Troisième partie. Grammaire française
Table des matières | Notions préliminaires. | Grammaire générale. |
Suite du cours de grammaire générale. |
3eme partie. Grammaire française. |
4eme partie. La logique. |
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3eme partie.
Grammaire française.
Des sons primitifs.
quoique la parole soit très variée et le langage des peuples très différent, cependant les élémens qui le composent ne sont autres que les sons simples et primitifs de la voix humaine: les organes qui forment le mécanisme de la voix étant en petit nombre, le nombre des sons primitifs doit être nécessairement très borné. il y en a de si simples qu'ils n'ont besoin que de la simple ouverture de la bouche pour se faire entendre, et pour former une voix distincte: c'est pourquoi ils ont été nommés voyelles. on a donné le nom de consonnes à ceux qui sont produits par l'action spéciale de quelqu'une des parties de l'organe, comme des lèvres, des dents, etc., et qui néanmoins ne peuvent faire un son parfait que par leur union ou leur consonnance avec les sons qu'on nomme voyelles.
tous les hommes étant doués du même organe, les sons doivent être à peu près les mêmes chez tous les peuples; d'après cela il paroît d'abord étonnant que les mots se prononcent et s'écrivent différemment, par toute la terre. mais cet étonnement cesse, quand on fait attention au nombre prodigieux de combinaisons que l'on peut donner à un petit nombre d'élémens.
les vingt à vingt-cinq lettres qui composent la plupart des alphabets sont susceptibles de plus de combinaisons qu'il n'y a de grains de sable dans toutes les mers.
chaque peuple, ayant combiné différemment les sons |[91] primitifs, a eu des mots différens, ainsi qu'une maniere particuliere de les employer; c'est en quoi consiste la différence des langues.
tableau de nos voyelles.
a aigu, comme dans ami, gala. |
les voix que nous venons de tracer sont au nombre de sept; leurs |[92] nuances principales, au nombre de dix. ces dix-sept voix se nomment orales, parce qu'elles sortent pures de la bouche; on nomme nasales quatre autres voix, parce que, dans l'émission, elles sont modifiées par le nez. ces quatre voix sont an (ạ), en (ẹ), on (ọ), eun ([ẹ + ¸]).
ainsi nous avons, en tout, vingt et une voix.
tableau de nos consonnes ou articulations.
m, comme dans mener. |
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v, comme dans venir. |
labiodentales |
d, comme dans devoir. |
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l, comme dans lettre. |
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z, comme dans azur. |
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|[93] r, comme dans rive. |
} palatales |
g, comme dans garant, |
} gutturales |
d'après ce tableau, nos articulations sont au nombre de dix-neuf.
il est à remarquer que deux articulations ne different souvent que par une pression plus ou moins forte de la même partie de l'organe; de là on divise ordinairement les articulations en faibles et en fortes.
articulations faibles |
articulations fortes |
Des lettres comme caracteres ou de l'alphabet.
les sons du langage sont représentés par des signes qu'on nomme lettres; le tableau de ces lettres s'appelle alphabet.
si l'alphabet étoit bien fait, si chaque son étoit exprimé |[94] par un signe qui lui convient toujours, et qui lui convient exclusivement, la connoissance de l'alphabet seroit la clé de la prononciation. mais notre langue a quarante élémens, et nous n'avons que vingt-cinq lettres. notre indigence est manifeste, et cependant nous sommes prodigues: l'articulation [] s'exprime de cinq manieres; six caracteres sont au service de l'articulation se; la nasale an, empruntant à tort et à travers, prend un très grand nombres de formes différentes.
autant de signes que de sons, ni plus ni moins, pour qu'il n'y ait ni indigence ni superflu.
application constante et exclusive du signe ou son, pour qu'il n'y ait ni double emploi ni contradiction.
son simple, signe simple, pour ne pas multiplier les êtres sans nécessité.
telles sont les bases d'un nouvel alphabet, proposé par Domergue, et dont nous avons donné les signes dans les deux tableaux ci-dessus.
dans ce systeme alphabétique, on n'écrit point ce qui ne se prononce pas, et on prononce tout ce qui s'écrit.
il est bien étrange qu'on n'ait pas senti la justesse et l'importance de ce procédé; en effet l'orthographe doit être la prononciation écrite, comme la prononciation doit être l'orthographe parlée. pour les mettre mieux d'accord, l'auteur a noté la prononciation française, en indiquant avec soin les voix aigues, les moyennes, les graves, les longues et les brèves.
Des syllabes.
par syllabe on entend une ou plusieurs lettres qui se prononcent en une seule émission de voix. quand cette émission fait entendre deux sons, l'assemblage des lettres s'appelle diphtongue, comme dans loi, Dieu. la diphtongue est simple dans le 1er de ces mots, elle est composée dans le second.
|[95] chaque syllabe de chaque mot doit se prononcer selon certaines lois, qui en reglent l'accent et la quantité; c'est l'objet de la prosodie.
il y a cette différence entre la quantité et l'accent que la quantité marque le plus ou le moins de temps que l'on emploie à prononcer la syllabe, au lieu que l'accent doit marquer l'élévation ou l'abaissement de la voix dans la prononciation de la syllabe. je dis doit marquer, car dans notre langue les accens suppléent plus aux lettres qu'ils ne marquent cette élévation ou cet abaissement.
les syllabes sont longues ou brèves, mais relativement les unes aux autres; car il n'existe pas pour les syllabes une durée absolue et indépendante de leur rapport entr’elles.
quoique nous ne puissions pas faire dans nos vers le même usage que les anciens faisoient des longues et des brèves, elles y servent cependant à rendre le style plus lent ou plus vif.
Des mots.
les mots considérés materiellement sont composés d'une, de deux, ou de plusieurs syllabes; de là les monosyllabes, les dissyllabes et les polisyllabes.
les mots, considérés quant à leur signification, sont les signes des idées, qui sont les représentations des objets dans l'esprit.
dans les mots, comme dans les propositions on distingue différens sens:
le sens propre et le sens figuré;
le sens actif et le sens passif;
le sens déterminé et le sens indéterminé;
le sens absolu et le sens relatif;
|[96] le sens collectif et le sens distributif;
le sens composé et le sens divisé;
le sens litteral et le sens spirituel;
/les détails de vive voix/
les mots sont les élémens du discours comme les couleurs sont les élémens de la peinture; mais pour que les mots puissent se réunir en tableaux et peindre la pensée, il faut les assortir de maniere qu'ils correspondent aux diverses parties de la pensée, et les unir de façon qu'ils ne forment qu'un tout comme la pensée elle-même; c'est l'objet de la grammaire. si elle donne les regles communes à toutes les langues, on la nomme grammaire générale; si elle donne les regles propres à une langue on la nomme grammaire particuliere.
on peut donc définir la grammaire le recueil des observations faites sur la nature et l'emploi des mots.
Des parties du discours.
quand on parle sans réfléchir, on croit que tous les mots sont de la même espece, et ne different que par le son; mais quand on y réfléchit, on s'apperçoit que les mots sont très différens les uns des autres. on en compte neuf especes, que l'on nomme parties du discours, qui sont: le substantif, le déterminatif, le qualificatif, le personnificatif, le verbe, la préposition, l'adverbe, la conjonction et l'interjection.
