous: Dès que j'eus fini, vous commençâtes; dès que je fus tombé, on me releva.







Prét.coïncid.proch.

 

4° Il en est des coïncidents comme des autres prétérits. Le dernier temps que nous venons de reconnaître exprime l'epoque d'une action coïncidente avec une autre dans un temps eloigné dont il ne reste plus rien à ecouler; mais il peut se faire qu'on veuille exprimer la coïncidence de deux actions passées prochainement et dans un temps qui ne soit pas encore tout-à-fait ecoulé. Pour exprimer cette epoque on a formé un autre temps qu'on appelle coïncident prochain. Le précédent doit donc se nommer coïncident eloigné. La formaison de ces deux coïncidents est analogue à celle des prétérits: de même que le prétérit eloigné est simple, tandis que le prétérit absolu est composé; de même le coïncident eloigné, quoique composé, se forme du temps simple de l'auxiliaire, tandis que le coïncident prochain se forme du prétérit absolu de l'auxiliaire qui est déjà composé, et du même participe. En ne considérant que le matériel de ce temps, les Grammairiens précédents |121 l'avaient nommé surcomposé, sans analyser son usage et sa destination. Ex. Ce matin, dès que vous avez eté levés eu entendu la cloche, vous êtes partis pour l'Ecole-centrale.





Prét. relatif.

 

5° Enfin dans toutes les langues on a eu occasion d'exprimer l'epoque d'une action passée avant une autre qui l'etait aussi; la relation de ces deux epoques egalement passées, mais l'une après l'autre, a fait donner au temps qui exprime celle qui est arrivée la première, le nom de Prétérit relatif. C'est ce que les Grammairiens vulgaires avaient nommé (on ne sait trop pourquoi) plusqueparfait. Ex. J'étais entré quand les traîneurs sont arrivés. Vous aviez rendu compte de la leçon précédente, lorsque j'ai commencé celle-ci.

Vous voyez par ces exemples que le prétérit relatif se place ordinairement avant le verbe qui exprime l'action passée depuis; néanmoins on pourrait placer la phrâse circonstancielle avant la proposition principale et dire: quand les traîneurs sont arrivés, j'etais entré. On ne consulte pour cet arrangement que l'harmonie dont l'oreille est juge: en général on doit placer au dernier rang le plus long membre de la phrâse.

Telles sont toutes les nuances du passé qu'on a cru devoir exprimer par des temps particuliers; on sent qu'on aurait pu en imaginer une infinité d'autres. (1) / (1) En effet les Grammairiens en citent d'autres comme, j'avais eu achevé; j'aurais eu fait, mais leur l'usage en est extrêmement rare. / Mais il faut se borner en tout et l'on aurait surchargé inutilement les langues. Les epoques précises, qui ne sont pas enoncées par un temps spécial, le sont par des adverbes de temps ou des expressions adverbiales; tels que hier, avant-hier, aujourd'hui, il y a quelques mois, quelques jours, quelques heures &c.; ou la date précise.

Comme on connaît beaucoup moins l'avenir que le passé, on a moins souvent occasion d'en parler; ainsi il n'est pas etonnant qu'il y ait moins de futurs dans les langues que de prétérits. Ce mot futur est tiré d'un participe latin du verbe par excellence; ce participe signifie devant être ou qui doit être, qui sera. On ne pouvait mieux désigner l'avenir. Nous conserverons donc ce nom.








Futur abs.


Fut. prochains.

Fut. relatif.

 

Quand on veut parler de l'avenir, ou l'on veut dire simplement qu'une chose arrivera, sans exprimer si ce sera bientôt ou non; ou l'on |122 veut dire que ce sera très-prochainement. Dans l'un et l'autre cas, on n'exprime aucun rapport de l'action àvenir avec une autre action egalement future: cependant il est possible que l'on ait besoin d'exprimer cette relation; en conséquence les Grammairiens ont distingué trois sortes de futurs, savoir 1° le futur pur et simple, que l'on nomme absolu; j'enseignerai, tu ecouteras, il apprendra. Il exprime simplement l'avenir sans aucun rapport ni à l'epoque, ni à aucune autre action. 2° le futur prochain, tel que je vais partir, mais je dois revenir. Le premier exemple, je vais partir, exprime une action très-prochaine, et le second, je dois revenir, un evénement simplement prochain. 3° Le futur relatif, tel que j'aurai médité, vous aurez profité &c. Il exprime une action àvenir, mais qui sera passée, lorsqu'une autre egalement future arrivera. La seconde n'est que circonstancielle par rapport à la première. Ex. Quand vous aurez cessé d'ecrire, j'expliquerai les principes que je vous dicte. Toutes les autres nuances de l'avenir s'expriment par des adverbes de temps ou des expressions adverbiales, telles que demain, désormais, souvent, dans quatre heures, l'an prochain &c....

 

 

 

 

Du mode Conditionnel.

 

L'exécution d'une condition, moyennant laquelle une chose aurait lieu, peut avoir rapport aux trois temps naturels.






Conditionnels.
Futur.

 

1° Pour exprimer le rapport que l'exécution d'une condition a avec l'avenir, on n'a pas eu besoin d'imaginer de nouveaux temps. Pour exprimer la condition, on se sert d'une conjonction conditionnelle avec le présent absolu qui, dans cette occasion, prend une teinte de l'avenir; souvent même on y joint un adverbe de temps; et pour exprimer l'action qui aura lieu moyennant la condition, on emploie purement et simplement le futur. Ex. Si vous êtes sages, vous serez estimés; s'il fait beau Décadi prochain, j'irai à la campagne.

N.a Cette règle n'a lieu que pour la langue française, dans les autres langues et surtout langues anciennes, après la conditionnelle, on emploie le temps dont il sera parlé à l'article 3 ci-après.


Présent.

 

2° Pour exprimer le rapport que l'exécution d'une condition peut avoir avec le temps présent, on met le présent relatif après la conditionnelle, et pour exprimer la chose qui aurait lieu après la condition, on emploie un temps particulier à notre langue, et qu'on appelle |123 conditionnel présent; il est toujours terminé en rais. Ex. Si vous etudiiez davantage, vous feriez plus de progrès.







Condit. prétérit.

 

3° Pour exprimer le rapport que l'exécution d'une condition peut avoir avec le temps passé, on place après la conditionnelle le prétérit relatif du mode subjonctif, et pour exprimer la chose qui aurait eu lieu, moyennant la condition, on se sert d'un temps composé du conditionnel présent de l'un des auxiliaires et du participe passif du verbe dont ce temps fait partie: on l'appelle Conditionnel prétérit ou relatif. Ex. Si les despotes ne nous eussent pas déclaré la guerre, nous aurions jouï complétement des avantages de notre révolution.

N.a. Ce mode n'existe pas en latin.

 

 

 

 

De l'Impératif.

 

Nous avons vu précédemment tout ce que l'on peut dire du mode Impératif; ainsi nous allons de suite analyser les temps du mode Subjonctif, relativement à la langue française.

 

 

 

 

Subj.


Prés. abs.

 

 

Du Subjonctif.

 

Le Subjonctif peut exprimer, ainsi que l'Indicatif, des actions faites actuellement ou précédemment; mais il n'a point de rapport direct avec l'avenir. Le premier temps de ce mode y a seulement un rapport indirect. Ce 1er temps s'appelle, comme celui de l'Indicatif, Présent absolu: il exprime une action subordonnée et qui se fait au moment où l'on parle, ou dans un temps postérieur; ainsi il a une teinte de l'avenir. Ex. Si vous voulez que je vous instruise, soyez donc attentifs et laborieux &c. &c.

 

 

 

 

Remarques.

 

1° Ce temps est simple, c.à.d. formé d'un seul mot. 2° Tous les temps du subjonctif sont annoncés par la conjonction que qui en tire son nom, et se nomme subjonctive. 3° On ne se sert des temps simples de ce mode que pour exprimer des actions dont l'evénement est douteux ou incertain. 4° La première et la seconde personne du pluriel de ce temps dans notre langue sont absolument semblables à la 1ere et à la 2de du présent relatif de l'Indicatif; excepté dans le verbe faire qui est le plus riche de tous les verbes français, et dans les auxiliaires |124 être et avoir, qui ont chacun une conjugaison particulière.

Le second temps du mode subjonctif est aussi simple; la conjonction subjonctive qui le précède est précédée ou d'un présent relatif de l'Indicatif, comme dans cette phrâse: la raison voulait que je vous enseignasse l'analyse de l'entendement humain; ou d'un conditionnel présent comme dans celle-ci: il faudrait, pour bien réussir dans l'Idéologie, que vous eussiez des connaissances préliminaires qui manquent à plusieurs d'entre vous.

Prés. relat.

 

Par analogie de signification nous nommerons ce temps Présent relatif. En latin il porte aussi ce nom, et tient lieu du Conditionnel présent. En français il se forme du prétérit eloigné, et a, comme lui, quatre terminaisons différentes analogues à celles de ce prétérit. Quand ce prétérit est terminé en ai, le présent relatif du subjonctif est terminé en asse; quand ce prétérit l'est en is ou en us, le présent relatif subjonctif est en isse ou usse: enfin quand ce prétérit est terminé par ins, le présent relatif du subjonctif est en insse. En général il ne faut donc, pour le former, qu'ajoûter se au prétérit eloigné, en supprimant l'i final, s'il y en un. Ex. que je chantasse, que tu ecrivisse, qu'il lût; que nous vinssions, qu'ils tinssent. La pénultième syllabe de ce temps est toujours longue.




Prét. abs.

 

 

Au subjonctif, comme à l'indicatif, on peut avoir à exprimer une action passée, et on a pour cela formé un prétérit qui, en français, est toujours composé du présent du subjonctif de l'un des auxiliaires et du participe passé passif qui exprime l'action dont on veut parler. Il se place le plus ordinairement après un prétérit absolu de l'Indicatif. Ex. Pour approfondir la science que je professe, il a fallu que j'aie long-temps etudié l'esprit humain, et les auteurs célèbres qui en ont traité. Cependant on dit aussi, en le plaçant après le présent d'un verbe qui exprime le doute, je ne crois pas qu'il ait fini; je doute qu'il ait etudié.




Prét. rel.

 

|125 Enfin dans les propositions subordonnées on peut avoir à exprimer une action ou une situation passée avant une autre qui l'est egalement, et pour cet effet on a formé un temps que l'on nomme par analogie prétérit relatif. Il est composé du présent relatif du subjonctif de l'un des auxiliaires, et du participe passé passif du verbe qui exprime l'action ou la situation qu'on veut peindre: il est le plus souvent précédé d'un conditionnel prétérit. Exemple. Pour éviter la colère de la grande nation, il aurait fallu que les rois eussent eté fidèles à leur promesse.

 

 

 

 

Observations.

 

Dans l'emploi des temps du subjonctif, il arrive souvent dans la conversation et même dans la composition qu'on met un temps pour un autre, et que l'on fait ainsi des Solécismes que je veux vous apprendre à eviter. Il n'est pas rare d'entendre dire : il voulait que j'aille chez lui, il a fallu que je fasse telle chose; il aurait voulu que je lui découvre mon secret &c.... Ce sont autant de fautes contre la langue, ce sont de vrais solécismes. Dans ces phrâses il faudrait dire: il voulait que j'allasse chez lui; il a fallu que j'aie fait &c. il aurait voulu que je lui eusse découvert &c.

La règle générale à observer dans l'emploi de ces temps, c'est de mettre même temps après que devant, et, pour l'appliquer à un exemple unique qui renferme tous les cas, lions par la subjonctive que le monopersonnel (a) / (a) Par un ridicule etonnant les faiseurs de Grammaires et de rudiments ont toujours appelé impersonnels les verbes qui ne sont usités qu'à la 3e personne. Ils ne sont donc pas impersonnels puisqu'ils ont une personne; je les appelle monopersonnels, comme on appelle monosyllabe le mot qui n'a qu'une syllabe. / il faut avec les différents temps du verbe faire.

 

Exemples.

Présents absolus. Il faut que je fasse.

Présents relatif. Il fallait que je fisse.

|126 Prétérits absolus. Il a fallu que j'aie fait.

Prétérit eloigné. Il fallut que je fisse.

Futur absolu. Il faudra que je fasse.

Conditionnel présent. Il faudrait que je fisse.

Conditionnel prétérit. Il aurait fallu que j'eusse fait.

Impératif présent. Fais en sorte qu'il fasse.

 

 

Impersonnel.

 

 

Du mode Impersonnel.

 

 

 

Comme ce mode n'exprime aucun rapport de nombre ni de personne, il doit avoir naturellement moins de nuances que les autres. Il n'exprime, outre l'action, que le rapport du temps, et en conséquence il n'a que les trois temps naturels, savoir;

prés.

 

le présent absolu, méditer, sentir, recevoir, prendre.

prétér.

 

le prétérit qui se forme du présent du même mode de l'un des auxiliaires et du participe passé passif du verbe dont il s'agît, comme avoir médité, avoir senti, avoir reçu, avoir pris, et pour les verbes enonciatifs être tombé, être mort, être déchu, être surpris.

futur abs.

 

3° Le futur absolu, qui se forme du présent de l'impersonnel de l'auxiliaire devoir, et du même temps du verbe dont il s'agît. Ex. devoir méditer, devoir sentir, devoir prendre.

fut. rel.

 

4° On pourrait, à la rigueur, compter un quatrième temps qui serait le futur relatif, comme avoir du méditer, avoir du sentir &c. ainsi des deux autres; mais je regarde plutôt ces expressions comme faisant partie de deux verbes dont le second est l'objet du premier, que comme un seul temps du dernier.




Participes.

 

Outre ces temps, l'Impersonnel renferme, encore les différents participes. Certains Grammairiens en font un mode à part. Je n'en vois pas la nécessité; car ainsi que les temps précédents ils n'expriment aucun rapport à la personne, quoique l'un d'eux soit susceptible du pluriel et du féminin. Cette raison suffît sans doute pour les faire clâsser dans le mode impersonnel. Je distingue quatre |127 participes; un pour chaque temps naturel de l'actif et un pour le passif.

Présent.

 

1° Le participe présent qui est toujours indéclinable. Ex. méditant, sentant, recevant, prenant, à moins qu'ils n'expriment une qualité [] à la syntaxe.

Passif.

 

2° Le participe passif qui, si l'on y réfléchît bien, exprime purement et simplement un attribut sans aucun rapport au temps. Ex. récité, senti, reçu, pris &c. Ce seul participe est susceptible des deux genres et des deux nombres.

Passé.

 

3° Le participe passé actif qui se forme du participe présent de l'un des l'auxiliaires et du participe passif du verbe auquel il appartient, comme ayant médité, ayant senti, etant mort &c....

Futur.

 

4° Enfin le participe futur qui se forme du participe présent de l'auxiliaire devoir, et du présent de l'impersonnel du verbe auquel il appartient. Ex. devant méditer, devant sentir et ainsi des autres.

 

 

 

 


Temps primitifs.

 

 

Des Temps primitifs.