Du substantif ou du nom.
le substantif indique les êtres existans ou que l'on suppose exister. il est le plus nécessaire des élémens du discours; tous les autres s'y rapportent: il est dans la phrase ce qu'est dans le tableau le principal |[97] personnage; il doit donc marcher à la tête des parties du discours.
le substantif est propre, commun ou collectif. quand il est propre, il ne convient qu'à un être; tel est le mot soleil. quand il est commun, il convient à tous les êtres de la même espece; tel est le mot arbre. quand il est collectif, il présente à l'esprit plusieurs êtres, ou comme faisant un tout, ou comme faisant une partie d'un tout. le premier s'appelle collectif général, comme le peuple, la forêt etc.; le second s'appelle collectif partitif, comme une troupe de, une quantité de etc.
une des prérogatives du nom est d'être la source de la plupart des autres especes de mots; de sorte que c'est presque aux noms que l'on doit réduire l'étude d'une langue, et que le meilleur moyen de s'assurer du vrai sens des différens mots et de les ramener au nom qui a servi à les former.
pour multiplier les mots à mesure que les idées se multiplioient, on a modifié différemment les mots primitifs, tantôt en leur ajoutant des lettres, tantôt en leur associant d'autres mots, quelque fois en les transportant du sens propre au sens figuré. de là les dérivés, les composés et les figurés.
par le secours des dérivés, le même nom devient successivement verbe, adverbe, qualificatif; par le secours des composés, on réunit en un seul mot diverses idées; par le secours des figurés, on donne différentes significations à un même mot.
il y a d'autres noms que l'on appelle, les uns diminutifs, les autres augmentatifs, parce qu'ils semblent diminuer la grosseur des objets pour les faire paroître plus jolis, ou l'augmenter pour les faire paroître plus difformes.
enfin il y a des noms appellés négatifs, parce qu'ils sont formés en |[98] partie, d'une préposition négative, comme injustice, inhumanité, ex-législateur.
Des genres.
le genre indique le sexe.
les êtres vivans sont divisés en deux grandes sections à chacune desquelles on donne le nom de sexe. l'une des sections est celles des mâles, et forme le genre masculin; l'autre section est celle des mères, des femelles, et forme le genre féminin.
les choses qui n'ont pas de sexe, comme le feu, l'eau, ne devroient être d'aucun genre, ou du moins devroient appartenir à un genre particulier; mais le caprice ou l'analogie a classé les choses, comme la raison avoit classé les êtres vivans; et nous avons des choses mâles et des choses femelles.
les noms, qui indiquent des êtres de différent sexe, ne different quelque fois que par la terminaison, comme, lion, lionne; tigre, tigresse. quelque fois il n'y a entre ces noms aucune analogie, comme dans: cerf, biche; coq, poule. souvent enfin, c'est le même mot qui exprime et le mâle et la femelle: on dit constamment un renard, un lièvre, une perdrix, sans avoir égard à la distinction des sexes.
il y a quelques substantifs qui sont des deux genres, mais c'est ordinairement sous différentes significations; ou au moins à un nombre différent. nous verrons ces détails dans Wailly.
il n'y a pas de regle sure pour savoir de quel genre sont les noms; ce n'est qu'en consultant le dictionnaire ou par un grand usage que l'on parvient à cette connoissance.
Des nombres.
le nombre indique l'unité ou la pluralité.
le nom commun a cet avantage qu'on peut l'appliquer à un |[99] seul individu ou à plusieurs; s'ils ne désigne qu'un individu, il est au nombre singulier; s'il en désigne plusieurs, il est au nombre pluriel.
nous verrons dans Wailly la formation du pluriel des substantifs et des qualificatifs; nous y trouverons aussi les substantifs qui n'ont que le singulier ou le pluriel.
Du déterminatif.
le nom commun peut s'appliquer à tous les individus de l'espece, comme dans, les hommes; ou à une partie de ces individus, comme dans, quelques hommes; ou à un seul individu, comme dans, cet homme; ou il peut être pris, abstraction faite de tout individu, et dans un sens indéterminé, comme dans, agir en homme. il faut donc des mots pour tirer le nom commun de cet état d'abstraction, et pour déterminer l'étendue qu'il a dans la proposition: autrement il n'y aurait rien que de vague et d'indéterminé dans le discours. ce mot est le déterminatif, ordinairement appellé l'article.
on peut dire que le déterminatif est au substantif ce que l'anse est au vase. de même que l'anse sert à prendre un vase au milieu de plusieurs autres, et à le manier avec facilité; de même le déterminatif sert à tirer un substantif du milieu de plusieurs autres, et à l'employer de différentes manieres.
par le moyen de cette sorte d'anse, des mots qui n'étoient pas faits pour devenir des substantifs, en remplissent les fonctions, et en prennent la forme; tels sont les présens de l'indéfini, comme, le manger, le boire etc.; les qualificatifs, comme, le vrai, le beau; les conjonctions, comme, le pourquoi, le comment; les prépositions, comme, le pour, le contre; les interjections, comme, un ouf, un hélas.
les grammairiens ne sont pas d'accord sur le nombre des détermi-|[100]natifs: les uns n'en admettent qu'un, tandis que d'autres en admettent jusqu'à neuf especes différentes.
le seul sur lequel ils s'accordent tous, c'est l'indicatif le la les. ceux qu'on y ajoute sont: quatre universels dont un collectif, tout; un distributif, chaque; deux négatifs, nul, aucun; les suivans qu'ils appellent indéfinis, plusieurs, certain, quelque; les numéraux, un, deux, trois, etc.; les possessifs, mon, ton, son; un démonstratif pur, ce, cette, ces; un démonstratif conjonctif qui, lequel etc.
pour nous, nous ne distinguons que trois especes de déterminatifs: l'indicatif, le démonstratif et l'énonciatif.
le, la, les supposent la chose connue; c'est le déterminatif indicatif.
ce, cette, ces supposent la chose présente; c'est le déterminatif démonstratif.
les universels, les indéfinis et les numéraux doivent être rangés dans la classe des énonciatifs; parce qu'ils ne font qu'énoncer des individus, sans les supposer ni connus ni présens.
quant aux possessifs et aux conjonctifs, on ne peut les rapporter à aucune partie du discours; ce sont des mots elliptiques, c'est-à-dire, des mots qui en valent plusieurs. mon équivaut à le de moi. qui équivaut à une conjonction, à un déterminatif et à un nom. exemple: l'astre qui nous éclaire pendant le jour s'appelle le soleil; c'est comme s'il y avait: un astre nous éclaire pendant le jour, et cet astre s'appelle le soleil.
de tous les déterminatifs le plus usité est l'indicatif le la les. il ne sert pas seulement, comme disent certains grammairiens, à marquer le genre et le nombre du nom qu'il précède, il sert encore à tirer du milieu de son espece un individu et à le désigner suffisamment: ainsi on dit en france, la nation, la convention, et on est |[101] sur d'être entendu.
il est à remarquer que le n'est pas toujours déterminatif; il est personnificatif dans cette phrase: cet homme est fidèle, je le recompenserai; il est mot elliptique dans celle-ci: si j'ai joui de quelque considération, je le dois à vos bontés.
les déterminatifs rendent le discours plus clair, plus varié et plus énergique, sans eux il est impossible de rendre toutes les vues de l'esprit comme on peut le voir par ce seul exemple: Pierre est fils de Jean; Pierre est un fils de Jean; Pierre est le fils de Jean.
Du qualificatif.
le substantif présente l'objet; le qualificatif n'en présente qu'une qualité: le substantif marche seul; le qualificatif a besoin d'un support.
il y a encore cette différence entre le substantif et le qualificatif que le 1er ne convient qu'à un objet, ou du moins à des objets de la même espece; au lieu que le second peut s'associer à des objets ou à des noms de différente espece. /le qualificatif differe aussi du déterminatif, en ce que ce dernier a pour objet le nombre des individus, et le premier, la nature de ces individus./
nous avons déjà vu comment le féminin des qualificatifs se forme du masculin.
Des degrés de signification et de comparaison.
la signification du qualificatif peut être considérée, ou en elle-même, ou par comparaison à un autre degré de signification,
considérée en elle-même, elle est positive, ampliative ou diminutive.
la signification est positive, quand le qualificatif n'a que sa signification primitive et ordinaire, comme dans le mot sage; elle est ampliative, quand elle a plus d'étendue que la positive, comme dans très sage; et elle est diminutive, quand elle a moins d'étendue que la positive, comme dans peu sage.
la signification d'un qualificatif considérée sous un rapport |[102] de comparaison, est ou d'égalité, comme, aussi sage; ou de supériorité, comme, plus sage; ou d'infériorité, comme, moins sage.
de sorte que les degrés de signification sont: le positif, l'ampliatif et le diminutif, et les degrés de comparaison sont ceux d'égalité, de supériorité et d'infériorité.
quand la supériorité et l'infériorité sont au degré suprême, plus et moins sont précédés de le, du, au, son etc. nous verrons le reste de cet article dans Wailly.
Du personnificatif.
le nom est le signe de l'objet; mais ce nom devient-il acteur dans le discours, est-ce lui qui parle, ou est-ce lui à qui on adresse la parole? ici les noms sont nuls: ils ne peuvent rendre l'idée exprimée par les personnificatifs, puisqu'on ne nomme que les objets absens, ou ceux qui ne prennent point part à la conversation. il faut donc des mots particuliers qui soient tels qu'à leur vue on distingue la personne qui parle de celle à qui on adresse la parole et de celle de qui on parle. ces mots sont: je, me, moi; tu, te, toi; il, elle, le, la, lui; nous, vous; ils, eux, elles, les, leur; se, soi.
ces mots sont ordinairement appellés pronoms, parce que, dit-on, ils remplacent le nom; de ce que nous avons dit, il résulte que cette définition n'est pas exacte. de tous ces prétendus pronoms, il n'y a que ceux de la 3eme personne qui représentent le nom, encore ne le font-ils que quand celui-ci a déjà paru.
quant aux mots appellés pronoms indéfinis, ce sont, pour la plupart, tels que, quelqu'un, quiconque, autrui, on, personne, rien, ceci, des mots elliptiques, qui renferment un substantif et un déterminatif; c'est pourquoi on les emploie substantivement.
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Du verbe.
lier la qualité au sujet, telle est la fonction essentielle du verbe; et comme nous ne parlons que pour faire connoître ces liaisons, le verbe vient se mêler à tous nos discours: il est l'ame de tous nos jugemens. lors même que nous nions une qualité d'un sujet, le verbe nous est encore nécessaire; mais il est accompagné d'un autre mot qui en détruit l'effet, avant même qu'il soit produit.
retranchez le verbe du discours, il ne vous reste plus de propositions: vous n'avez que des idées détachées et décousues, telles qu'on en trouve dans le langage des enfans.
il n'y a, à proprement parler qu'un seul verbe, qui est le verbe être: les autres ne le sont qu'en vertu de leur union avec ce dernier. ce sont des mots elliptiques, composés de deux élémens, d'un qualificatif et d'un verbe. dans la terminaison de ces mots se trouve le verbe être qui a été quelque fois altéré au point d'être méconnoissable. c'est de ce mélange qu'est venue la dénomination des verbes-adjectifs; de ces verbes qui rendent le discours plus concis et moins monotone.
les verbes adjectifs expriment ou l'action faite par le sujet, comme dans il frappe, ou seulement l'état du sujet, comme dans il repose.
les premiers s'appellent actifs; les seconds peuvent s'appeller énonciatifs.
ces deux especes de mots peuvent se subdiviser en plusieurs autres, comme on le verra dans Wailly.
parmi les verbes actifs, les uns ont un complément direct, comme aimer; d'autres n'ont qu'un complément indirect, comme nuire; enfin d'autres n'en ont aucune espece, comme danser.
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De la préposition.
la préposition est ainsi nommée parce qu'elle est placée devant son complément, sur lequel elle a une sorte d'empire. sa fonction est d'indiquer le rapport qu'il y a entre deux mots: elle sert, pour ainsi dire, de pont pour passer de l'un à l'autre.
quand on veut faire connoître la maniere dont une action s'est faite, le lieu où elle a été faite, le temps que l'on a employé à la faire, la préposition devient nécessaire, au point que rien ne peut la suppléer. sans rien peindre, elle vivifie le discours.
c'est surtout dans notre langue que la préposition est d'une grande ressource; on en use avec une sorte de profusion, tant les français aiment à mettre de la clarté dans leur diction.
tableau alphabétique de nos prépositions.
à |
de |
joignant |
sans |
parmi ces prépositions, il y en a qui expriment elles-mêmes un rapport déterminé, telles que, sur, sous, avant, après. mais d'autres n'indiquent qu'un rapport vague et indéterminé, telles sont, à, |[105] de, par; de sorte que ce n'est que par l'ensemble des mots que l'on peut juger de la nature du rapport. il arrive aussi quelque fois que la même préposition semble indiquer des rapports tout-à-fait opposés, comme dans, donner à Pierre, ôter à Pierre; s'approcher du feu, s'éloigner du feu.
le 1er emploi des prépositions a été d'indiquer des rapports entre les objets physiques; mais bientôt, par analogie, elles en ont indiqué entre des objets métaphysiques. en effet on dit: du crime au repentir, comme, du sud au nord; on dit: être dans l'ivresse, comme, être dans le lit.
les prépositions ne sont pas seulement des signes de rapport; elles servent aussi à diversifier la signification d'un même mot; comme on le voit par ce tableau, où l'adjonction des prépositions au verbe mettre nous donne les onze mots suivans:
ad-mettre |
per-mettre |
trans-mettre |
quelque fois on réunit deux prépositions pour former de nouveaux mots; c'est ainsi que l'on a fait re-de-venir, re-com-poser etc.
la connoissance des prépositions initiales sert beaucoup à découvrir le véritable sens des mots, et à les classer tous par familles.