 

On appelle temps primitifs ceux qui servent à en former de différents autres, sans dériver eux-mêmes d'aucun. Ils sont, pour ainsi dire, le germe et la racine de toutes les variations du verbe.

On en compte cinq en français, savoir, 1° le présent absolu de l'impersonnel, comme ouvrir. 2° le participe présent ouvrant. 3° le participe passif, ouvert. 4° la première personne du singulier du présent absolu de l'indicatif, j'ouvre. 5° la première personne du singulier du prétérit eloigné de l'indicatif, j'ouvris.

 

 

 

 

Formation des Temps.

 

Du présent de l'impersonnel on forme

1° Le futur absolu de l'indicatif en ajoûtant ai au présent de l'impersonnel terminé par un r; ainsi de aimer on fait j'aimerai, de finir, finirai &c.... et en changeant l'e muet en ai dans les verbes terminés par cette voyelle. Ex. de plaire on forme, par la suppression de l'e et la substitution de la diphtongue plairai; de lire, lirai; de prendre, prendrai; de vivre, mettre, vivrai, mettrai &c.

Dans les verbes en oir, on change oir en rai; devoir, je devrai, recevoir, je recevrai &c....

|128 Les Grammaires particulières et surtout l'usage doivent apprendre les exceptions, comme voir, je verrai, savoir, je saurai, tenir, je tiendrai &c....

Observez en outre que les auxiliaires ont une conjugaison particulière qu'il faut apprendre de mémoire plutôt que par les règles à cause des nombreuses exceptions.

Du Futur absolu ainsi formé, on forme le Conditionnel présent en ajoûtant seulement s à la 1ere personne du singulier, et en intercalant un i entre le r et la terminaison particulière à chacune des deux premières personnes du pluriel, et entre l'a et le s pour la seconde pers. du singulier.

Du Participe présent on forme le présent relatif de l'indicatif en changeant ant en ais. Ex. de changeant on fait je changeais; de finissant, je finissais; de tenant, je tenais; de mordant et vivant, je mordais et je vivais. L'usage apprend les exceptions.

Remarquez que la première et la seconde personne du pluriel de ce présent relatif sont toujours semblables dans les verbes aux première et seconde personnes du pluriel du présent absolu du subjonctif.


Exemples.

Présent relatif de l'indicatif. Nous aimions, vous aimiez; nous tenions, vous teniez.

Présent absolu du subjonctif. que nous aimions, que vous aimiez &c....

Du Participe passif on forme tous les temps composés des verbes avec les temps simples des auxiliaires. Ex. j'ai aimé, j'eus senti, j'avais tenu, j'aurai ouvert, je serais mort. &c....

Du Présent absolu de l'indicatif, on forme l'impératif en supprimant les pronoms personnels. Ex. de j'aime, on forme l'impératif aime; indicatif présent absolu, nous sentons, vous sentez; impératif, sentons, sentez.

Le présent absolu du subjonctif se forme de la troisième personne du pluriel du présent absolu de l'indicatif en supprimant nt, pour la première personne du singulier: ainsi la 3e du pluriel est semblable |129 de part et d'autre.

 

 


Exemples.

   

Prés. abs. de l'indic.

Prés. abs. du subj.

 

 

ils aiment,
ils lisent,
ils viennent,

que j'aime... qu'ils aiment.
que je lise,... qu'ils lisent.
que je vienne... qu'ils viennent.

 

 


Exceptions.

ils sont, que je sois; ils ont, que j'aie; ils font, que je fasse; ils vont, que j'aille.

Le présent relatif du subjonctif se forme, sans exception, de la seconde personne du singulier du prétérit eloigné de l'indicatif en y ajoûtant se.


Exemples.

tu eus, que j'eusse; tu fus, que je fusse; tu aimas, que j'aimasse; tu fis, que je fisse; tu tins, que je tinsse; tu ouvris, que j'ouvrisse; tu voulus, que je voulusse.

Quant aux futurs de l'impersonnel, le premier se forme du présent de l'impersonnel, en mettant avant l'impersonnel devoir; le second, qui est doublement composé, se forme du même temps du même mode, en le faisant précéder du prétérit de l'impersonnel de ce même verbe devoir. Ex. avoir du aimer, avoir du faire &c. &c. Le troisième , qui est un participe, se forme aussi du présent de l'impersonnel que l'on fait précéder du participe présent du même auxiliaire devoir. Ex. devant aimer, devant sentir, &c.... Tels sont tous les temps des verbes français.

 

 

 

 

Nouvelle Division des Conjugaisons.

 

Ecrire ou réciter de suite et par ordre toutes les différentes manières d'employer un verbe avec les variations des Modes, Temps, nombres et personnes, c'est ce qu'on appelle conjuguer: conjuguer un verbe c'est donc en rassembler et disposer toutes les terminaisons comme sous un même joug. Cette métaphore est tirée de la manière d'atteler les bœufs au joug.

|130 Pour faciliter l'analyse, on a divisé en plusieurs clâsses, qu'on a nommées Conjugaisons, les différentes terminaisons de l'Impersonnel des verbes. Les uns, comme le C. Domergue, laissant à l'usage à enseigner les variétés, n'ont reconnu qu'un type de conjugaison; les autres tels que Restaut, ne consultant que la terminaison matérielle du présent de l'Impersonnel, en ont distingué quatre; en er, en ir, en oir et en re. Enfin les CCns DeWailly et Godfroy mon Collègue, remarquant des différences palpables dans les temps primitifs des verbes en ir et en re ont distingué jusqu'à onze Conjugaisons. Leurs subdivisions, quoique trop nombreuses, sont encore incomplétes. Si l'on voulait reconnaître autant de Conjugaisons qu'il y a de variétés dans les mêmes temps des différents verbes, le nombre en serait si grand que cette subdivision, loin de faciliter l'analyse, la compliquerait au point de la rendre inutile.

Pour diviser les verbes français en Conjugaisons, j'ai consulté l'analyse et l'analogie. J'ai cru que dans cette opération ce systême toujours un peu arbitraire, il ne fallait s'attacher qu'aux principaux traits caractéristiques; j'ai observé 1° que les verbes dire, lire, faire taire, plaire et autres se conjuguaient à peu près comme les verbes sentir, partir, &c. 2° que les verbes boire et croire se conjuguaient absolument comme les verbes devoir et voir: tandis que ces derniers qu'ils n'ont presqu'aucune ressemblance avec les verbes partir, finir, mettre rendre et paraître dans la clâsse desquels on les range. Je propose donc une nouvelle division des verbes français en quatre Conjugaisons, ainsi qu'il suit.

La 1ere comprend tous les verbes dont le présent de l'Impersonnel est terminé en er, comme chanter.

La 2de se divise en brève et en longue. Elle comprend tous les verbes dont le présent de l'impersonnel est terminé en ir bref, comme finir, sentir, ouvrir &c. ou en ire long, comme lire, ecrire, plaire &c....

La 3e se compose de tous les verbes dont le présent de |131 l'impersonnel est terminé en oir bref, comme devoir, voir, vouloir &c. ou en oire long, comme boire, et croire.

Enfin la 4e renferme tous les verbes dont le présent de l'impersonnel est terminé en re précédé d'une consonne, tels que vaincre, rendre, feindre, mordre, perdre, rompre, mettre, battre et vivre.

Les cinq consonnes c, d, p, t et v sont les seules qui précèdent re à l'impersonnel.

 

 

 

 

Observation importante.

 

La troisième personne du pluriel a une très-grande analogie avec les trois personnes du singulier, et cette analogie est constante.


Preuve par les exemples.

On le voit 1° dans les verbes en enir, comme tenir, venir.

Remarquez que dans la troisième personne du pluriel, après la lettre initiale, il se trouve la même nazale ien que dans les trois personnes du singulier. Je viens, tu viens, il vient; ils viennent; tandis que dans les deux premières du pluriel il n'y a plus d'i; nous venons, vous venez.

2° Dans les verbes en oir et en oire; je dois, tu dois, il doit; ils doivent; nous devons, vous devez. je bois, tu bois, il boit; ils boivent; nous buvons, vous buvez.

3° Autre exemple pour le subjonctif.

Quand les trois personnes du singulier s'ecrivent par deux n entre deux e, la 3e pers. du plur. s'ecrit de même, tandis que les 2 1eres du plur. ne conservent qu'un n. que je prenne, que tu prennes, qu'il prenne; qu'ils prennent, que nous prenions, que vous preniez. que je vienne, &c.... que nous venions, &c. qu'ils viennent. L'analogie subsiste egalement dans le systême de ceux qui suppriment un des deux n, et y suppléent par l'accent grave. que je tiène, &c. que nous tenions, &c. qu'ils tiènent. En effet il ne faut point d'accent grave sur les deux 1eres pers. du plur. On ne le met qu'aux quatre pers. analogues.

|132 Observez enfin cette analogie dans les présents relatifs de l'indicatif et dans les Conditionnels présents de tous les verbes.

 

 

 

 

Autre Observation
qui confirme la première.

Règle générale.

 

La première et la seconde personne du pluriel s'ecrivent y ont un i de plus que les quatre autres. Ex. que je chante, que tu chantes, qu'il chante, que nous chantions, que vous chantiez, qu'ils chantent.

Quand les deux premières du pluriel s'ecrivent par deux i ou un y, les quatre autres s'ecrivent avec un seul i. Ex. je crois, tu crois, il croit; nous croyons, vous croyez, ils croient.

Par conséquent Lhomond (a) / (a) DeWailly est dans le même cas./ péche contre les principes et fait une faute d'orthographe dans ses Grammaires tant latine que française, quand il ecrit avec un y au présent abs. du subjonctif, que j'aye, que tu ayes, qu'ils soyent; dans tous ces mots il ne faut qu'un i et non un y; l'y doit être réservé pour les deux premières personnes du pluriel: que nous ayons, que vous ayez; que nous soyons, que vous soyez.

Le systême de Lhomond menerait à une absurdité; car, d'après ce systême, il faudrait dans certains mots ecrire de suite quatre i ou deux y. En effet on ne peut nier que le présent relatif de l'indicatif ne doive avoir un i de plus que le présent absolu du même mode, comme on le voit dans ces verbes: nous aimons, nous aimions; vous lisez, vous lisiez; &c. je crois, je croyais; je vois, je voyais: d'un autre côté les deux premières personnes du pluriel doivent avoir un i de plus que les quatre autres. Si donc on ecrivait ils croyent avec un y, il faudrait ecrire je croyiais avec un i après l'y et par conséquent au pluriel nous croyyons avec deux y de suite. Ce qui est absurde et impossible à prononcer.

|133 J'ai donc démontré géométriquement qu'il faut ecrire avec un seul i, que j'aie, que tu aies, qu'ils aient; qu'ils soient, ils croient, ils voient &c. &c.

 

 

 

Véritable modèle de Conjugaison de ces verbes.

 

 

Présent abs. de l'indicatif.

Je crois, tu crois, il croit; nous croyons, vous croyez, ils croient.

 

 

Prést rel. de l'Indicatif.

Je croyais, tu croyais, il croyait; nous croyions, vous croyiez, ils croyaient.

 

 

R.G. Ainsi on ne peut pas prononcer en français plus de trois i de suite. Les deux premières personnes du pluriel doivent s'ecrire avec un y et un i, quand les quatre autres s'ecrivent avec deu un y.

 

 

 

 

3e Observation essentielle.

 

Le Présent relatif de l'indicatif a beaucoup d'analogie avec les deux premières personnes du pluriel du présent absolu du même mode, et avec le participe présent du même mode.


Preuve par les Exemples.

Dans les verbes en oire et oir, comme boire et devoir, les deux premières p. du pluriel du présent absolu de l'indicatif se forment du participe présent buvant et devant; et l'on dit, nous buvons, vous devez, tandis que les quatre autres se forment du présent de l'impersonnel: de boire, devoir on fait je bois, tu bois &c. je dois, ...il doit, ils doivent. Le présent relatif de ce mode s'ecrit comme les deux premières personnes du pluriel, je buvais, tu buvais, comme nous buvons, vous buvez, et non pas je boivais, tu boivais comme les personnes du singulier des temps précédents.

Dans les verbes en enir, il en est de même: on dit tenant, nous tenons, vous tenez; je tenais, tu tenais, &c.... quoiqu'au singulier du présent absolu il se trouve la nazale ien.

Il en est encore de même dans certains verbes en endre, comme prendre. Du participe présent prenant on fait nous prenons, vous prenez; je prenais, &c. quoiqu'au singulier du présent absolu on dise et |134 on ecrive, je prends, tu prends &c.... Enfin de faisant on fait nous faisons, je faisais &c. Il en est de même dans tous les verbes.

 

 

 

 

Des Prépositions.

 

Voyez ce qui a eté dit dans l'Introduction et dans la Grammre Gle. Toutes les Prépositions ne marquent pas les mêmes rapports; et néanmoins la même préposition en marque souvent de différents, suivant la proposition où elle est employée.

 

 

 

 

Principaux rapports exprimés par les prépositions.

 

Il y a des prépositions qui expriment le terme où vont aboutir les actions et les influences des êtres; telle est l'attributive à, et quelquefois la préposition pour: Ex. Il est allé à Paris, il est parti pour Lyon.

D'autres expriment le but auquel on tend. Telles sont pour, vers, à &c. &c. Ex. Vous etudiez pour vous instruire, il lève les yeux vers le ciel, cette route conduit à Lyon.

Il y en a qui expriment la situation, le lieu où se trouve la chose. Ex. être à terre, sur la table, sous le chaume, dans le jardin; passer par Fontainebleau, vis-à-vis de l'ennemi.

Quelques-unes marquent l'opposition. Ex. résister à l'injustice, se battre contre l'ennemi, s'appuyer contre le mur.

Les unes marquent l'origine, telles que de. Ex. Issu d'une famille illustre, tirer de l'eau d'une fontaine.

Les autres marquent le motif, comme agir par intérêt, la cause ou l'instrument; être mordu par un lion, être récompensé par le gouvernement.

Quelquefois de signifie la même chose que par, et marque aussi le rapport d'un instrument: ex. être atteint d'une fléche ou par une fléche, mourir de maladie, ivre d'orgueil &c. &c.

Celles-ci marquent l'ordre dans lequel se font les choses ou les distances, telles que avant, après, dès, depuis, entre &c. La nouvelle est arrivée avant le courrier qui l'apportait. L'eté est entre le printemps et l'automne. Cette riviére n'est pas navigable dès sa source. Depuis Auxerre jusqu'à Lyon, les chemins sont mauvais. Depuis leur naissance jusqu'à leur mort, les hommes doivent honorer leurs parents. &c.

Celles-là marquent l'union ou la simple circonstance. Ex. Il se promène |135 avec ses amis; il est parti avec la fiévre; pendant la guerre les plaisirs languissent; agissez toujours selon la raison et suivant la loi.

Enfin il en est qui marquent la séparation, l'exception ou la privation. Ex. Les Soldats sans leurs Officiers se battraient mieux l'ennemi que les officiers sans les soldats. Tout est perdu, disait Henri IV., hors l'honneur, hormis l'honneur, excepté l'honneur.