De l'adverbe.
l'adverbe fait connoître le degré de la qualité ou le mode de l'action. il équivaut à la préposition réunie à son complément. sagement, par exemple, signifie, avec sagesse, ou plutôt avec un esprit sage; car ment est dérivé du latin mens, qui signifie esprit.
|[106] l'adverbe n'est donc pas, à proprement parler, un élément de plus dans le langage, c'est seulement la réunion de plusieurs mots en un seul: réunion nécessaire pour rendre le style plus vif et plus varié. de plus, on n'emploie pas indifféremment sagement et avec sagesse. on doit dire: cet homme se conduit sagement; mais, dans cette circonstance, il n'a pas agi avec sagesse.
quoique l'adverbe soit toujours une ellipse équivalent à la préposition avec son complément, on n'y apperçoit quelque fois que le nom tout seul, comme dans mal; quelque fois le qualificatif avec le support ment, comme dans obligeamment; quelque fois le nom et le qualificatif réunis, comme dans longtemps; quelque fois on n'y apperçoit ni nom, ni qualificatif, comme dans moins, très, si etc. nous donnerons l'analyse de plusieurs autres adverbes.
de ce que nous avons déjà dit, il suit que tout mot qui peut être rendu par une préposition et son complément est un adverbe, et qu'un mot qui ne peut être remplacé par une préposition et son complément ne peut être rangé dans cette classe.
d'après ce principe, les mots ainsi, afin, encore, aussi, etc. sont des adverbes; il en est de même des prétendus pronoms en et y.
nous avons un très grand nombre d'adverbes; nous en verrons les différentes especes dans Wailly: nous y verrons aussi comment les adverbes de maniere se forment des qualificatifs.
De la conjonction.
les mots déjà trouvés suffisent pour former la proposition, mais s'il s'agit de faire un seul tout de plusieurs propositions, de nouveaux mots sont absolument nécessaires: ces mots sont les conjonctions. quelques conjonctions semblent au 1er coup d'œil ne servir qu'à
|[107] lier un mot à un autre; ce qui arrive surtout quand diverses qualités sont énoncées du même sujet, ou que la même qualité est énoncée de différens sujets. mais un peu d'attention suffit pour faire trouver dans ces sortes de phrases deux propositions bien distinctes.
ainsi toute conjonction suppose deux propositions; elle rappelle ce qu'il seroit trop long de répéter.
presque tous les grammairiens admettent un grand nombre de conjonctions. mais ils rangent dans cette classe beaucoup d'adverbes; tels que, afin, ainsi, enfin, par conséquent, encore, aussi, de plus, au moins, d'ailleurs, pourtant, toutes fois, cependant, surtout, tantôt etc.: ils mettent aussi parmi les conjonctions des locutions conjonctives; telles que, c'est pourquoi, pourvu que, à condition que, parce que, bien que etc. les conjonctions ne servent pas seulement à lier les propositions, elles servent aussi à indiquer les rapports qui se trouvent entre les propositions.
comme ces rapports sont différens, on distingue différentes sortes de conjonctions; on les divise en copulatives, adversative, disjonctives, explicatives, circonstancielles, conditionnelles, causatives, transitives, conclusives et déterminatives.
les copulatives lient les propositions qui ont un rapport de similitude: il y a en français deux conjonctions de cette espece, et et ni: on se sert de la premiere, quand on veut affirmer deux choses, et de la seconde, quand on veut les nier.
les conjonctions adversatives lient les propositions en indiquant qu'elles sont opposées; telles sont les conjonctions, mais et quoique.
les disjonctives ou plutôt les alternatives lient les propositions en indiquant qu'elles sont incompatibles, c'est-à-dire qu'il ne peut y en avoir qu'une de vraie; la conjonction ou est seule de cette espece.
|[108] les conjonctions explicatives lient deux propositions dont l'une explique l'autre; nous n'avons dans ce genre que le mot savoir, qui est plutôt un verbe qu'une conjonction proprement dite.
les circonstancielles lient deux propositions dont l'une énonce une circonstance de l'action exprimée dans l'autre; telles sont, comme et lorsque.
les conditionnelles lient deux propositions dont l'une suppose la vérité de l'autre; telles sont les conjonctions si et sinon.
les causatives lient des propositions dont l'une est la cause ou le motif de l'autre; nous avons deux conjonctions de cette espece, car et puisque.
les conjonctions transitives lient des propositions qui concourent au même but : elles servent à justifier le passage d'une proposition à l'autre; c'est pourquoi on les appelle transitives, telle est la conjonction or.
les conclusives lient deux propositions dont l'une est la conclusion de l'autre; telle est la conjonction donc.
les conjonctions déterminatives lient deux propositions dont l'une détermine le sens vague de l'autre; nous avons six conjonctions de cette espece, qui sont: pourquoi, comment, quand, combien, dont et que. cette derniere est la conjonction par excellence; elle s'emploie souvent sans antécédent exprimé. de là on distingue ordinairement plusieurs sortes de que; mais dans la réalité que est toujours conjonctif.
de tout ce que nous avons dit il suit qu'en français il y a, au plus, vingt conjonctions proprement dites, qui sont: et, ni, mais, quoique, ou, savoir, comme, lorsque, si, sinon, car, puisque, or, donc, que, pourquoi, comment, dont, combien, quand; et que les autres prétendues conjonctions sont des adverbes ou des locutions conjonctives.
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De l'interjection.
l'interjection exprime les élans de l'ame: c'est une sorte de cri involontaire.
on peut donc distinguer des expressions de deux especes différentes: les unes sont les signes naturels des sentimens; les autres sont les signes artificiels des idées: celles-là constituent le langage du cœur; celles-ci forment le langage de l'esprit.
les interjections sont en petit nombre dans toutes les langues, et ne doivent paroître que rarement dans le discours; elles sont presque toutes des monosyllabes où le h aspiré joue un grand rôle. quoique peu variées par le son, elles se multiplient beaucoup par le ton qu'on leur donne. suggérées par la nature, elles sont de tous les temps et de tous les lieux: elles forment un langage universel qui ne demande aucune étude.
quelques auteurs ont donné aux interjections le nom de particules; mais ce mot ne présente ici aucune idée distincte: aussi a-t-il été pris dans diverses acceptions. il paroît qu'on ne l'a inventé que pour se dispenser de donner des définitions claires et exactes.
les mots explétifs ont beaucoup de rapport avec les interjections: comme ces dernieres, ils n'entrent pour rien dans la construction de la proposition, et sont tout-à-fait relatifs au sentiment, dont la durée est plus longue que celle de la perception. exemples: il lui appartient bien, à lui, de parler; c'est une affaire où il y va du salut de l'état; je crains qu'il ne vienne. à lui, y et ne sont dans ces phrases des mots explétifs.
les langues se sont formées peu à peu, et comme par une espece d'instinct; ainsi quand certaines façons de parler sont autorisées par l'usage |[110] parmi les hommes qui savent leur langue, nous devons les admettre, quoiqu'elles ne nous paroissent pas régulières.
Des diverses formes dont les mots sont susceptibles.
nous n'avons considéré jusqu'ici les élémens du discours qu'en eux-mêmes; nous devons actuellement les rapprocher les uns des autres et chercher les différentes formes qu'ils prennent, afin de pouvoir s'unir entr'eux.
si les mots n'avoient qu'une seule fonction à remplir dans le discours, ils n'auroient jamais besoin d'aucune modification: ils seroient tous indéclinables. mais si quelqu'un d'eux est chargé de diverses fonctions, il faut bien qu'il prenne différentes formes.
un coup d'œil sur les définitions des parties du discours suffira pour distinguer celles qui sont susceptibles de changemens de celles qui ne le sont pas.
l'adverbe qui se borne à désigner le degré de la qualité ou le mode de l'action; la préposition qui indique un simple rapport entre deux mots; la conjonction qu'on n'emploie que pour lier deux propositions, et l'interjection qui n'est qu'un cri indiquant un sentiment de l'ame, doivent être invariables dans leurs formes.
il n'en est pas de même des autres parties du discours: obligées de jouer différens rôles, elles ne peuvent y parvenir qu'en prenant différentes formes.
le nom commun s'applique aux objets de la même espece, mais ces objets peuvent être pris un à un ou plusieurs ensemble: il faudra donc que le nom varie, suivant qu'il indique un ou plusieurs individus.
le personnificatif, étant dans le même cas, éprouvera les mêmes |[111] modifications; il devra en être de même des mots qui leur sont tous assujétis, tels que le déterminatif et le qualificatif. Les noms varieront encore avec le genre des objets qu'ils désignent.
les personnificatifs varieront aussi, suivant le genre des personnes, et suivant qu'ils seront sujet ou objet d'action.
le verbe, désignant le temps de nos actions, temps qui se divise et se subdivise en plusieurs parties, sera obligé, pour peindre ces variétés, de revêtir une multitude de formes diverses.
la déclinaison et la conjugaison renfermeront donc un grand nombre de modifications différentes, qui toutes auront été inventées pour peindre les nuances de nos idées.
la premiere de ces modifications est celle que prend un nom pour désigner le genre de l'objet.
la seconde est celle que reçoit un mot relativement au nombre d'individus qu'il désigne.
les modifications que reçoivent les personnificatifs, suivant qu'ils sont sujet ou objet d'action, forment une 3eme classe que l'on nomme cas.
les deux premieres de ces modifications appartiennent à toutes les especes de mots invariables; la 3eme n'appartient dans la langue française qu'au personnificatif.
ces trois especes de modifications, genres, nombres, cas, constituent ce qu'on appelle déclinaison.
les mots qui se conjuguent reçoivent, comme les précédens, la modification des nombres, parce qu'ils s'associent aux personnificatifs; mais ils ont leurs modifications propres, qu'on appelle modes, temps, personnes.
ainsi c'est à la déclinaison et à la conjugaison que se rapporte tout ce que nous avons à dire dans cette seconde section.
|[112]
De la déclinaison.
comme nous avons déjà parlé des nombres et des genres, en traitant du nom, il nous reste peu de choses à dire sur ces deux articles.
les nombres sont les différentes terminaisons qu'éprouve un mot, selon qu'il désigne un ou plusieurs individus.
les genres sont les différentes modifications que les noms reçoivent, suivant qu'ils désignent des êtres masculins ou féminins.
les cas sont les changemens que les noms éprouvent indépendamment du genre et du nombre: ils servent à indiquer les rapports mutuels des noms. ces changemens se trouvent à la chûte des mots; de là on les appelle cas de casus, qui signifie chûte. dire toutes ces terminaisons dans un certain ordre s'appelle décliner; parce qu'on descend, on décline de la premiere à la derniere.
les latins avoient:
1° un cas actif, pour exprimer le sujet agissant; c'étoit le nominatif.
2° un [cas] passif, pour exprimer l'objet recevant; c'étoit l'accusatif.
3° un cas déterminatif, pour restreindre l'étendue du mot; c'étoit le génitif.
4° un cas interjectif, pour adresser la parole à quelqu'un; c'étoit le vocatif.
5° un cas terminatif, pour indiquer le terme de l'action; c'étoit le datif.
6° un cas extractif, pour indiquer la chose dont on en tire une autre; c'étoit l'ablatif.
les cas que nous venons d'indiquer ou leurs équivalents doivent se trouver dans toutes les langues; car ils sont nécessaires pour exprimer les différentes vues de l'esprit.
la langue française, qui n'a pas de cas pour les noms, y supplée par les prépositions et par les déterminatifs, comme on le voit dans le tableau suivant.
|[113]
déclinaison d'un substantif.
singulier |
pluriel |
nominatif, magister |
le maître |
magistri |
les maîtres |
on voit que le déterminatif sans préposition indique le nominatif et l'accusatif; c'est par le sens et la construction qu'on juge si le substantif est sujet ou objet d'action. la préposition de, ou seule ou réunie au déterminatif et formant la contraction du, indique le génitif des latins. la préposition à, ou seule ou réunie au déterminatif et formant la contraction au, indique le datif. l'interjection ô indique le vocatif. enfin de ou par indique l'ablatif.
De la conjugaison.
conjuguer vient du latin conjugare, qui signifie mettre sous le même joug. en effet conjuguer, c'est assujétir les terminaisons d'un verbe au joug auquel sont assujéties celles d'un autre verbe.
dans toutes les langues il y a des verbes qui se conjuguent de la même maniere, tandis que d'autres se conjuguent d'une autre façon; de là les différentes classes, appellées conjugaisons.
en français on en distingue ordinairement quatre: la premiere comprend les verbes dont l'infinitif se termine en er; la 2de, ceux terminés en ir; la 3eme, ceux dont la terminaison est en oir, et la 4eme, ceux qui se terminent en re.
|[114] la 2de conjugaison comprend quatre divisions différentes représentées par ces 4 verbes: finir, sentir, ouvrir, tenir; la 4eme comprend cinq divisions représentées par ces cinq verbes: plaire, paroître, réduire, plaindre, rendre.
les différentes divisions sont distinguées particulierement par la différence des temps primitifs, qui sont: le présent de l'infinitif, le participe présent, le participe passé, le présent de l'indicatif et le parfait défini; comme dans, aimer, aimant, aimé, j'aime, j'aimai.
un verbe est réputé régulier, lorsque dans tous ses temps il prend toutes les formes d'un des modèles de conjugaisons; il est irrégulier, lorsque dans quelque temps il prend des formes différentes de celles de la conjugaison à laquelle il paroît appartenir.
le verbe défectif est celui qui manque de quelque mode ou de quelque temps,
il est à remarquer qu'en général les composés se conjuguent de la même maniere que les verbes simples, dont ils sont, en partie, formés.
la conjugaison, qui est la réunion de toutes les terminaisons d'un verbe, ne peut manquer de présenter les idées de nombres, de personnes, de temps et de modes.
nous avons déjà parlé des nombres et des personnes; nous ajouterons seulement que l'on entend ici par nombres et par personnes les différentes terminaisons que les verbes prennent à raison du nombre et de la diversité des acteurs.
Des temps.
dans cette suite d'instans dont le temps se compose, on distingue particulierement l'instant où nous parlons; c'est en effet celui qui sert de dernier terme de comparaison.
|[115] un espace de temps déterminé s'appelle période; un moment déterminé s'appelle époque.
les temps dans le verbe sont les différentes formes qu'on lui fait prendre pour ajouter à sa signification principale l'idée accessoire d'un rapport au passé, au présent ou à l'avenir. ces temps ont été inventés pour peindre l'ordre dans lequel les évenemens se succedent.