 

 

 

 

Des Adverbes et autres invariables.

 

Quant aux Adverbes, Conjonctions et interjections, voyez l'Introduction et la Grammaire Générale.

 

 

 

 

Syntaxe de la langue française.

 

»Il ne suffît pas, pour parler, de connaître les différentes formes dont un mot est susceptible; il faut encore connaître quel usage on doit faire de ces différentes formes pour lier ensemble les diverses parties qui composent le discours, et dans quel ordre on doit disposer ces diverses parties. Les règles, que l'on doit suivre pour ces deux objets, sont ce qu'on appelle Syntaxe. Cependant, la première de ces deux parties de la Grammaire, s'appelle plus ordinairement Syntaxe, et la seconde Construction, quoique ces deux mots, dont l'un est grec, et l'autre latin, signifient proprement la même chose, l'art de disposer et de coordonner les différentes parties du discours.

Toutes les règles de la Syntaxe se rapportent à deux objets la Concordance et la Dépendance. Les mots Substantifs, qui désignent les êtres par l'idée de leur nature, sont susceptibles de divers Nombres et de divers Genres; les Articles, les Adjectifs, les Pronoms et les Verbes peuvent aussi admettre les mêmes variations de Nombres et de Genres; et comme ces variations ne sont destinées qu'à indiquer leurs rapports avec les Substantifs, les règles de la Concordance ont pour objet d'enseigner dans quels cas les Articles, les Adjectifs, les Pronoms et les Verbes doivent prendre le même Genre et le même Nombre que les Substantifs auxquels ils se rapportent. |136 Les Substantifs, les Adjectifs et les Verbes ont souvent, des (comme nous l'avons vu sur la fin de la Grammaire générale) des substantifs ou des verbes compléments, (c.à.d. pour objet, terminatif ou déterminant.) Les règles de la Dépendance enseignent de quelle manière le rapport entre le terme antécédent et le terme conséquent doit être indiqué. Elles enseignent encore quelles prépositions doivent servir de indiquer les terminatifs et les divers circonstanciels des verbes, à quel mode, à quel temps les verbes doivent être mis &c. quelles conjonctions doivent être placées après tel ou tel verbe. Mais sur tous ces détails l'usage est le plus grand maître.

(N.a Tout ce qui est marqué par des guillemets est extrait des Principes de Gre Gle du Cn A.I. Silvestre de Sacy.)

 

 

 

 

Règles de Concordance.

 

1ere Tout article, Adjectif, Pronom et Participe doit être au même genre et au même nombre que le Substantif auquel il se rapporte.

(La règle renferme l'exemple; d'ailleurs on en donne d'autres de vive voix.)

2e Tout verbe doit s'accorder en nombre et en personne avec son sujet. Il n'y a que je, moi qui, et nous qui marquent la 1ere personne; tu, toi qui, et vous et les vocatifs qui expriment la seconde; tous les autres pronoms personnels, ils, eux, il, elle, il, ils, lui, eux, elle, elles; tous les adjectifs relatifs, distributifs, partitifs &c. et tous les substantifs indiquent la troisième.

3e Deux singuliers et plus valent un pluriel. Ainsi tous les articles, adjectifs, et pronoms, et participes, et verbes qui se rapportent à plusieurs substantifs singuliers, doivent être mis au pluriel.

Ex. Les père et mère sont obligés de donner trois choses à leurs enfants, la nourriture, l'education et le bon exemple.

 

 

Observation.

 

Les Poétes modernes prétendent avoir le droit de mettre au singulier les adjectifs et verbes qui ont rapport à plusieurs sujets singuliers, en ne les rapportant qu'au dernier.

|137 En prose la règle ne souffre pas d'exception. En poésie, si les substantifs singuliers ne sont liés par aucune conjonction, on peut tolérer la licence: mais elle est intolérable, si les substantifs précédents sont liés par une conjonction quelconque; et la règle est impérative pour les versificateurs comme pour les Prosateurs. / Il est incontestable qu'on dit: les père et mère d'untel; et quoiqu'en dise mon Collègue Domergue, (i) / (i) p.88 et 89 de sa Grammaire simplifiée. / je pense que, pour eviter toute equivoque, il faut ecrire: un Maître de langues Française, Italienne et Espagnole; le génie des langues Gréque et Latine. Car en disant, le génie de la langue Grecque et Latine, il fait croire qu'il parle d'une seule langue, qui serait un mélange de Grec et de Latin; ce qui n'est pas son intention. Je ne crois pas non plus que l'on doive plutôt conserver le c dans l'adj. fém. Grecque, comme le fait l'auteur cité, que dans publique, Turque et caduque. C'est une règle générale que les adj. terminés au masc. par un c forment leur fém. en changeant le c en que. Blanc, franc, sec qui au fém. font blanche, franche, séche, sont seuls exceptés. Ce n'est pas à dire pour cela qu'il faille dire: l'un et l'autre rivaux; le 1er et le der chevaux. L'ellipse a lieu quand les adjectifs précèdent le substantif qu'ils modifient: au lieu de l'ellipse, on met le pluriel quand le substantif précède les adjectifs incompatibles qui s'y rapportent. /

L'Adjectif ou Participe variables qui se rapporte à deux substantifs de différent genre, doit se mettre au masculin. Ex. Les père et mère sont obligés &c. v. l'ex. préc. Les grands talents et les grandes actions doivent être honorés et récompensés; et non honorées et récompensées. N.a Les ecrivains d'un goût délicat evitent d'accoler des substantifs de différent genre. Si on ne les lie pas par une conjonction, on peut faire acco accorder l'adjectif ou le participe avec le dernier substantif exprimé.

5e Le verbe, qui se rapporte à plusieurs sujets de différente personne, doit s'accorder avec la première en rang; c.à.d. qu'il doit être à la 1ere personne, s'il si l'un des sujets la désigne, et à la 2de si les sujets sont de la 2de et de la 3e.

Ex. Vous, lui et moi avons un egal droit à la protection des lois. Mon fils et moi sommes allés à la campagne. Vous et votre frère avez &c....

Dans les enumérations de personnes, le Français, par dont la politesse est un caractère distinctif, se nomme toujours le dernier. Les Romains, au contraire, dont l'orgueil etait la passion dominante, se nommaient toujours les premiers, Ego, tu et Cicero valemus, disait un Latin.

 

 

 

 

Des Participes.

Des participes présents.

 

Les participes présents, tant qu'ils expriment une action plutôt qu'une qualité, sont indéclinvariables. Ex. On dit egalement des hommes lisant (sans s), des femmes lisant; des hommes marchant, des filles marchant.

Quand les participes présents expriment plutôt une qualité qu'une action, ils deviennent déclinvariables, c.à.d. qu'ils doivent s'accorder en genre et |138 en nombre avec le substantif ou pronom dont ils sont l'attribut. Ex. un homme suppliant, des femmes suppliantes; un être gémissant, des une voix gémissante.

 

 

Remarque essentielle.

 

Ce sont particulièrement les participes présents des verbes enonciatifs qui expriment des qualités plutôt que des actions, et qui, par conséquent, deviennent déclinables variables.

8e Quand un Participe présent, quel qu'il soit, actif ou enonciatif, est declinvariable, il ne peut jamais avoir d'objet.

9e Ainsi quand un participe a un objet, il doit rester indéclinvariable. Ex. Quoiqu'on dise, des femmes suppliantes dans un sens absolu et purement enonciatif, on doit dans le sens actif dire et ecrire: des femmes suppliant leurs maris.

 

 

Des participes futurs.

 

10e Les participes futurs sont toujours indéclinvariables. On dit d'un homme comme d'une femme comme d'un homme, et de plusieurs comme d'un seul: devant lire, devant prendre, sans distinction de genre ni de nombre. C'est qu'ici les participes présents auxiliaires ont un objet qui est le verbe à l'impersonnel.

 

 

Des participes passifs.

 

N.a Ces participes, qui n'expriment que le passé en latin, n'ont en français aucun rapport au temps. Ainsi je les nomme simplement passifs. En effet nous disons egalement: je suis aimé, j'ai eté aimé, je serai aimé. Il est si vrai que par eux-mêmes ces participes ne désignent pas le passé, que, pour exprimer le rapport à ce temps, on ne dit pas simplement aimé, mais ayant eté aimé. (temps que les Grammairiens ont assez bizârrement nommé Gérondif. Il n'y a point de Gérondif en Français. Je crois même que l'on devrait bannir ce mot barbare de toutes les Grammaires, mêmes des Grammaires latines.[)]

11e Quand les participes passifs sont précédés de l'auxiliaire être, ils sont toujours déclinvariables, c.à.d. susceptibles de s'accorder en genre et en nombre avec le sujet. Ex. Les courriers sont partis; vos lettres ont eté lues. &c.

12e Quand les participes passifs sont précédés de l'auxiliaire avoir, et ne le sont pas de leur objet, ils sont invariables. Ex. Les femmes ont dansé plusieurs contredanses. Les ennemis ont attaqué nos avant-postes, mais ils ont |139 eté repoussés.

Remarquez que les participes dansé et attaqué sont indéclinvariables parce que leur objet est après eux, et qu'ils sont précédés de l'auxiliaire avoir; tandis que le participe repoussés est décliné au pluriel, comme etant précédé de l'auxiliaire être, et se rapportant aux ennemis.

13e Quand l'auxiliaire avoir est précédé de son objet, le participe passif, qui le suit, devient déclinvariable. Ex. Ma sœur, que j'ai rencontrée, a placé sa fille avantageusement.

Remarquez que le participe rencontrée est au féminin, quoique précédé de l'auxiliaire avoir, parce que cet auxiliaire est lui-même précédé de son objet que; tandis que le participe placé reste indéclinvariable, parce que son objet, sa fille, ne se trouve qu'après lui. Autres ex. Ma fille, je t'ai toujours chérie, je t'ai vue constamment fidèle à tous tes devoirs.

(Le Professeur fait faire aux elèves sur ces exemples et plusieurs autres les mêmes remarques que ci-dessus.)

Problême.

 

14e Le participe eté est constamment invariable. On dit, j'ai eté, elle a eté, ils ont eté, nous aurons eté, vous eussiez eté &c.... Quelle en est la raison? (Il sera bon que le Professeur donne ce problême et autres semblables à résoudre aux elèves. Les plus intelligents, ceux qui auront bien saisi et compris les règles précédentes ne manqueront pas de trouver la solution suivante.) C'est qu'il n'est jamais précédé d'aucun temps du verbe être, qu'il est constamment précédé de l'auxiliaire avoir, et qu'il n'a jamais d'objet.)

 

 

 

 

Observation importante où se trouve la solution de la plus grande difficulté relative aux participes passifs.

 

Il arrive quelquefois que les jeunes gens ou les etrangers sont embarrassés de savoir si le participe passif, précédé d'un objet, doit être décliné ou non s'accorder ou non avec son sujet. La règle est toujours la même. Si le régime, qui précède, est l'objet de l'auxiliaire, déclinez accordez le participe; si ce régime est l'objet, non de l'auxiliaire, mais d'un impersonnel suivant, ne déclinez pas le participe que le participe reste au masculin singulier. Pour bien ecrire une phrâse |140 pareille, il faut la bien comprendre; car c'est le sens qui décide: ce qui prouve combien l'analyse grammaticale est, je ne dis pas avantageuse, mais indispensable.

Ceci va s'eclaircir par des exemples. Supposons que vous ayez à ecrire la phrâse suivante: La femme que j'ai vue peindre est fort-aimable. Mettrez-vous un e après l'u dans vu? N'en mettrez-vous pas? Cela dépend du sens; analysons donc. S'il s'agît d'une femme peintre qui tenait le pinceau, mettez vue au féminin, parce qu'alors l'adjectif relatif que est l'objet du verbe voir. Si au contraire il est question d'une femme dont on faisait le portrait, le participe vu doit rester au masculin, parce qu'il n'a plus pour objet l'adjectif relatif, mais l'impersonnel peindre; et que cet adjectif relatif est l'objet de peindre, et non pas de voir.

D'après cette explication, il ne peut plus y avoir de difficulté pour les propositions suivantes: les femmes que j'ai vues danser parce qu'on ne danse pas une femme, et que c'est elle qui danse. / Les contredanses que j'ai vu danser. Vu invariable, parce que, précédé de l'auxiliaire j'ai, il a pour objet danser; le relatif que est objet non de j'ai vu, mais de danser. On ne voit que les danseurs, on ne voit pas les contredanses. On les danse, on les exécute. C'est un mot abstrait qui ne tombe pas sous les sens. / Les lettres que j'ai entendu lire. Le participe reste ici au masculin, parce que l'adjectif relatif est l'objet du verbe lire, et que cet impersonnel lui-même sert d'objet au participe entendu: ainsi l'auxiliaire n'est pas précédé de son objet, donc il ne doit pas être décliné s'accorder en genre ni en nombre.

15e Comme les verbes réfléchis (a) / Je suppose, avec raison sans doute, que les elèves ont appris ce que c'est qu'un verbe réfléchi; qu'ils ont des notions de Grammaire française, quelque superficielles qu'elles puissent être. / ont le sens actif, quelques Grammairiens ont eté embarrassés pour décider si le participe passif devait être décliné varier ou non dans les participes temps composés de ces sortes de verbes. D'après les principes invariables que j'ai posés et développés, il ne reste plus aucune difficulté. En effet considérera-t-on ces verbes comme actifs? Dans ce cas le participe est déclinvariable, parce qu'il est précédé de son régime. Les considérera-t-on comme simplement enonciatifs? Alors le participe n'en est pas moins déclinvariable; car il est précédé de l'auxiliaire être. Sous quelqu'aspect qu'on envisage les participes des verbes réfléchis, ils doivent donc toujours s'accorder en genre et en nombre avec leur sujet qui est le même individu que leur objet. Eclaircissons la règle par des exemples: Suzanne s'est trouvée innocente du crime dont elle etait accusée. On corrigera les abus qui se sont introduits peu-à-peu. Ne passez jamais d'une chose à une autre, sans avoir compris distinctement celle qui précède, et vous l'être rendue familière. |141 (Le Professeur fait appliquer aux exemples les règles qui les précèdent.)

16e Si l'objet des verbes réfléchis n'est placé qu'après eux, le participe reste indéclininvariable. Ex. Nous nous sommes donné beaucoup de peine pour votre instruction. Donné reste au masculin, parce que son objet beaucoup est après lui; le premier nous est sujet, le second est terminatif: ainsi aucun n'est objet. Autre ex. Nous nous sommes donnés pour ce que nous etions. Comme ici le second pronom personnel nous est l'objet du verbe donnés, ce participe doit être au pluriel, puisqu'il est précédé de son objet.

Vous voyez donc que partout la correction de l'orthographe de principes dépend de l'intelligence du sens et par conséquent de l'analyse. Sans cette intelligence on n'observe même pas les règles sur le pluriel. Je n'en citerai qu'une; (les elèves de ce Cours doivent savoir les autres.)