Beauzée, dont nous avons développé le systeme dans la seconde partie de ce cours, apperçoit dans les verbes français, seulement pour le mode appellé indicatif, vingt temps différens, qu'il classe ainsi qu'il suit: /j'ai un peu simplifié la nomenclature./
présent |
je chante |
Des modes.
les modes indiquent les différens aspects sous lesquels on peut présenter la signification principale d'un verbe.
les modes sont au nombre de sept: l'affirmatif, l'interrogatif, le suppositif, l'impératif, le complétif, l'indéfini et le participe.
l'affirmatif annonce directement et purement que la qualité convient au sujet.
ce mode exclut toute idée qui n'est pas comprise dans la signification essentielle du verbe. de là vient que l'affirmatif admet tous les temps autorisés par l'usage d'une langue, et qu'il est ordinairement le seul qui les admette tous.
nous avons déjà indiqué les vingt temps de l'affirmatif.
le mode interrogatif ajoute à la signification principale du verbe l'idée accessoire d'une interrogation.
les temps de ce mode sont les mêmes que ceux de l'affirmatif, à cette différence près que, dans l'interrogatif, les personnificatifs, au lieu d'être devant le verbe, sont après.
|[117] le suppositif ajoute à la signification principale du verbe l'idée accessoire d'une supposition: il affirme aussi, mais conditionnellement.
ce mode, comme les précédens, sert à former la proposition primordiale: il a six temps:
présent |
je chanterois |
l'impératif ajoute à la signification principale du verbe l'idée accessoire d'ordre ou de désir, comme dans, lisez.
ce mode n'a point de premiere personne, parce qu'on ne se commande pas à soi-même; ou si on le fait, on se divise en deux personnages et c'est le second qui reçoit l'ordre.
l'impératif n'a qu'une personne au singulier et deux au pluriel; il n'a aussi que deux temps:
futur présent postérieur passé postérieur |
chante aye chanté |
le complétif ajoute à la signification principale du verbe l'idée accessoire de dépendance d'une autre signification déjà exprimée.
les temps de ce mode ne peuvent former que des propositions complétives: ils doivent toujours se rapporter à un autre verbe qu'ils déterminent et auquel ils servent de complément; d'où il résulte |[118] qu'ils sont toujours précédés d'une conjonction exprimée ou sous entendue.
nous avons au complétif les mêmes classes générales de temps qu'à l'affirmatif, et les classes temps de chaque classe se forment de la même maniere que ceux qui leur correspondent dans l'affirmatif et dans les autres modes.
temps du complétif.
présent |
que je chante |
l'indéfini présente la signification du verbe indépendamment de tout sujet et de toute idée accessoire, en un mot d'une maniere indéfinie.
ce mode differe entierement des précédens: il ne se lie point, comme eux, aux personnificatifs; il s'accompagne comme les noms de déterminatifs: il sert, comme eux, de sujet, d'objet, |[119] de terme, etc.; il reçoit des cas dans les langues où les noms se déclinent; de sorte qu'il a tous les caracteres du nom.
d'un autre côté, il peint des actions et des états comme les verbes; comme eux, il a différens temps: de sorte qu'il participe aussi à la nature du verbe; c'est de là que Beauzée l'appelle le nom-verbe.
temps de l'indéfini.
présent |
chanter |
on peut rapporter à ce mode le gérondif, comme en lisant, et le supin comme lu. lisant est employé ici comme nom, puisqu'il sert de complément à la proposition: c'est le nom abstrait du participe lisant. lu est aussi employé comme nom; c'est le nom abstrait d'ayant lu.
le participe présente la signification du verbe comme une qualité communicable à plusieurs êtres. comme ce mode tient du verbe et du qualificatif, on l'appelle participe: il tient du verbe, parce que, comme lui, il marque l'existence et a différens temps; il tient du qualificatif, parce que, comme lui, il qualifie un sujet par l'idée d'un évenement, et il prend quelque fois les terminaisons relatives au genre et au nombre.
temps du participe.
présent |
chantant |
comme il seroit trop long d'écrire tous les détails des conjugaisons, comme nous les étudierons dans Wailly; mais n'adoptant pas le systeme des temps de cet auteur, nous ferons, et par écrit et de vive voix, l'application de celui de Beauzée à un grand nombre de verbes. (les éleves y ont réussi en peu de temps.) /nous leur avons donné les tableaux des terminaisons communes à tous les verbes, et de celles qui sont particulieres à chaque conjugaison. cette méthode diminue beaucoup le travail./
De la syntaxe.
jusqu'ici nous n'avons parlé que des élémens du discours et des différentes formes dont ils sont susceptibles; il s'agit maintenant de les lier, de les employer de maniere à former les différens tableaux de la pensée.
les mots sont nos couleurs, il faut les modifier et les placer de façon que l'on en apperçoive les différens rapports, que l'on distingue facilement ce qui est principal, ce qui n'est que subordonné, et que le tableau produise le plus grand effet, par une belle distribution de toutes ses parties.
on a donc deux choses à considérer, quand on veut peindre ses idées: 1° la forme qu'exige chaque mot pour se lier avec ses voisins, suivant le rôle qu'il remplit dans ce tableau; 2° la place qu'il doit occuper d'après le rôle dont il est chargé: deux objets bien distincts, dont l'un regarde la syntaxe proprement dite, et l'autre, la construction. ces deux termes ont à-peu-près la même étymologie. syntaxe est composée de deux mots grecs, sun, avec, et taxis, arrangement. construction a aussi à-peu-près le même sens. de là la plupart des grammairiens ne distinguent pas ces deux parties, dont cependant les attributions sont bien différentes.
la syntaxe habille les personnages qui figurent dans le discours; |[121] elle les rend tels qu'ils doivent être pour remplir leur rôle: la construction leur assigne d'après cela la place qui leur convient le plus.
De la syntaxe proprement dite.
quoique la pensée soit indivisible, on parvient cependant à l'analyser en quelque sorte, en considérant séparément les idées différentes qui la composent et les rapports qu'elles ont entr'elles.
c'est cette analyse de la pensée qui est le modèle que la parole est chargée de peindre; ce qu'elle ne peut exécuter que par les différentes formes et l'heureux assortiment des mots.
avant de développer les regles de la syntaxe, il est essentiel de donner quelques notions sur la proposition, qui en est l'objet essentiel.
la proposition est l'expression d'un jugement.
le jugement en lui-même est simple, il consiste dans la perception d'un rapport entre le sujet et la qualité; mais pour l'exprimer, il faut diviser, décomposer. d'où il suit que toutes les langues sont nécessairement analytiques, c'est-à-dire qu'elles rendent successif ce qui est simultané dans l'esprit.
dans toute proposition, il faut bien distinguer trois choses: le sujet, la liaison et la qualité.
le sujet est l'être dont on affirme ou l'on nie quelque chose; la qualité est ce qu'on affirme ou ce qu'on nie.
la liaison est le verbe être qui lie la qualité au sujet.
c'est à ces trois parties que l'on peut réduire, par l'analyse, les phrases les plus longues.
entre ces trois parties essentielles, la proposition a souvent une quatrieme partie, purement intégrante, que l'on nomme complément.
par complément on entend un ou plusieurs mots qui servent à déterminer, à compléter le sens d'une des parties de la proposition ou même |[122] d'un complément incomplet.
on distingue deux sortes de complémens: l'un, nécessaire au sens grammatical, et se liant à une idée d'une maniere indivisible; c'est le complément prochain: l'autre, nécessaire seulement au sens logique, et pouvant se détacher de la proposition, sans nuire au sens grammatical, c'est le complément éloigné. exemple: nous déjouerons, avant six mois, les projets de nos ennemis. les projets, complément prochain de nous déjouerons; avant six mois, complément éloigné.
ces deux complémens se subdivisent en direct et indirect.
le complément est direct, quand, pour se lier à un mot, il n'a besoin d'aucun mot intermédiaire exprimé ou sous entendu; il est indirect, quand il ne se lie que par le moyen d'un intermédiaire, tel que à, de, par etc.
au lieu de quatre parties, Girard en comptoit jusqu'à sept dans la proposition: le subjectif, l'objectif, le terminatif, l'attributif, le circonstanciel, le conjonctif et l'adjonctif.
il trouvoit ces sept parties dans chacun des membres de la période suivante: « monsieur, quoique le mérite ait ordinairement un avantage solide sur la fortune, cependant, chose étrange! nous donnons toujours la préférence à celle-ci. »
à parler strictement, ces sept parties peuvent se réduire aux quatre que nous avons déjà citées.
on peut considérer une phrase, ou logi[que]ment ou grammaticalement. si on la considère logiquement, elle ne renferme jamais que deux parties, le sujet et l'attribut, de quelque nombre de mots et de propositions qu'elle soit composée. si on la considère grammaticalement, il y a trois et souvent quatre parties dans la proposition, et autant de propositions dans la phrase qu'il y a de fois le verbe être exprimé, voilé ou sous entendu. exemple: Alexandre, qui étoit roi de macédoine, vainquit Darius. si on examine cette phrase grammaticalement, on y trouve deux propositions: |[123] Alexandre vainquit Darius, 1ere proposition; qui étoit roi de macédoine, 2eme proposition. mais logiquement, les mots: Alexandre qui étoit roi de macédoine, ne présentent qu'un sens total, équivalent à: Alexandre roi de macédoine; ce sens total est le sujet de la phrase entiere.
de là on distingue deux manieres d'analyser une phrase: l'une grammaticale l'autre logique.
dans l'analyse grammaticale on examine chaque mot en particulier, on en indique l'espece: on ne le considère que relativement aux mots dont il est accompagné. dans l'analyse logique, au contraire, on considère moins les mots que les idées: on ne cherche que deux choses, le sujet et l'attribut. nous donnerons, de vive voix, des exemples de l'une et de l'autre analyse. vous ne sauriez assez vous appliquer à ce genre d'étude; c'est le meilleur moyen pour apprendre une langue, en peu de temps et avec agrément.
comme on confond souvent les mots, proposition, phrase, période, il faut tacher de les bien distinguer.
la proposition est l'énoncé d'un seul jugement, sans qu'il résulte nécessairement un sens complet.
la phrase est l'énoncé d'un ou de plusieurs jugemens, dont il résulte nécessairement un sens complet.
dans une phrase, il peut y avoir plusieurs propositions, il ne peut y avoir plusieurs phrases.
la période renferme aussi un sens total; mais, 1° la phrase appartient à la grammaire et la période, à l'art oratoire; 2° la phrase exprime un sens fini par la réunion de ses parties intégrantes. quand on dit: on recherche trop avidement des biens qui ne méritent pas d'être recherchés, c'est une phrase, parce que la 2de proposition est partie intégrante de la 1ere; mais quand un de nos orateurs a dit: « si Turenne n'avoit su que combattre et vaincre, s'il ne s'étoit élevé au dessus des vertus humaines, |[124] si sa valeur et sa prudence n'avoient été animées d'un esprit de foi et de charité; je le mettrois au rang des Fabius et des Scipions. » c'est une période; les propositions y sont séparées par des conjonctions, elles ne sont point parties intégrantes, l'une de l'autre: ce sont des membres de période.
Des différentes especes de propositions.
on peut considérer la proposition, ou par rapport à son objet, ou par rapport à sa forme, ou par rapport à une autre proposition.
par rapport à son objet, la proposition est active, passive ou énonciative.
elle est active, quand elle annonce une action faite par le sujet, comme, le soleil éclaire la terre; elle est passive, quand elle exprime une impression faite sur le sujet, comme, le méchant sera puni; elle est énonciative, quand elle exprime une qualité inhérente au sujet, sans nulle action faite ou reçue, comme, la terre est ronde.
par rapport à sa forme, la proposition est simple ou composée, incomplexe ou complexe, pleine ou elliptique.
la proposition simple est celle dont le sujet et l'attribut sont simples.
le sujet est simple, quand il ne présente à l'esprit qu'une idée déterminée, comme, les français sont braves; la gloire qui vient de la vertu est durable.
l'attribut est simple, quand il n'exprime qu'une seule maniere d'être, soit qu'il le fasse en un seul mot, comme dans les exemples précédens; soit qu'il le fasse en plusieurs mots, comme dans l'exemple suivant: l'avare recherche des biens dont il ne sait pas jouir.
la proposition composée est celle dont le sujet ou l'attribut ou même tous les deux sont composés.
le sujet est composé quand il présente plusieurs idées déterminées, comme dans l'exemple suivant: la bravoure et la prudence sont nécessaires.
l'attribut est composé quand il exprime plusieurs manieres |[125] d'être du sujet, comme, Dieu est juste et miséricordieux.
la proposition incomplexe est celle dont le sujet et l'attribut sont incomplexes.
le sujet est incomplexe, quand il est exprimé seulement par un substantif, un personnificatif ou un temps de l'indéfini: ce sont les seules especes de mots qui puissent représenter un sujet déterminé.
l'attribut est incomplexe, quand la maniere d'être du sujet est exprimée par un seul mot. cette maniere d'être est quelque fois liée au verbe qui énonce l'existence, comme dans cet exemple: Dieu jugera.
la proposition complexe est celle dont le sujet ou l'attribut ou même tous les deux sont complexes.
le sujet est complexe, quand il est accompagné de quelque modification qui sert à l'expliquer ou à le déterminer. exemple: les principes de la morale méritent d'être médités.
l'attribut est complexe, quand le mot principal destiné à énoncer la maniere d'être du sujet est accompagné d'autres mots, qui en modifient la signification, comme quand on dit: je lis avec attention.
remarque. le sujet grammatical d'une proposition est toujours simple. ex: la foi, l'espérance, la charité sont trois vertus [?thrès] loyales. cet exemple cité par Dumarsais doit s'analyser ainsi: ces trois choses, la foi etc., sont trois etc.
ce ne sont pas les substantifs singuliers qui commandent au verbe l'inflexion plurielle, mais ces trois choses que l'esprit supplée. si les trois substantifs étoient le sujet de la proposition, il n'y auroit pas de virgule entre le dernier et l'attribut, car le sujet et l'attribut doivent naturellement être liés.