17e Dans les mots composés on ne doit donner la marque du pluriel qu'aux substantifs et participes employés avec un article ou les un adjectif possessif, ou numéral. Les verbes et les prépositions, qui entrent dans cette composition, les compléments d'une préposition, ne doivent jamais recevoir cette caractéristique. Ecrivez donc ainsi:

 

une arrière-pensée,
un avant-coureur,
une contre-danse,
mon entre-sol,
votre sous-ordre.

des arrière-pensées,
des avant-coureurs,
trois contre-danses,
nos entre-sols,
vos sous-ordres.

dans ces cinq mots composés on ne met point de s à la fin des 1ers mots, parce que ce sont autant de prépositions. Or les prépositions sont invariables.

 

un abat-jour,
un boute-feu,
un cure-dent,
un cure-oreille,
un garde-fou,
un passe-droit,
un passe-port,
un tire-bouton,

 

des abat-jours,
des boute-feux,
des cure-dents,
des cure-oreilles,
des garde-fous,
des passe-droits,
des passe-ports,
des tire-boutons.

 

dans les sept suiv huit mots ci-contre et autres semblables, on ne met point de caractéristique du pluriel aux 1ers mots, parce que ce sont des troisièmes personnes de verbe au singulier qui ne sont pas non plus susceptibles de recevoir la marque du pluriel destinée aux noms et participes.

 

un arc-en-ciel,
un bec-de-corbin,
un chef d'œuvre,
un cul-de-lampe,
un coq-à-l'âne,
un pot-de-vin,

 

des arcs-en-ciel,
des becs-de-corbin,
des chefs-d'œuvre,
des culs-de-lampe,
des coqs-à-l'âne,
des pots-de-vin.

 

Dans ces quatre six mots composés et autres semblables, on ne donne point aux derniers mots la marque du pluriel, parce qu'ils y sont employés sans article ni equivalent, mais comme complément d'une préposition, et dans un sens absolu.

 

un arc-boutant,
un bout-rimé,
ma belle-sœur,
un chat-huant,
la chauve-souris,
un pot-pourri,

 

des arcs-boutants,
des bouts-rimés,
mes belles-sœurs,
deux chats-huants,
les chauves-souris,
des pots-pourris.

 

Dans ces six mots composés et autres semblables, on donne la marque du pluriel aux deux mots racines, parce que l'un des deux est toujours substantif, et l'autre adjectif ou participe, exprimant une qualité.

 

un passe-debout,
un passe-partout,
un pour-parler,
un passe-

 

des passe-debout,
des passe-partout,
des pour-parler.

 

Dans ces expressions autres de même nature, on ne donne la marque du pluriel à aucune des deux racines. Ni l'une ni l'autre n'en sont susceptibles, car l'une est un verbe, et l'autre un adverbe, ou une préposition.

 

 

 

|142 18e Par la même raison on ecrit sans marque du pluriel, des si, des car, des oui-dire, des oui, des non, des a, des b &c. des [], des &c.

19e Quant aux mots purement etrangers, (Latins, Espagnols, Italiens,) et que les Français ont plutôt adoptés que naturalisés, il faut distinguer. 1° s'ils sont devenus très-familiers, parce qu'ils sont souvent employés, on peut leur donner la caractéristique du pluriel. En conséquence la plupart des auteurs et même des Grammairiens ecrivent, avec un s au pluriel, des duos, des solos, des alinéas, des opéras &c.... 2° Si au contraire on ne les emploie que rarement, ou qu'ils soient très-composés, on ne leur donne point la caractéristique du pluriel. On ecrit sans s des a-parte, des auto-da-fé, des pater; et cinq avé, des quiproquo, &c. &c. Le Citoyen Domergue pense qu'on ne doit donner la marque du pluriel à aucun mot purement etranger, familier ou non.

20e 1° Si les noms propres sont employés dans le sens d'un adjectif, on leur donne la caractéristique du pluriel. On dit et l'on ecrit; des Catons en fourreau, c.à.d. des enfants à mœurs austères. Les Cicérons, les Massillons du siècle, c.à.d. les hommes eloquents de ce siècle. Les douze Césars. Nos guerriers sont des Césars, c.à.d. des héros (a) / (a) Le Cn Domergue est d'une opinion contraire. /

2° Si les noms propres sont employés au sens propre, on ne leur donne point la caractéristique du pluriel. Ex. les Rousseau, les Mably, les Raynal ont préparé la notre Révolution.

3° On ne leur donne point cette caractéristique, lors même qu'il y en a eu plusieurs du même nom. Ainsi l'on ecrit les Pharaon, les deux Corneille, les deux Racine, les deux Rousseau, les deux Crébillon &c.

21e Le complément relatif d'un circonstanciel ne doit pas se rapporter à d'autres mots qu'au sujet du verbe précédent, ou suivant. / Ex. Une faute, pour être pardonnable, doit être légère ou involontaire. Pardonnable se, complément relatif de pour, se rapporte à faute, sujet du verbe suivant. Ainsi la phrâse est correcte. / Exemple du contraire. La justice est nécessaire aux particuliers, pour être heureux. Cette phrâse n'est pas correcte, en ce que l'adjectif heureux ne se rapporte pas par le sens à la justice, et qu'il s'y rapporte par la construction. Il faut, pour parler correctement, dire: pour qu'ils soient heureux, ou pour leur bonheur. Dumarsais a péché contre cette règle de goût, en disant, (Tome 1er p.1ere de ses Principes de Grammaire.) Ces sentiments ou affections supposent qu'il y ait en nous tout ce qu'il faut (b) / (b) Cette phrâse avec son incorrection a eté copiée littéralement par le Grammairien Roullé. Tome 2 p.2 de ses eléments de Grammaire. / pour en être susceptibles &c. il fallait qu'il dît, ou tout ce qu'il nous faut pour en être &c. ou tout ce qu'il faut pour que nous en soyons susceptibles.

|143 En Poésie on tolere les accessoires qui ne se rapportent pas au sujet, quand ce sujet est vague comme le pronom général on. Par exemple, ce vers du Cn Le Mercier peut, à la rigueur, être toléré. ô Racine, dit-il,

toujours sublime et tendre, on t'aime et on t'admire.

En prôse l'ellipse, parce que tu es, ne serait pas tolérable. Il faut que les accessoires de ce genre se rapportent au sujet. C'est une négligence trop commune ordinaire aux ecrivains modernes du jour.

22e On ne peut pas faire rapporter à une personne du pluriel un adjectif possessif de la même personne du singulier. Car ce serait dans la même proposition mettre la même chose au pluriel et au singulier sous le même rapport.

Voltaire (Henriade, ch.1er v.116) a péché contre cette règle dans ce vers:

Dans la France à mon tour appelons l'etranger.

Je sais bien qu'il ne pouvait mettre le verbe au singulier, puisqu'il à ce nombre il n'y a point de première personne à l'impératif, mais il fallait à notre tour. Ce qui ne faisait plus le vers, et voilà les entraves de la versification.

23e La règle la plus générale de l'Art d'ecrire, c'est qu'il faut toujours employer le mot propre. Or, cette connaissance ne s'acquiert que par une lecture assidue et réfléchie des meilleurs ecrivains, qui eux-mêmes n'ont pas toujours observé cette règle. Voltaire l'a violée (Henriade, ch.2d v.15.)

On ne m'a jamais vu surpassant mon pouvoir... &c....

Cela veut dire: ayant plus de pouvoir que mon pouvoir. Le mot propre eût eté excédant, outrepassant. On péche encore contre cette règle en donnant à un verbe un autre régime que celui qui lui convient. De ce genre est la faute que me semble avoir commise dans un poême nouveau le Cn Le Mercier, en faisant dire à Homère par le temps, à l'occasion de Racine la mort de Racine:

« Hélas! répond le Temps, arrête, et crains d'apprendre
les pleurs qu'en le perdant sa Muse doit répandre. »

On apprend une nouvelle, une science, une langue, un art, mais on n'apprend pas des pleurs: on peut apprendre qu'il a eté versé des pleurs, combien il a eté répandu de larmes, et tout au plus quels |144 pleurs la mort d'un homme a fait répandre. L'auteur aurait donc du ecrire

[«] ................................ crains d'apprendre
quels pleurs, en le perdant, sa muse doit répandre. »

24e L'adjectif relatif celui, celle, ceux peut être déterminé 1° par le relatif conjonctif que; 2° par les relatifs conjonctifs qui ou lequel précédés ou non d'une préposition; 3° par la préposition de et son complément. Ainsi l'on dit bien, celui que, celle qui, celle à qui &c. en qui, par qui, pour qui, sur qui &c. ceux auxquels, ceux pour lesquels &c. celui de mon ami, ceux de mon frère &c.... Mais on ne doit jamais déterminer cet adjectif par un autre adjectif, ni par un participe. C'est une faute très-commune aujourd'hui dans les journaux et dans les pétitions. On ne doit pas dire, par ex. en parlant d'une Administration, après en avoir nommé une autre, celle centrale, celle Municipale. Il faut répéter le mot l'Administration. On ne dirait pas non plus en parlant des pouvoirs ou des jours, ceux attribués aux juges, ceux consacrés au travail. Il faudrait dire, ceux qui sont, ou ceux qui ont eté &c. Cette faute est échappée au laborieux et savant DeWailly. En partant de la 7e edition de sa Grammaire, il dit à la fin de sa préface, celle imprimée à Paris. / Il me semble qu'il y a un pléonasme vicieux dans cette expression, une edition imprimée, et qu'au lieu d'imprimée il faudrait faite. Do En effet donner une nouvelle edition d'un livre, c'est le réimprimer. On dit imprimer un livre, en faire une edition, mais je ne crois pas qu'on puisse dire imprimer une edition. 1ere edition, qui vient de in vulgus edere, signifie à peu près publication. Or, ce n'est pas la publication qu'on imprime, c'est l'ouvrage. /

 

 

 

 

Règles de dépendance.

 

1ere Après les verbes qui expriment le doute ou l'incertitude, le verbe des phrâses subordonnées doit être mis au subjonctif. Ex. Croyez-vous qu'il fasse beau temps le reste du mois?

2de Quand le verbe de la proposition principale est entre deux négations, celui de la proposition subordonnée doit être au subjonctif. Ex. Je ne crois pas que vous ayiez assez d'emulation.

3e Après certaines conjonctions telles que quoique, pourvu que, sans que, soit que &c. on met le subjonctif, mêmes dans les phrâses initiales. Ex. Pourvu que vous vous appliquiez, vous ferez des progrès rapides. Au reste c'est l'usage plus que les règles qui apprendra quelles sont les conjonctions françaises qui régissent le subjonctif.

4e L'adjectif conjonctif relatif, quand il annonce une phrâse explicative, veut le subjonctif après lui, si la proposition principale est négative ou interrogative. Ex. Il n'y a personne qui ne sache qu'il faut aimer sa patrie. Connaissez-vous un Général qui se soit plus illustré que Bonaparte?

|145 5e Après les verbes qui marquent une opposition, un obstacle quelconque, tels que empêcher, défendre, s'opposer à &c.... on doit mettre le subjonctif. Ex. J'empêcherai que vous ne perdiez le temps; je m'opposerai à ce que vous donniez mauvais exemple. La loi naturelle défend que vous fassiez à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. Cette règle rentre dans le 1ere et n'en est qu'un développement. Tout ce qu'on empêche, tout ce qu'on défend est incertain et tient de l'avenir. Après empêcher on ne met qu'une négation, et ce verbe exige le subjonctif, même pour les actions présentes. Au reste il vaut mieux le construire avec la préposition de, et dire, empêchez-le de sortir; je vous empêcherai de perdre le temps, que de dire, empêchez qu'il ne sorte &c. Il en est de même du verbe défendre. La loi naturelle vous défend de faire &c.... (1) / (1) Je crois que le verbe supposer ne régît le subjonctif que lorsqu'il exprime un doute, comme dans cette proposition. Supposez qu'on vous dise telle chose; et que, lorsque son complément, loin d'exprimer aucun doute, renferme une ferme croyance, il doit régir l'Indicatif. Ainsi l'on dirait: Suvarow supposait à tort qu'il etait invincible. Ici supposait equivaut à croyait et n'exprime aucun doute. /

6e Les propositions incidentes et explicatives, n'etant destinées qu'à déterminer ou à développer une idée, ne doivent jamais être placées après un substantif pris dans un sens absolu, c.à.d. employé sans article comme complément d'une préposition; car alors ces substantif ne doit pas être déterminé. Ainsi l'on ne dirait pas: Masséna a battu les Austro-Russes en Helvétie qu'il a reconquise et d'où il les a chassés; ni dans l'Helvétie qu'il a reconquise; ce qui en supposerait plusieurs; mais il faudrait dire: Masséna a battu les Austro-Russes en Helvétie, a reconquis cet Etat et les en a chassés.

7e Après le Gallicisme c'est, c'etait, ce sera &c.... il faut toujours placer la conjonction subjonctive que, et il ne faut pas répéter la préposition déterminative de, ni l'attributive à, comme on ne le fait que trop souvent. Cette faute est echappée à Boileau même le plus correct de nos ecrivains, quand il a ecrit:

C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.

Il fallait, que je veux parler. Elle est echappée aussi à Dumarsais l'un de nos meilleurs Grammairiens. On lit dans sa logique (Tome 1er art.V. p.21) |146 La terre est le sujet de la proposition; car c'est de la terre dont on juge. Il faut qu'on juge. La règle est evidente. Un même mot ne peut avoir deux compléments du même genre, à moins qu'ils ne soient liés par une conjonction; donc si de la terre est complément du verbe juge, comme on n'en peut douter, dont ne peut l'être: néanmoins il ne peut l'être d'aucun autre mot; donc il forme un solécisme; donc il faut que. D'ailleurs, puisqu'il y a deux verbes, il y a deux propositions; la conjonction est donc nécessaire pour les lier; donc il faut que. Je ferais le même raisonnement sur le vers de Boileau.

8e Après tel que, telle que, si que est adjectif conjonctif, mettez l'indicatif. Ex. Je vous rends cette nouvelle telle qu'on me l'a apprise: / autre ex. Tel que vous le voyez, il n'a pas son pareil. / si que est conjonction, mettez le subjonctif. Ex. Les sons articulés... nous fournissent le moyen de rendre notre pensée telle qu'elle puisse être communiquée aux autres avec plus de précision et de détail. Dumarsais.

(Note) Dans le 1er cas le que répond au qualis des Latins; dans le 2d il répond à la conjonction ut: dans les 1ers exemples les Latins auraient dit talem, qualem; dans le 2d eam ut, ou ita ut. Je sais que je ne dois parler qu'à des Français; mais cependant ces Français sont censés avoir fait un Cours de langues anciennes; et nos ancêtres ayant composé leur langue d'un mêlange de Celte, de Grec et de Latin, il est presqu'impossible à celui qui n'a pas etudié ces deux dernières langues de connaître le génie de la nôtre, d'en sentir les finesses et les beautés, en un mot, de la parler et de l'ecrire purement.

9e Dans les comparaisons le 1er membre doit commencer par tel que, (correspondant au qualis des Latins) et le 2d par tel. (talis.) Tous les deux sont déclinables. Exemples.

 

 

 

1er



2d

Telle qu'une bergère, au plus beau jour de fête,
de superbes rubis ne charge point sa tête,
et, sans mêler à l'or l'eclat des diamants,
cueille en un champ voisin ses plus beaux ornements;
Telle aimable en son air, mais humble dans son stile.
doit eclater sans pompe une elégante Idylle.

Boileau. Art. poét. Ch. 2d.

 

 

 

|147 Dans le journal des Savants (fév. 18 janv. 1723) Dumonteil a fait des ces deux vers deux 1ers vers dans ce passage une critique ridicule; il ne veut pas concevoir que les deux mots tel que sont une seule et unique expression; il prétend qu'après ces mots il faut encore un conjonctif qui, et propose de réformer ainsi les deux vers de Boileau.

Telle qu'une Bergère, au plus beau jour de fête,
qui de pompeux rubis ne charge point sa tête... &c.

Peut-on voir une correction plus ridicule impertinente? Certes un tour employé par tous les grands Poétes ne peut être une faute de langage; eût-il eté incorrect la 1ere fois qu'il a eté employé, il est légitimé par l'adoption universelle. Or tous nos bons ecrivains l'ont adopté.


Preuve.

 

 

1er memb.





2d

Tel qu'échappé du sein d'un riant pâturage,
Au bruit de la trompette animant son courage,
Dans les champs de la Thrace un coursier orgueilleux,
Indocile, inquiet, plein d'un feu belliqueux,
Levant les crins mouvants de sa tête superbe,
Impatient du frein, vole et bondît sur l'herbe;
Tel paraissait Egmont: &c.
Voltaire. Henriade. Ch.8. v.133 et suiv.

 

 

 

1er

1er
2d

Tel que brille l'eclair, qui touche au même instant
des portes de l'Aurore aux bornes du Couchant;
Tel que le trait fend l'air sans y marquer sa trace:
Tel et plus prompt encor part le coup de la Grâce.

Racine fils. Ch.3. Poême de la Grâce.

 

 

 

 

 

Tout en observant la première partie de cette règle, Rousseau le lyrique a etrangement violé la 2de dans sa 6e ode sacrée; il a mis le masculin pour le féminin au 1er terme de sa comparaison.

Tel qu'on voit la tête chenue
d'un chêne, autrefois arbrisseau,
egaler le plus haut rameau
du cèdre caché dans la nue:
Tel croissant toujours en grandeur,
il egalera la splendeur &c....

Il fallait, telle qu'on voit.

 

 

|148 Il a commis la même faute au 2d membre de comparaison dans la 8e ode du Liv. 4. adressé au C. De Lannoy.

 

 

 

1er

2d

Tel qu'un arbre stable et ferme &c.
.............................................
Tel, quand le secours robuste
dont mon corps est etayé, &c....
l'autre moitié qui succombe, &c.

 

 

 

 

 

Il fallait telle, parce qu'il se rapporte à moitié. Dans son Ode au C. Du Luc, il a employé correctement le même tour:

 

 

 

1er

1er



2d

Tel que le vieux pasteur des troupeaux de Neptune
Protée, à qui le Ciel, père de la Fortune &c....
..................................................................
Ou tel que d'Apollon le ministre terrible,
Impatient du Dieu dont le souffle invincible &c....
.................................................................
Tel, aux premiers accès d'une sainte manie,
Mon esprit alarmé &c....................................

 

 

 

 

 

 

1er

2d

Tel que l'astre du jour ecarte les ténèbres
de la nuit compagnes funèbres,
Telle * / *la Charité. / tu chasses d'un coup d'œil
l'envie aux humains si fatale &c.
....................................................

Racine père. Cantique 1er.

 

 

 

 

 

 

1er


2d

Tel qu'un ruisseau docile
obéît à la main qui détourne son cours,
&c..............................................
ainsi &c.... Le même. Esther. Acte II. Scêne IX.

 

 

 

 

 

 

J'ai multiplié ici les exemples, tant pour confirmer ma règle par l'autorité des Poétes les plus corrects et les plus estimés, que pour réfuter victorieusement l'opinion de certains Professeurs de Belles-Lettres qui prétendent et enseignent qu'on ne doit jamais mettre que, dans le 1er membre des comparaisons et qu'il faut simplement tel dans tous les deux.

Le Cn Cournand, Professeur de Littérature au Collège de France, a adopté cette erreur qui paraît se répandre, et cherche à la consacrer dans tous les ouvrages qu'il publie. On lît dans un morceau |149 de sa composition publié par le Rédacteur de la Décade Philosophique (an 8 N°2.)

 

 

 

1er

2d

Tels des taureaux fuyant à l'aspect du carnage
n'osent &c....
Tels les Troyens cachés sous leurs hautes murailles
dans Achille croyaient voir le dieu des batailles. &c.

 

 

 

 

 

 

1er

Ou telle de l'Olympe, on voit sortir l'Aurore &c....
Telle aux remparts Troyens l'invincible héroïne
s'avance &c....

 

 

 

1er

2d

Telle en un jour d'eté, la brillante Déesse
qui &c....
Telle Penthésilée, aux enfants d'Ilion
rend l'espoir de venger la gloire de leur nom.

 

 

 

 

 

 

1er


2d

Tel vaincu par le mal qui presse sa paupière
celui qui perd l'espoir de revoir la lumière,
voudrait &c....
Tel Prian, que le deuil et la mort environne,
doit l'espoir et la vie à l'illustre Amazône.

 

 

 

 

 

 

1er

Telle aux jours du printemps l'abeille diligente
assiége les moissons que Flore lui présente.
Toutes, d'un même zèle, ont fui leurs toits déserts; (1)
..............................................................
Ainsi l'honneur sourit aux vaillantes Troyennes.

 

 

/ (1) Je ne crois pas qu'il soit permis de mettre ainsi le pluriel brusquement après un nom collectif singulier. Dire, l'abeille diligente assiége les moissons, toutes ont fui leurs toits, c'est confondre toutes les notions; toutes ne se rapporte à rien: c'est un vrai solécisme. /

 

 

 

Il y a de l'affection et de la monotonie, ou de la faiblesse et de la pauvreté à répéter ainsi cinq fois en deux ou trois pages le même tour de phrâse, surtout pour faire adopter un solécisme.

Dans ce dernier exemple il y a double faute. Telle l'abeille, ainsi l'honneur n'est pas un tour français. Pour etablir une comparaison, en prôse on dit au 1er membre de même que, ou ainsi que, et au 2d de même ou ainsi; ou l’on met au 1er comme &c.... et au 2d ainsi ou tel. En Poésie on peut aussi se servir de ce dernier tour, ou employer celui qui fait l'objet de cette discussion: mais remarquez qu'au début du 1er membre il y a toujours une |150 conjonction, soit que, soit comme. En effet sans cela les deux membres n'auraient aucune liaison. Voltaire a dit dans la Henriade, ch.6. v.291.

Comme on voit un torrent du haut des Pyrénées
Menacer des vallons les Nymphes consternées &c....
.......................................................................
Tel Bourbon descendait à pas précipités. &c.

Ce n'est que dans les proverbes qu'on se permet de répéter deux fois tel. On dit p. ex. tel père, tel fils. tel maître, tel valet.

10e Dans les comparaisons où l'on n'emploie tel qu'au 2d membre, et où le 1er est exposé par un simple récit, on met au 2d ainsi, tel ou tel que à volonté; mais cet adjectif doit toujours s'accorder en genre et en nombre avec le substantif sujet dont il est l'attribut. La proposition est alors renversée, le sujet n'etant qu'après la copule, et l'attribut etant placé avant celle-ci. Exemples.

 

Du sang des assiégeants son bras couvrait la terre.
Tels du front du Caucase, ou du sommet d'Athos,
..................................................................
Les Aigles, les Vautours aux ailes etendues &c....

Henri. Ch.4. v.41. ibidem, v.114.

 

D'Aumale est avec eux dans leur fuite entraîné;
Tel que du haut d'un mont de frimats couronné,
Au milieu des glaçons des neiges fondues,
Tombe et roule un rocher qui menaçait les rues.

Henr. Ch.4. v.86.

 

Essex avec eclat paraît au milieu d'eux,
Tel que dans nos jardins un palmier sourcilleux
à nos ormes touffus mêlant sa tête altière,
Paraît s'enorgueillir de sa tige etrangère.

Henria. Ch.8. v.103.

Voyez aussi Ch.5. v.249 et suivants. ch.8. v.191.

On peut encore annoncer le 2d membre par les adjectifs pareil ou semblable.

11e Quand on compare un être à lui-même en des circonstances différentes, on n'emploie que l'expression tel que ou telle que. Ex.

Il leur ouvre lui-même, et se montre à leurs yeux,
Avec cet air serein, ce front majestueux,
Tel que dans les combats, maître de son courage,
Tranquille, il arrêtait ou pressait le carnage.

Henr. ch.2d v.204.

|151 12e Quand il n'y a point de comparaison, tel est une simple dénomination, un simple sujet. Ex.

 

Tel brille au second rang qui s'eclipse au premier.
Henr. ch.1er v.31.

 

Tel qui rit Vendredi, Dimanche pleurera.
Racine. Plaideurs, Act.1 Sc.1.

 

13e Quand tel n'annonce qu'une conclusion, c'est un adjectif qualificatif. (Voyez la Règle 10e phr. dernière.) Ex.

Tels etaient de Henri les sincères discours.
Henr. ch.3. v.373.

14e On doit tantôt ecrire quelque d'un seul mot, et tantôt quel que en deux mots. 1° Quand on l'ecrit en deux mots, quel est un adjectif qualificatif, qui s'accorde en genre et en nombre avec le substantif suivant; et que est conjonction. On doit toujours l'ecrire en deux mots, lorsqu'il est suivi du verbe être; on ne doit l'ecrire en deux mots que lorsqu'il est l'attribut que ce verbe lie au sujet, et alors le verbe principal doit être au subjonctif. Ex. Quelle que soit votre naissance, quelles que puissent être vos richesses, les sages vous mépriseront, si vous n'êtes vertueux. (Il répond au qualiscumque, quantuscumque des Latins.)

Les Ecrivains vulgaires se permettent souvent de dire et d'ecrire: tel qu'il soit, pour quel qu'il soit. C'est une faute de langage aussi grôssière que commune.

Quelque d'un seul mot est tantôt adverbe et tantôt adjectif partitif. Il est adverbe, et par conséquent invariable, quand il est immédiatement suivi d'un autre adverbe, ou d'un adjectif, ou d'un participe passif, qu'il modifie et dont il est le circonstanciel. Ex. quelque riches, quelque puissants que soient les hommes, un instant suffît pour les précipiter dans un abîme de malheurs. Quelqu'heureusement que tourne une entreprise injuste, elle est toujours déshonorante. (Il répond au quantum vis des Latins.)

Il est adjectif partitif, et par conséquent susceptible des différents |152 genres et des différents nombres, lorsqu'il est suivi d'un substantif, ou d'un adjectif substantivement pris. Ex. quelques personnes m'ont dit &c.... quelques savants soutiennent &c.... j'ai quelques affaires à régler.

Enfin il est variable, quand il est suivi de l'adjectif numéral cardinal un, une. On dit quelqu'un, quelqu'une; quelques-uns, quelques-unes.

15e 1° Avec les noms des choses qui se mesurent et ne se comptent pas, on doit employer l'article général le, la, les ou la préposition partitive du, et non l'article particulier un, à moins que le substantif qu'il précède soit suivi d'un adjectif: ainsi on doit dire le vin, du vin; l'or, de l'or; le poison, du poison; et non un vin, un or, un poison; à moins qu'on ne les qualifie, en disant, par ex. un vin vieux, un or pur, un poison lent. Ainsi, dans le Poême dont on a imprimé un fragment dans la Décade philosophique (an 8. N°3) le Cn Le Mercier a péché contre cette règle: il dit, en parlant de Rodogune:

Sourit, la coupe en main, une mère en fureur,
monstre dont le courroux veut ses fils pour victimes,
et sait boire un poison pour assurer ses crimes.

Il fallait du poison ou le poison.

2° Avec les noms des choses qui se comptent et ne se mesurent pas, on doit employer l'article particulier un, une, et non l'article général le, la; à moins que le sens du substantif qu'il précède ne soit déterminé ou restreint par la préposition de ou par une proposition explicative: ainsi l'on dit, avec ou sans adjectif une mère en fureur, un cheval bai, un ecu, une livre, un livre; tandis qu'on que l'on dit: la mère d'Alexandre, les coursiers du soleil, l'ecu que vous avez donné, le livre que je vous ai cédé &c....

16e (Cette règle est de Dumarsais, p.201.) On ne doit sousentendre un mot déjà exprimé, que quand ce mot peut convenir egalement au membre de phrâse où il est sousentendu. Je crois l'exprimer plus clairement en disant: Pour qu'on puisse sousentendre un mot dans un membre de phrâse, ou le représenter par le pronom le, il faut qu'il ait déjà eté littéralement exprimé dans un membre précédent. Ainsi cette phrâse est correcte: Dieu est infaillible, mais les Papes ne l'etaient pas. Le représente infaillible exprimé au 1er membre quoiqu'au singulier. Celle-ci d'un auteur contemporain de Dumarsais ne l'est pas: Cette histoire achèvera de désabuser ceux qui méritent de l'être. Ici le représente désabusés au |153 participe, et il n'y a d'exprimé que le présent de l'impersonnel désabuser. C'est une négligence dans laquelle tombent la plupart des auteurs modernes. Pour mieux sentir le défaut de cette ellipse, adaptons la à un participe dont le son différe beaucoup de celui du présent impersonnel. Ex. Ne plaignez ou on ne doit plaindre que ceux qui méritent de l'être. Il est evident qu'il faut dire, qui méritent d'être plaints.

17e (Autre du même exprimée plus clairement.) 1° On ne doit pas sousentendre affirmativement un verbe pris négativement dans le membre de phrâse précédent. Un Auteur a dit: Notre réputation ne dépend pas des louanges qu'on nous donne, mais des actions louables que nous faisons. Il y a disconvenance en ce que le verbe dépend est exprimé avec deux négations, et sousentendu sans négation. Pour parler correctement, il fallait dire: Notre réputation dépend non des louanges &c.... mais des actions &c....

2° Les puristes prétendent même qu'on doit sousentendre un adjectif ou un participe qu'au même genre et au même nombre auxquels il a eté employé d'abord. Ainsi ils trouvent une incorrection dans ce vers de Racine:

Sa réponse est dictée, et même son silence.

Elle consiste en ce que dicté est sousentendu au masculin, quoiqu'exprimé d'abord au féminin. Pour moi je pense que cette règle, bonne pour les Prosateurs quant au genre seulement, ne l'est pas quant au nombre; qu'elle est en tout trop sévère pour les versificateurs, et qui ont d'ailleurs assez d'entraves, et que ce serait exposer les Poétes à ecrire d'un stile lâche, que d'être envers eux si difficile en fait d'ellipse.

3° On rapporte au même vice le défaut de suite ou de convenance dans les expressions métaphoriques. On reproche à Malherbe (et c'est l'exemple bannal) d'avoir dit:

Prends ta foudre, Louïs, et va comme un lion.

Il fallait, comme Jupiter. La foudre n'a rien de commun avec le lion. On blâme dans Rousseau le lyrique cette expression fondre l'ecorce.

et les jeunes Zéphyrs, de leurs chaudes haleines,
ont fondu l'ecorce des eaux.

Ode au C. de Sinzindorf, strophe 1ere

|154 On peut nommer ecorce des eaux, la superficie de la glace; on dit que l'haleine des Zéphyrs fond la glace; mais on ne fond pas de l'ecorce, on la brûle ou on la broie; et c'est ce que ne peut faire la plus chaude haleine des Zéphyrs. Il y a incohérence dans les idées métaphoriques.

17e / double emploi / L'adjectif relatif celui, celle, ceux peut être déterminé 1° par le relatif conjonctif que; 2° par les relatifs conjonctifs qui ou lequel précédés ou non d'une préposition; 3° par la préposition de et son complément. Ainsi l'on dit bien, celui que, celle qui, celui à qui, en qui, sur qui, pour qui &c.... ceux auxquels, ceux pour lesquels &c.... celui de mon ami, ceux de mon frère &c.

Ex. Celui qui met un frein à la fureur des flots
     sait aussi des méchants arrêter les complots.

Rac. père. Athalie. Act.1. Sc. 1ere

Mais on ne doit jamais déterminer cet adjectif par un autre adjectif, ni par un participe. C'est une faute très-commune aujourd'hui dans les journaux et dans les pétitions. On ne doit pas dire, p.ex. en parlant d'une administration, après en avoir nommé une autre, celle centrale, celle municipale. Il faut répéter le mot l'administration. On ne dirait pas non plus en parlant des pouvoirs ou des jours, ceux attribués aux juges, ceux consacrés au travail. Il faudrait dire, ceux qui sont ou ceux qui ont eté &c....

18e On doit dire Décadi et non pas le jour de la Décade; c'est une faute grôssière qui se répand dans toute la République, et que les hommes qui réfléchissent entendent avec peine sortir de la bouche même des fonctionnaires publics. Autrefois l'on ne disait pas le jour de la semaine, mais Dimanche. Pourquoi donc dire, le jour de la Décade et non pas Décadi. Tous les jours de l'année, excepté les complémentaires, sont les jours d'une Décade.

19e (Règle de tous les Grammairiens.) 1° Si le pronom le se rapporte à un adjectif ou à un participe, il est invariable, et se dit d'une femme comme d'un homme. Il représente le pronom démonstratif elliptique cela. Quand on demande à une femme si elle est engagée, mariée, invitée, malade, enrhumée &c. elle doit répondre: je le suis ou je ne le suis pas. Madame Deshoulières disait, à l'occasion de cette règle, qu'elle aurait cru avoir de la |155 barbe, si elle se fût exprimée ainsi.

2° Si le pronom le se rapporte à un substantif corrélatif, ou à un substantif propre, il est variable et prend le genre du mot qu'il représente. Ex. D. êtes-vous le frère d'un tel? R. Je le suis. D. êtes-vous la tante de mon ami? R. Je la suis; et en s'adressant à une Actrice, êtes-vous Rodogune? êtes-vous Iphigénie? Je la suis ou je ne la suis pas. La question signifie: Jouez-vous le rôle de &c.?

20eDe qui, à qui ne se disent que des personnes ou des êtres personnifiés. Ex. Dieu à qui nous sommes redevables de notre conservation. Tous ceux de qui nous recevons des bienfaits ont droit à notre reconnaissance. 2° En parlant des êtres abstraits ou des êtres animés, mais non personifiés, on doit dire dont, auquel, à laquelle, auxquels, auxquelles, et on ne doit jamais dire de qui, à qui... &c.... Ex. L'instrument dont je me sers est tout neuf. L'Administration, à laquelle j'ai eu recours, a accueilli ma pétition. Dans ces derniers exemples, de qui, à qui serait une faute de langage. / En parlant des personnes, on peut dire aussi, duquel, auquel, de laquelle, auxquelles &c. L'oreille et le goût décident du choix. /

21e 1° Avec les substantifs abstraits et inanimés, pour qu'on puisse correctement employer les adjectifs possessifs absolus son, sa, ses; il faut qu'ils aient un rapport indirect au sujet du verbe précédent, s'ils se rapportent directement à son objet.

2° S'ils n'ont aucun rapport avec le sujet, et qu'ils se rapportent à l'objet, on doit leur substituer l'adverbe relatif en et l'article le. Cette règle abstraite va s'eclaircir par les exemples suivants. On dira correctement: Cet arbre a perdu ses feuilles, mais ses racines ne sont pas mortes. Le premier ses se rapporte directement à feuilles, objet du verbe perdu, et indirectement à arbre qui en est le sujet; le second se rapporte directement à racines qui n'est pas objet mais sujet: la phrâse est donc correcte. Si dans cette explication, au lieu de l'adverbe en et de l'article le, j'avais mis son, en ecrivant, à arbre qui est son sujet, j'aurais fait un solécisme; car arbre n'est pas sujet de lui-même, mais du verbe a perdu; et mon expression aurait dit le contraire de ce que je voulais dire. Ensignifie de lui ou d'elle; son signifie le... de lui, ou le... de elle: par conséquent en suivi de le dit autant que son, et lève toute equivoque.

On ferait un solécisme en disant: voyez ce beau pêcher, ils nous offre ses feuilles et ses fruits, mais nous ne voyons pas ses racines.

|156 Les deux premiers possessifs sont bien employés, car ils se rapportent directement aux objets feuilles et fruits, et indirectement au sujet il; mais le 3e ne l'est pas; car quoiqu'il se rapporte directement à l'objet racines, il se rapporte indirectement à pêcher qui ne se trouve pas dans la dernière proposition, et n'a aucun rapport avec le personnel nous sujet de cette même proposition. Pour s'exprimer correctement, il faut donc dire: mais nous n'en voyons pas les racines.

On ferait trois fois la même faute si l'on disait: nous touchons ses feuilles, nous cueillons ses fruits, et nous ne voyons pas ses racines. Il faudrait, nous en touchons les feuilles, nous en cueillons les fruits, et nous n'en voyons pas les racines. (Ici le Professeur doit multiplier les exemples.)

22eY ne se dit que des choses; c'est un adverbe relatif qui signifie à ceci, à cela, en ce lieu. Ex. J'aime l'etude, et je m'y applique. Il y a long-temps que vos affaires m'intéressent, j'y pense tous les jours. La campagne me plaît, j'y passerais volontiers ma vie. (Y vient d'ibi.)

2° Quand on parle des personnes, au lieu de l'adverbe relatif y, on met lui, ou à lui, à elle. Ex. Mon frère sait que je pense à lui, je lui envoie tout ce qui peut lui faire plaisir.

(Nota.) On met lui avant le verbe, quand ce verbe doit avoir un objet, et on met à lui après le verbe quand ce verbe ne peut avoir d'objet. Ainsi l'on dit; je lui donne, je lui rends, je leur envoie &c. tandis que l'on doit dire: je vais à lui, je cours à lui, je songe à lui &c.

Au pluriel on dit leur. Ce pronom terminatif est des deux genres; il est invariable et ne se place qu'avant un verbe: quand il est placé avant un substantif ou un adjectif, il est de tout genre, mais il prend la caractéristique du pluriel, quand il se rapporte à un substantif. (v. la R. 1ere sur la concordance.)

23e On ne doit pas prendre les adjectifs pour des substantifs, quoiqu'on puisse les prendre substantivement.

J'entends tous les jours des hommes, instruits d'ailleurs, pécher contre cette règle en disant: un habit d'uniforme, un chapeau d'uniforme &c. uniforme est un adjectif de tout genre, et on doit dire en qualifiant la partie du vêtement, un habit uniforme, un chapeau uniforme, une veste uniforme. Des habits |157 uniformes sont des habits qui ont la même forme, les mêmes couleurs &c. sans avoir nécessairement les mêmes dimensions.

On dit bien en général un uniforme, l'uniforme de tel ou tel corps militaire. Alors l'adjectif uniforme est pris substantivement, et il y a ellipse; on sousentend uniforme vêtement.

24e Les hommes de goût n'ont jamais employé lequel que comme interrogatif. Ex. Lequel voulez-vous? Lequel des deux préférez-vous? Les Praticiens, les rédacteurs de procès-verbaux l'emploient souvent comme relatif au lieu de qui. Ils disent par ex. Tel bien, tel objet est adjugé aux soumissionnaires lesquels seront tenus d'en verser le prix &c. &c....

25eQuoi invariable ne se dit que des êtres abstraits. Ex. à quoi pensez-vous? Quoique vous fassiez, soyez justes.

2° Partout où l'on peut après une préposition employer lequel au lieu de quoi, on doit le faire. Il vaut mieux par ex. dire: L'accord de l'intérêt public et de l'intérêt privé est le 1er objet auquel nous devons nous appliquer, que de dire à quoi nous devons nous appliquer.

3° Le relatif quoi n'est d'un usage indispensable après les prépositions que quand il a pour antécédent l'article ce ou le substantif rien. Ex. c'est à quoi je vous exhorte, c'est pourquoi &c.... c'est de quoi je vous rendrai compte. – c'est sur quoi vous comptez. – Il n'est rien à quoi je ne sois disposé pour votre avancement.

26e L'adverbe de lieu (1ere syllabe de ubi) est tantôt relatif et tantôt interrogatif. 1° Quand il est relatif, il est ou n'est pas précédé d'une préposition. Dans le 1er cas il tient lieu de l'adjectif relatif lequel. Ex. Le lieu d'où vous sortez, c.à.d. duquel vous sortez; la rue par où vous passez, c.à.d. par laquelle &c. Dans le 2d il tient lieu et de la préposition et de l'adjectif relatif. Ex. Le lieuvous êtes, c.à.d. dans lequel vous êtes.

2° quand il est interrogatif, il est egalement précédé ou non précédé d'une préposition. Dans le 1er cas il tient lieu de l'adjectif interrogatif quel et d'un substantif quelconque. Ex. Paravez-vous passé? Et d'venez-vous? Par où, signifie, par quel lieu, par quel endroit? d'où, c.à.d. de quel endroit, de quelle contrée? Dans le 2d il tient lieu |158 de la préposition en, de l'adjectif interrogatif quel et d'un substantif quelconque. Ex. où demeurez-vous? où allez-vous? , c.à.d. en quel endroit?

27e Tout, toute. Cet adjectif d'universalité se prend quelquefois dans un sens adverbial; il se met devant un autre adjectif suivi de la conjonction que, et devrait alors être invariable: mais l'usage en a décidé autrement. Voici la règle à observer.

1° Si cet adjectif est au masculin, tout reste invariable. Ex. Les Physiciens modernes, tout eclairés qu'ils sont, ignorent encore les véritables causes de bien des effets naturels.

2° Si l'adjectif est féminin et qu'il commence par une voyelle, ou une h non aspirée, tout est encore invariable. Ex. Aujourd'hui les factions sont tout interdites. (Tout signifie entièrement.) La vertu, tout austère qu'elle est, procure seule de solides plaisirs.

3° Si l'adjectif féminin commence par une consonne ou par une h aspirée, tout prend les caractéristiques du genre et du nombre. Ex. L'ambition, toute funeste et toute hasardeuse qu'elle est, règnera toujours sur la plupart des hommes. Il y a eu des jeunes gens qui ont entendu d'eux-mêmes les propositions d'Euclide, toutes difficiles qu'elles sont. (tout... que dans ces exemples signifie quoique très.)

4° Si tout est placé devant un adverbe, il reste invariable. Ex. La rivière coule tout doucement. Cette Grammaire n'est pas rédigée tout comme les autres.

N.a Cette règle se trouve dans toutes les Grammaires.

Restaut prétend qu'on doit dire au féminin, la campagne toute agréable qu'elle est &c. DeWailly soutient le contraire en disant la campagne tout agréable qu'elle est, et je suis de son avis. L'e est inutile devant une voyelle.

Restaut dit en outre: Toute agréable et toute belle que soit la campagne, &c.... et d'un autre côté, les anciens Philosophes, tout eclairés qu'ils etaient, &c. en sorte que quand le sujet est après le verbe, il met ce verbe au subjonctif, et le laisse à l'Indicatif, lorsqu'il est précédé de son sujet. C'est une erreur. Il faut partout l'indicatif. Tout... que exprime une affirmation et veut ce mode: c'est l'expression quelque... que qui régît le subjonctif, parce qu'elle enveloppe une sorte de doute, et d'incertitude, en ne déterminant pas précisément le degré de la qualité qu'elle modifie.

|159 28e 1° Après un substantif généralement pris au singulier, si on veut exprimer une qualité au suprême degré, elle exclut toute idée d'egalité, et l'ont doit mettre au singulier l'adjectif superlatif ou la proposition explicative. Exemple du 1er cas. Le Cn Sieyes est le penseur le plus profond de toute la République.

Exemple du 2d. C'est l'homme qui a le plus contribué à la perfection de notre pacte social.

2° Après un substantif particulièrement pris, même au singulier, si on veut exprimer une qualité au suprême degré, on doit regarder ce 1er substantif comme extrait de la clâsse de plusieurs autres dans le même cas, et par conséquent mettre au pluriel non seulement l'adjectif relatif qui suit la préposition de, mais encore le sujet et le verbe de la proposition explicative. Ex. L'immortalité de l'âme est un des points sur lesquels (et non sur lequel) les Philosophes sont le moins partagés. Bonaparte est un des grands hommes qui ont le plus contribué à l'affermissement de la Répe française. C'est un de ceux qui ont le plus de droits à notre reconnaissance. Les Grammairiens Wailly et Domergue ont raison sur ce point. Restaut s'est ridiculement mis l'esprit à la torture pour justifier des solécismes par des distinctions frivoles.

3° Mais il a raison quand il dit que »ce relatif qui a pour antécédent un nom collectif au singulier suivi d'un substantif pluriel (employé comme déterminant) se met au pluriel; et qu'ainsi il faut dire: Craignez d'oublier la plupart des sciences auxquelles vous vous appliquez. J'ai réfuté la plupart des objections qui m'ont eté faites.

4° J'ajoûte qu'un nom collectif tient lieu du pluriel, lors même qu'il n'est pas déterminé immédiatement par un nom pluriel. Ainsi, après avoir parlé des Philosophes, on peut doit dire: la plupart ont pensé &c. ont eté d'avis &c. et non a pensé &c.

 

Problême.

29e

Entre deux verbes dont le second est l'objet du premier, quand faut-il mettre me ou moi, te ou toi?

|160 Rép. ou Solution.

1° Si le premier verbe est intransitif, on met me ou te.

Exemples. Venez me voir; Va te baigner. Cours te justifier. Venir, aller et courir sont intransitifs; l'action qu'ils expriment ne passe pas au delà du sujet qui la fait.

2° Si le 1er verbe est transitif, on met moi ou toi.

Ex. Laissez moi agir; fais toi peindre.

Je crois que le Cn de DeWailly donne une fausse distinction en disant qu'il faut mettre me ou te, quand le verbe à l'impératif est sans régime simple, et moi ou toi, quand il est actif avec régime simple. Certes aller, venir et courir sont des actions et par conséquent des verbes actifs; et dans tous les exemples qu'il cite, le verbe à l'impératif a un régime simple, qui est le verbe suivant mis à l'impersonnel. Je crois que cet estimable Grammairien n'avait pas assez analysé en cette occasion.

De ce qu'un verbe ne peut avoir pour objet (a) / (a) ou pour régime simple, car à ces deux expressions on attache le même sens. ) / qu'un autre verbe à l'impersonnel, il ne faut pas conclure qu'il n'a pas d'objet.

30e On ne doit pas donner à un mot (soit verbe, soit adjectif ou préposition) d'autre complément (b) / (b) l'objet d'un verbe peut aussi être nommé le complément de ce verbe. Les dénominations ne changent pas les règles.) que celui qui lui est assigné par le bon usage. On entend souvent dire et on lit avec peine dans plusieurs ecrits modernes des phrâses telles que celles-ci: il espérait d'obtenir justice; nous comptions de partir plutôt. Les verbes espérer, compter veulent le verbe qui les suit à l'impersonnel sans préposition, ou à l'indicatif avec la conjonction que. Ex. J'espère être utile, il espère que cela n'arrivera pas; Nous comptons partir tel jour; je compte qu'il fera beau temps demain.

N.a Quand le second verbe devrait avoir le même sujet que le premier, c.à.d. quand les actions exprimées par les deux verbes se rapportent, sont attribuées au même individu, on met le second verbe au présent de l'impersonnel: quand le second verbe doit avoir un autre sujet que le premier, on emploie la conjonction que, et l'on met le second verbe au futur de l'indicatif, après en avoir enoncé le sujet.

|161 Je crois que le Cn de DeWailly a péché contre la règle ci-dessus dans une proposition qu'il corrige et donne pour exemple. à l'occasion des répétitions vicieuses il cite cette phrâse: La civilité exige qu'on ait de l'attention à ce qu'on nous dit. Cette phrâse est effectivement incorrecte, en ce que le pronom général on y est employé deux fois avec des rapports différents. Voici comme l'Auteur cité la corrige réforme. La civilité exige que nous ayons de l'attention à ce qu'on nous dit. Je ne crois pas que cette réforme soit suffisante. On ne dit pas avoir de l'attention à quelque chose, mais donner son attention à, apporter de l'attention à... faire attention à, être attentif à &c. Cette règle etant négative et très-générale, je ne cois pas devoir en multiplier ici les exemples. (Le Professeur le fait de vive voix.)

31e 1° Avant ou après les mots de ce que &c. l'expression il s'ensuit, est un pléonasme; et il vaut mieux ecrire et dire, il suit &c.... En effet l'adverbe relatif en signifie delà ou de ce. Il ne faut pas un double emploi. Ainsi l'on doit dire: Il suit de là &c. et non il s'ensuit de là &c....

2° On peut, et je crois même que l'on doit ne pas répé employer alors dans un second membre de phrâse, lorsqu'on a commencé le 1er par la conjonction quand. Ce double emploi est un pléonasme. Ainsi je trouve un pléonasme dans cette phrâse du Grammairien DeWailly (p.150 de l'abrégé de sa Grammaire) (article IV. de sa règle sur les mots à répéter.) Id. Restaut p.283. der alinéa.

Quand la 1ere partie d'une phrâse est affirmative, et que la seconde est négative, et réciproquement... alors on répéte dans la seconde partie le verbe qui est dans la 1ere. On peut, à la rigueur, tolérer ce pléonasme, quand le 2d membre, comme dans la phrâse que je viens de citer, est trop éloigné du premier. On a perdu de vue la liaison quand. (v. Restaut p.[?359] [] IV.)

|162 32e Près avant un verbe à l'Impersonnel est une préposition qui signifie sur le point; on l'ecrit avec un s et on met de après elle. Prêt dans la même circonstance est un adjectif qui signifie disposé; on l'ecrit avec un t et on lui donne à pour complément. Ex. près de mourir veut dire sur le point de mourir. Prêt à partir signifie tout disposé à partir.

33e Au travers et à travers sont des prépositions qui expriment le même rapport; mais elles différent en ce que la 1ere doit toujours avoir de pour complément, et que la 2de est immédiatement suivie d'un article et d'un substantif. Ex. Il lui passa son epée au travers du corps, ou à travers le corps.

34e Par une bizârrerie dont personne n'a rendu compte, le verbe être précédé de l'article démonstratif se met au singulier avant les pronoms personnels des trois personnes du singulier, et avant ceux des deux premières du pluriel, tandis qu'il se met au pluriel avant ceux de la 3e personne de ce nombre. On dit: c'est moi, c'est toi, c'est lui; c'est nous, c'est vous, ce sont eux; ce sera moi,... &c. ce sera nous, ce sera vous, ce seront eux, et ainsi des autres temps. Ex. Bonaparte dans sa proclamation aux Français a dit: Français, nous vous avons dit nos devoirs; ce sera vous qui nous direz si nous les avons remplis.

 

 

 

 

Remarques du Cn DeWailly.

 

« 1ere On emploie ce au lieu des pronoms il, elle, ils, elles, quand le verbe être doit être suivi d'un substantif ou d'un pronom. Ex. Si vous voulez vous former à l'eloquence, lisez Démosthène et Cicéron; ce sont les deux plus grands Orateurs de l'Antiquité.

Mais si le verbe être n'est suivi que d'Adjectifs, il faut il, elle, &c. Lisez Cicéron et Démosthène, ils sont très-eloquents.

2de Dans les phrâses où il y a un pluriel, dont chacun doit faire la distribution, on emploie leur quand on place chacun avant (1) / (1) DeWailly a mis devant. Cependant (p.36 de son abrégé) il dit que les prépositions avant et devant ne s'emploient plus l'une pour l'autre, et que la prép. devant ne s'emploie guère que pour en présence ou vis-à-vis de. Tant il est difficile que dans les innovations l'on soit constamment d'accord avec soi-même. Quoique ce Grammairien n'ait pas toujours observé sa distinction, elle n'en est pas moins vraie. / l'objet du verbe. Ex. Ils ont apporté chacun leur offrande, et ont |163 rempli chacun leur devoir de citoyen. Si l'on place chacun après l'objet des verbes, on emploie son, sa ou ses après chacun. Ex. Ils ont tous apporté des offrandes chacun selon ses moyens et son patriotisme.

3e On se sert du pronom soi, 1° en parlant des choses. Le vice porte en soi sa peine. 2° En parlant des personnes en général. Ex. Excuser dans soi-même les sottises qu'on ne peut souffrir dans autrui, c'est aimer mieux être sot soi-même que de voir les autres tels.

Mais on dira, en parlant de quelqu'un en particulier: C'est un homme vain qui ne parle que de lui, qui rapporte tout à lui. »

35e Evitez soigneusement les equivoques non causées non seulement par les pronoms personnels employés sous deux rapports, mais encore par les déterminants à double sens.

Ex. du 1er cas. Un Général dit à un Officier en présence du soldat qu'il avait eu tort de se conduire ainsi. Qui avait eu tort? Est-ce le Général? Est-ce l'Officier? Est-ce le soldat? Prenez en pareil cas un tour qui lève tous les doutes. Il en est de même de cette phrâse citée par DeWailly: Hypéride a imité Démosthène en tout ce qu'il a de beau. Il se rapporte-t-il à Hypéride ou à Démosthène?

Ex. du 2d cas. (Phrâse citée par DeWailly.) Le pardon des ennemis ne consiste pas seulement &c. Il peut y avoir equivoque; s'agît-il en effet du pardon qu'on accorde aux ennemis, ou de celui qu'ils peuvent accorder? La suite de la phrâse peut seule le faire connaître, et c'est ce qu'il faut eviter. (Abrégé de DeWailly p.105.)

Note. Quoique ce Grammairien justement célèbre ait dit (p.8 de son abrégé) qu'il n'y a point de cas dans notre langue, il nous parle (p.105) que d'un substantif au nominatif, et ailleurs des substantifs au vocatif. Tant il est difficile de se défaire des vieilles habitudes!

Adèo in teneris assuescere multum est! Virg. Géorg.

Tant de nos premiers ans l'habitude a de force! Delille.

|164 36e Règle donnée par (Restaut p.283.) Problême.

Quand faut-il mettre de, quand faut-il mettre par après un Participe passif?

Solution. 1° Quand le participe passif exprime une action purement intentionnelle, c.à.d. une opération de l'âme, il doit avoir de pour complément ou déterminatif. Ex. La vertu est admirée de tout le monde, vous êtes souhaité de tous vos amis, &c.

2° Quand le participe passif exprime une action purement matérielle ou qui participe des sentiments de l'âme et des mouvements du corps; on donne pour complément ou circonstanciel à ce participe la préposition par. Ex. Rome fut bâtie par Romulus. Ils furent loués par les plus habiles gens. &c....

 

Remarque intéressante du même Grammairien.

37e

Quoique pas et point expriment egalement la négation, on peut dire que le dernier l'exprime avec plus de force que l'autre, (1) / (1) Les exemples qu'il en donne sont mal choisis. Au lieu d'exemples je vais essayer d'en donner la raison. 1° Les adverbes pas et point ont probablement eté choisis, pour exprimer l'absence des choses, la négation, parce qu'il n'y a rien qui ne ressemble plus à l'absence totale que la plus petite quantité possible. Or il n'y a rien de plus petit en fait de distance qu'un pas et en fait d'etendue que le point. 2° Le pas exprimant néanmoins une etendue plus grande que le point, ce der doit exprimer la négation que le premier plus fortement la négation que le 1er. / et que la délicatesse du langage empêche souvent de les confondre dans l'usage qu'on en fait.

1° Il ne faut se servir que de pas avant les mots qui marquent quelque degré de qualité ou de quantité, tels que beaucoup, fort, plus, moins, un, deux &c.... Ex. Je n'ai pas beaucoup d'argent à vous donner. On fait souvent des dépenses qui ne sont pas fort-utiles. Les riches ne sont pas toujours plus heureux que les pauvres. Cicéron n'etait pas moins philosophe qu'orateur. Il n'y a pas un instant à perdre. Il n'y a peut-être pas dans la nature deux individus qui se ressemblent en tout point.

Point s'emploie avec plus de grâce que pas avant la préposition (2) / L'Auteur cité dit l'article de. On sent que je ne pouvais copier cette ridicule erreur. / de et à la fin d'une phrâse. Ex. On est à plaindre quand on n'a point de talent. Le fameux Sydnei Smith s'echappa de la prison où il etait, et ses gardes ne s'en apperçurent point.

|165

Problême.

38e

Quand faut-il employer dans? Quand faut-il employer en?

Solution. 1° On doit employer dans, lorsque le complément de cette préposition doit être suivi de l'article général ou de l'article particulier. C'est qu'alors les substantifs d'abord généralement pris sont ensuite déterminés par la préposition de et son complément ou par un adjectif, ou par une proposition explicative; ou que, précédés de l'article particulier, le sens en est assez précis et déterminé. Exemples. Il travaille dans la chambre qui est à droite, ou dans sa chambre, c.à.d. dans la chambre de lui. Il vit dans une douce liberté. Il est dans une grande colère. Il est dans une pension que son père a choisie. Il demeure dans une Province méridionale. Mettez cela dans un carton, et le carton dans un coin.

2° On doit employer en, quand le complément de cette préposition doit être sans article, et par conséquent pris dans un sens vague et absolu. Mêmes exemples. Il travaille en chambre. Il vit en liberté. Il est en colère. Il est en pension. Il demeure en province. (3) / (3) On ne dit pas encore en Département. / Un livre relié en carton. Mettez ce vin en bouteilles.

En peut être suivi de l'article démonstratif. On dit en ce moment, en ce cas ou dans ce cas. &c.

Dans exprime une epoque de l'avenir. Ex. Le 3e Consul sera réélu ou remplacé dans cinq ans, et les deux premiers dans dix.

En exprime une epoque du passé. Ex. En 1789 nous prîmes la Bastille et le froid fut excessif.

En désigne encore la durée d'une action. Ex. La nouvelle Constitution a eté discutée, adoptée et mise en activité en moins d'un mois. Ce palais a eté bâti en trois ans. Vous devez parcourir ce Cours en deux ans.

En campagne ne se dit que des armées, à l'occasion du mouvement, du campement et de l'action des troupes. Ex. Les armées sont en campagne. Les troupes se mettront en campagne avant Ventôse.

Pour dire qu'on n'est pas à la ville mais aux champs, on doit se servir de l'expression à la campagne. Ex. J'irai à la campagne Décadi; il est allé à la campagne; il demeure à la campagne.

|166

Prôbleme.

39e

Quelle différence y a-t-il entre pour et afin de?

Solution. 1° Pour est une préposition, et afin de une conjonction. Ces deux expressions régissent egalement un verbe à l'impersonnel. 2° Toutes deux signifient que l'on fait une chose en vue d'une autre; 3° mais néanmoins pour marque une vue plus présente, et afin une vue plus eloignée. 4° enfin par la première on envisage un effet qui doit être produit, au lieu que l'autre n'exprime rien de plus que le but où l'on veut parvenir. (1) / (1) Restaut, de qui j'ai tiré ces observations, (p.398) clâsse pour parmi les conjonctions. C'est une erreur. / Ex. Un Auteur se donne bien de la peine pour faire un livre. Voilà un effet certain. Il le met au jour afin de s'acquérir de la gloire. Bien souvent il se trompe.

Problême.

40e

Quelle différence peut-on mettre entre c'est pourquoi et ainsi.

Sol. C'est que le premier semble plus propre à exprimer la suite d'un evénement ou d'un fait, et le second à faire entendre la conclusion d'un raisonnement. (Rest. p.400.)

41e Nous avons vu que la préposition du etait contractée pour de le, que des etait tantôt le pluriel de l'article particulier un, une, et tantôt contracté de la déterminative de et de l'article général les. Quoiqu'il n'y ait point de difficultés qu'au moyen de ces observations on ne puisse résoudre en quatre mots, tandis que les Grammairiens ont employé cinq à six pages à les expliquer, et encore d'une manière bien obscure et bien peu satisfaisante; je crois devoir ajoûter ici quelques réflexions à ce sujet.

1° Outre la contraction, la préposition du annonce souvent une ellipse. Ex. Du pain et de l'eau suffisent à la nourriture des prisonniers criminels. Ceci veut dire; une certaine portion de tout le pain, et une certaine quantité de toute l'eau suffisent à la nourriture de tous les prisonniers criminels.

2° Quand un adjectif sépare la préposition du substantif, on supprime l'article. au commencement des prépositions. Ex. De bon pain et de bonne eau suffisent, à la rigueur, pour la nourriture de l'homme. En ne plaçant l'adjectif qu'après le substantif, on dirait, en rétablissant l'article: Du pain qui est bon et de l'eau qui est bonne suffisent &c. |167 Les soldats et les marins sont trop souvent réduits à de mauvais pain et à de mauvaise viande. Pour déplacer l'adjectif, il faudrait rétablir l'article et dire, à du pain qui est mauvais, et à de la viande qui est mauvaise. Il y a ici même ellipse qu'au n°1.

Il en est de même au pluriel. Ex. De grands evénements et de grandes révolutions ont suivi les journées des 18 et 19 Brumaire an 8. Il y a ellipse. En suppléant les mots omis, il faudrait rétablir l'article. Ex. J'avais prévu la plupart ou une partie des grands evénements et des grandes révolutions qui ont suivi ces fameuses journées. C'est la proposition explicative qui nécessite l'article général. (1) / (1) Restaut s'est mis l'esprit à la torture pour mal expliquer tout cela. Il s'est perdu dans les distinctions des cas et des prétendus articles indéfinis et partitifs. /

3° Néanmoins si l'adjectif et le substantif sont tellement liés que des deux il ne résulte qu'une seule idée, comme Belles-Lettres, Beaux-esprits, et jadis Grands-seigneurs, Grand'-Messes, &c.... on ne supprime plus l'article. Ex. Ce livre traite des Belles-Lettres. J'ai vu des Beaux-esprits qui ennuyaient les vrais savants. J'ai connu des grands Seigneurs qui etaient des hommes bien petits. De belles lettres, de beaux esprits, de grands seigneurs voudraient dire des lettres qui sont belles, bien faites, des esprits qui seraient beaux, ce qui n'a pas de sens; des Seigneurs qui seraient grands sous un rapport quelconque.

4° On emploie encore de, quand l'expression qui suit doit rester vague et indéterminée. Ex. Il est coupable, et accusé de crimes horribles ou d'horribles crimes. Si l'on voulait particulariser le complément de la préposition, on dirait, en mettant avant le substantif l'article général, et après lui un déterminant quelconque. Il n'est pas coupable des crimes horribles dont on l'accuse, ou qu'on lui impute.

5° Enfin on emploie toujours de après les adverbes négatifs pas et point, et après les adverbes de quantité, beaucoup, guére, plus, trop, moins, assez, peu, &c. &c. excepté bien. Je ne connais point de guerriers plus braves que les Français. Il y a beaucoup de soldats généreux dans nos armées. |168 L'orthographe d'usage est celle dont on ne peut guére donner de règles générales. &c.... mais l'on dirait: donner des règles générales de l'orthographe de principe. 6° Cependant si pas et point ne modifient que le verbe, sans influer sur l'objet, on rétablît l'article. Ex. Ne brouillons pas des amis bien unis. Ne séparez point des mots inséparables.

 

 

 

 

De la Construction. (a)

 

/ (a) Tout ce qui est marqué de guillemets, et n'est pas renfermé entre parenthèses, est extrait littéralement des Principes de Gre Gle du Cn A.I. Sylvestre de Sacy. /

 

« Il en est de la Construction comme de la Syntaxe: elle ne suit aucune règle commune à toutes les langues. On peut cependant dans toutes les langues la ramener à une Construction qui semble conforme, sinon à l'effet de nos sensations, du moins à la marche que suit notre esprit dans ses opérations. (Je la nomme Construction naturelle.)

Dans cette Construction, le sujet marche toujours le premier, vient ensuite le verbe, puis l'attribut, (s'ils ne sont pas combinés, et, s'ils le sont, suit l'objet et en dernier lieu viennent le terminatif et les circonstanciels,) l'article précède... immédiatement le nom; l'adjectif ou la phrâse incidente qui modifie le nom, vient immédiatement après lui; le complément d'un nom, d'un verbe, d'un adjectif ou d'une préposition, suit, sans interruption, le mot auquel il sert de complément, et la préposition doit être placée entre les deux mots qui forment les termes du rapport (qu'elle exprime); enfin les adverbes (se placent immédiatement avant ou après le mot qu'ils modifient.) Quant à la manière d'ordonner les différents compléments d'un même mot, cela est beaucoup plus arbitraire. » Ajoûtez que dans les propositions subordonnées la conjonction a le pas devant tous les autres mots.

Pour la disposition des circonstanciels et terminatifs, l'oreille est le seul juge. J'en ai parlé ci-devant p.121. Pourvu qu'on ne coupe point des mots inséparables, l'Adjonctif se place où l'on veut. D'Olivet.

 

 

 

 

De l'Inversion.

 

La langue Française est moins susceptible d'inversions que celles qui ont des déclinaisons et qui n'ont point d'articles. Le sens relatif d'un mot français dépendant presque toujours de la place qu'il occupe dans la phrâse, notre langue doit admettre peu de transpositions. Cependant elle n'est pas entièrement privée de cet avantage. La Poésie française surtout semble ne vivre que d'images, de figures et d'inversions. La lecture de nos grands Poétes, de ces ouvrages devenus classiques, fera mieux connaître les inversions permises que ne le feraient toutes les règles qu'on en pourrait donner. Les jeunes gens doivent donc les lire, les relire et surtout les analyser. Bornons-nous à quelques observations.

|169 1° En Français, on ne peut faire une interrogation sans placer le sujet ou le pronom qui le remplace après le verbe. C'est une inversion forcée. Ex.

Que peuvent contre nous tous les Tyrans ligués?

Avez-vous médité ce traité? L'emulation est-elle un bon moyen d'education?

2° Il en est de même dans certaines formes de conclusion, et dans certaines propositions intercalées au milieu d'une autre, telles que celles-ci: La question ci-dessus sur l'emulation est un problême; aussi l'Institut en a-t-il, disent les journaux, proposé la solution aux Moralistes.

L'ambition de l'Autriche doit alarmer les puissances du Nord, aussi assure-t-on que le Roi de Prusse s'y opposera de tout son pouvoir.

3° Il y a encore une inversion obligée quand l'objet d'un verbe doit être un pronom conjonctif ou interrogatif. En effet l'objet se place avant le verbe. Ex. Que pensez-vous du systême d'orthographe de DeWailly? On ne l'a pas suivi. Cette inversion a lieu dans tous les verbes pronominaux, réfléchis et réciproques. Ex. Il se peut que je me trompe. Les sages se conduisent par réflexion, et le vulgaire par instinct. Les petits coqs se battent, avant d'être jaloux.

4° L'inversion forcée a lieu quand le terminatif doit être un pronom personnel ou un adjectif relatif. Ex. L'homme se donne souvent bien des peines inutiles pour obtenir des choses qui lui seraient funestes. Ceux à qui j'avais donné ma confiance en ont etrangement abusé.

5° Elle a lieu dans l'emploi des adverbes relatifs y, en et ; car ils se placent avant le verbe. Ex. Les fautesvous tombez sont impardonnables, car je vous en ai si souvent avertis que vous les eviteriez, si vous y apportiez la moindre attention.

6° Nos meilleurs ecrivains en prôse ont quelquefois, par elégance, placé le sujet après le verbe. C'est surtout lorsque le verbe fait image, et que, renfermant l'idée principale, il doit être saillant dans le tableau de la pensée, et, par conséquent paraître le premier dans la période. Exemple.

Déjà frémissait dans son camp l'ennemi confus et déconcerté; déjà prenait l'essor, pour se sauver dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avait d'abord effrayé nos provinces.

Fléchier. Or. fun. de Turenne.

 

|170 7° Les adverbes de temps et de lieu se placent avant ou après le verbe, et même avant le sujet; l'oreille et le goût décident du choix de leur place: v. l'ex. ci-dessus. Déjà &c.... Autres ex.

Souvent la peur d'un mal nous conduît dans un pire.

Boileau.

La construction naturelle eût eté: La peur d'un mal nous conduît souvent dans un pire; et le génie de la langue ne s'opposait même pas à ce qu'on dît: La peur d'un mal souvent nous conduît dans un pire. Là j'ai vu ces héros qui ont fait trembler Vienne et ses souverains &c. ou, j'ai vuces héros qui &c....

8° On place souvent au commencement d'une phrâse le déterminant de l'objet et même celui du sujet; quelquefois enfin le complément du verbe. Ex. du 1er cas.

 

De l'Eternel tout célèbre la gloire;
Tout à mes yeux peint un Dieu créateur:
De ses bienfaits perdrai-je la mémoire?
Tout l'univers m'annonce son auteur.

 

Ex. du 3e cas.

De sa puissance immortelle
Tout nous parle, tout nous instruit.

J.B. Rousseau.

 

Ex. du 2d cas.

Ce qu'il eut de mortel s'eclipse à notre vue;
Mais de ses actions le visible flambeau,
Son nom, sa renommée en cent lieux epandue
Triomphent du tombeau.

idem.

Voyez les ci-après les exemples du n° 11°.

 

9° Le terminatif d'une proposition, le complément d'un adjectif ou d'un participe, se placent elégamment avant le verbe, l'adjectif ou le participe. Ex.

 

Tout à mes yeux peint un Dieu créateur.
................................ Muses,
Vous me direz qu'au moins pour ce service
à vos bienfaits je dois quelque Justice;
que c'est par vous qu'à vingt ans parvenu,
Né comme Horace aux hommes inconnu,
|171 Bien moins que lui signalé sur la scêne,
J'ai cependant trouvé plus d'un Mécêne.

J.B. Rousseau. Epit. 1ere

 

10° Enfin les circonstanciels se placent tantôt au commencement, tantôt au milieu, tantot à la fin des phrâses.


Ex. du 1er cas.

Dans cette enfance, ou pour mieux dire, dans ce chaos du poême dramatique parmi nous, votre illustre frère... fit voir sur la scêne la raison... &c. Racine à Th. Corneille.


Ex. du 2d cas.

Votre illustre frère, après avoir quelque temps cherché le bon chemin, et lutté, si je l'ose ainsi dire, contre le mauvais goût de son siècle,... fit voir sur la scêne la raison. id. ibid.

Les exemples du 3e cas sont ce qu'on appelle la construction naturelle et se trouvent partout.

11° Pour que l'inversion, qui consiste à placer le déterminant avant le déterminé, soit tolérable, il faut que l'un ou l'autre ou même tous les deux soient accompagnés de quelque qualificatif. On dira bien par exemple:

D'un peuple belliqueux la force colossale
Des Rois coalisés humilia l'orgueil.

et mieux encore:

Du Dieu qui nous créa la clémence infinie,
Pour adoucir les maux de cette courte vie,
a placé parmi nous deux êtres bienfesants,
De la terre à jamais aimables habitants.

Voltaire. Henr. ch.7 v.1.

Il faut, en un mot, qu'ils soient séparés, et l'inversion serait insupportable s'ils se suivaient immédiatement et que la proposition finît par le déterminé. Quelle oreille ne frémirait à la lecture de phrâses semblables aux suivantes: Ne mettons pas trop à l'epreuve de la Providence la bonté. N'entreprenez rien au dessus de vos forces, et consultez avec soin de votre intelligence la portée.

12° On ne peut pas transposer le déterminant du complément d'une préposition. Ainsi les inversions suivantes sont louches et ridicules.

Quoi! Voit-on de l' revêtu de l'etole sacrée
Le Prêtre de l'autel s'arrêter à l'entrée.

|172 pour à l'entrée de l'autel. Ne dirait-on pas que de l'autel est le déterminant de Prêtre, et qu'il s'agît du Prêtre de l'autel?

Que toujours la fierté l'honneur, la bienséance
De cette folle ardeur s'oppose à la naissance.

pour à la naissance de cette folle ardeur. On serait d'ailleurs tenté de croire qu'il est question de la bienséance de cette folle ardeur.

Tout ce qui embarrasse le sens de la phrâse, tout ce qui rend le style dur, louche ou obscur doit en être proscrit.

13° Enfin il est un grand nombre de réticences, de suppressions, et même de répétitions elégantes, dont on peut voir plusieurs exemples dans la Grammaire de DeWailly (p.357 et suiv.) ou qu'on apprendra dans le Cours de Belles-Lettres.

Ce sont ici les confins de la Grammaire Générale et des Belles-Lettres. Dans ce dernier Cours on traite du style, et je crois que les détails des réticences, suppressions et répétitions elégantes ou vicieuses sont plutôt de son ressort que du mien. V. le Xe Traité des principes de Littérature de Le Batteux.

 

 

 

 

Quatrième et dernière partie.

 

Logique.

 

La partie de la Logique de Condillac, qui n'est point dans la première partie de ce cours, (l'Idéologie) réunie aux Principes de Logique de Dumarsais, forme un Traité elémentaire tout fait; je n'en enseigne point d'autre, persuadé que ce qu'on peut faire de mieux, c'est de l'adopter.

L. Fontaine

Professeur à l'Ecole-Centrale de l'Yonne.

 

 

Harmonisations

Les titres sont en caractères gras et suivis d'un point.

Les phrases se terminent par un point.

Une citation commencée par des guillemets se termine également par des guillemets.

Dans les cas d'inversion de la forme verbe sujet > verbe-sujet.

Tous les titres sont en caractères gras.

 

1ère > 1ere

3ème > 3e

&c > &c.

ajoutant, ajoute, ajouter, ajoutent, ajoutez > ajoûtant, ajoûte, ajoûter, ajoûtent, ajoûtez

à-la-fois > à la fois

Alcibiades > Alcibiade

appellons > appelons

-âsse > -asse (terminaison du subjonctif)

assûrer > assurer

aumoins > au moins

ayiez > ayez

bientot > bientôt

bisârrement > bizârrement

c'est à dire > c'est-à-dire

chaös > chaos

coincident > coïncident

connaîssance(s) > connaissance(s)

coup-d'œil > coup d'œil

de Wailly > DeWailly

diffère(nt) > différe(nt)

dît > dit

eléve(nt) > elève(nt)

ensorte > en sorte

entre elles > entr'elles

entre eux > entr'eux

epithète > epithéte

Eschyles > Eschyle

espéce(s) > espèce(s)

Euripides > Euripide

evènement, evenement > evénement

fesait > faisait

fesant > faisant

Grammaire-Générale > Grammaire Générale

grossiere(s) > grôssière(s)

intèressent > intéressent

-însse > -insse (terminaison du subjonctif)

-îsse > -isse (terminaison du subjonctif)

longtemps > long-temps

maniere(s) > manière(s)

mere > mère

ou (pronom relatif) > où

par ce que, parceque > parce que

parconséquent > par conséquent

particulierement > particulièrement

pere > père

peu à peu > peu-à-peu

pourvuque > pourvu que

premiere > première

précéde, précédent > précède, précèdent

prévénu > prévenu

quelque fois > quelquefois

quoi que > quoique

répète > répéte

répetition > répétition

réprésentent > représentent

satisfesante > satisfaisante

siécle > siècle

Sophocles > Sophocle

sûsceptible > susceptible

Thémistocles > Thémistocle

-ûsse > -usse (terminaison du subjonctif)

vous mêmes > vous-mêmes

 

 

Document conservé au Centre historique des Archives nationales, Paris,

Cote : F17/1344/3