le sujet grammatical d'une proposition est aussi toujours incomplexe. |[126] ex: Alexandre, roi de macédoine, vainquit Darius, Alexandre seul est le sujet dans cet autre exemple: différer de profiter de l'occasion, c'est souvent la laisser échapper sans retour, ce ou ceci est le sujet grammatical; c'est comme s'il y avoit: ceci, différer de etc. est souvent etc.
la proposition pleine est celle dont toutes les parties sont formellement exprimées.
l'elliptique est celle où quelqu'une des parties de la proposition est omise. on la distingue de la proposition implicite: celle-ci consiste dans un mot ou souvent dans un cri qui ne peut être une des parties de la proposition; telles sont les conjonctions et les interjections. l'elliptique, au contraire, offre toujours dans le mot ou les mots qui l'expriment une ou deux parties de la proposition; telle est la seconde des deux propositions suivantes: les premiers respects sont dûs à Dieu, les seconds, aux parents.
quand une proposition est implicite, c'est-à-dire qu'elle n'offre ni sujet ni qualité, l'analyste doit la traduire, pour mieux démêler le sens qu'elle recèle quand elle est elliptique, il doit suppléer ce qui manque, pour mieux faire sentir la marche grammaticale.
les propositions, considérées sous le rapport qu'elles ont entr'elles, se divisent ordinairement en principales, subordonnées et incidentes; ces dernieres se subdivisent en déterminatives et en explicatives. mais il nous paroît plus exact de diviser les propositions, considérées sous le rapport qu'elles ont entr'elles, en primordiales et en complétives.
la proposition primordiale est celle par laquelle commence l'analyse de la phrase, c'est celle qui est complétée par une ou par plusieurs propositions.
la proposition complétive est celle qui complète un sens déjà commencé. elle est complétive prochaine, quand elle est nécessaire au sens grammatical; elle est complétive éloignée, quand elle n'est |[127] nécessaire qu'au sens logique.
exemples.
on sait que la vertu triomphe, à la fin, de l'envie.
on sait que, on est sachant ceci, proposition primordiale; la vertu est triomphant, à la fin, de l'envie, proposition complétive prochaine: complétive, parce qu'elle achève un sens commencé; prochaine, parce qu'on ne peut pas s'arrêter à on sait que.
les talens, qui sont des dons de la nature, ne valent pas les qualités du cœur. ôtez qui sont des dons de la nature, il restera: les talens ne valent pas les qualités du cœur; ce qui forme une phrase grammaticalement régulière. cette proposition, qui sont des dons de la nature, n'est donc qu'une proposition complétive éloignée.
remarque. quelque fois deux propositions sont comme sur la même ligne, l'une ne dépend pas de l'autre; alors on les appelle paralleles. ex: vous vivez sans [?alarmes], vous vivez sans soucis. d'après les préliminaires sur les propositions, il sera plus facile de comprendre les regles de la syntaxe, qui toutes se rapportent à deux classes générales, concordance et dépendance, ou identité et détermination.
la concordance réunit tous les mots qui concourent à exprimer un seul et même objet; la dépendance unit à l'objet principal les mots qui indiquent les rapports des autres objets avec le premier.
tous les mots qui expriment les qualités d'un seul objet prennent sa livrée; c'est concordance ou identité. ceux qui expriment les rapports des autres choses avec l'objet principal prennent les formes nécessaires pour faire voir qu'ils ne sont là qu'en second; c'est dépendance ou détermination.
|[128]
De la concordance.
dans toutes les propositions, il y a des mots si essentiels que sans eux, ou même si l'un deux manquoit, il ne pourroit y avoir de jugement énoncé; tels sont le sujet, le verbe et la qualité. ces trois parties sont si étroitement liées qu'elles ne forment qu'un tout, au point que nous les exprimons quelque fois par un seul mot, comme lisez.
il doit donc y avoir concordance entre les mots essentiels: ils ne peuvent être liés sans s'imposer mutuellement des lois.
le déterminatif, le nom, le verbe et le qualificatif ne présentent aussi qu'un même objet, comme dans cet exemple: le livre est beau. il doit donc aussi y avoir concordance entre les quatre mots; mais quel accord peut-il y avoir entre des mots aussi disparates?
le 1er rapport de la concordance est celui du nombre. quand le nom est au pluriel, les trois autres mots ne peuvent [être] au singulier.
il y a entre le déterminatif, le nom, le personnificatif et le qualificatif un nouveau rapport de la concordance, c'est celui du genre.
de là résultent deux sortes de concordances: l'une du verbe avec le sujet, l'autre du qualificatif avec le nom.
Concordance du verbe avec le sujet.
1° tout verbe mis à un mode personnel doit s'accorder avec le sujet en nombre et en personne.
2° si un même verbe a plusieurs sujets de la même personne, le verbe s'accorde encore en personne avec tous ces sujets; mais il se met au pluriel, parce que plusieurs singuliers valent un pluriel, et que si le verbe se mettoit au singulier, il ne s'accorderoit qu'avec un des sujets.
cependant, quand les deux noms ne sont pas liés par une conjonction, et que surtout ils sont presque synonymes, on met le verbe au singulier; parce que ces deux noms semblent ne présenter qu'un même objet: la douceur, la bonté du grand Henri a été célébrée de |[129] mille louanges.
3° si un même verbe a plusieurs sujets de différentes personnes, il se met encore au pluriel, et s'accorde avec le sujet de la plus noble personne.
la 1ere personne est plus noble que les deux autres; la 2de est plus noble que la 3eme.
mais cet ordre de personnes n'influe en rien sur l'arrangement des sujets dans la phrase: la politesse française veut que l'on nomme d'abord celui à qui on adresse la parole, et qu'on se nomme le dernier; ainsi on doit dire: vous, votre frere et moi partirons pour paris.
après les différens sujets, on ajoute, assez souvent, le personnificatif qui indique à quelle personne il faut mettre le verbe, et l'on dit: vous, votre frere et moi, nous partirons. cette addition n'a pas lieu, quand le verbe est à l'impératif ou à l'interrogatif, ni quand il y a une exclamation.
qui n'a point de personne par lui-même, il adopte celle du substantif auquel il se rapporte. il est de la 1ere personne dans moi qui parle, de la 2de dans vous qui parlez, de la 3eme dans lui qui parle. c'est une faute de dire: vous ne parlez pas en hommes qui entendez la langue. qui se rapporte au mot hommes qui est de la 3eme personne.
après l'un et l'autre le dictionnaire de l'accadémie met indifféremment le verbe au singulier ou au pluriel; mais le pluriel paroît plus conforme aux regles, puisqu'il y a deux sujets bien distincts.
il en est de même après ni l'un ni l'autre, quand il s'agit d'une qualité qui peut convenir à la fois aux deux; on dit: ni l'un ni l'autre ne sont bons. mais s'il s'agit d'une qualité qui ne peut convenir qu'à l'un des deux, la plupart des grammairiens veulent le singulier: ni l'un ni l'autre n'est le préfet; nous pensons avec Domergue |[130] qu'il vaut mieux dire: aucun des deux n'est le roi.
quand deux substantifs singuliers sont liés par la conjonction ou le verbe se met au singulier: la crainte ou l'impuissance l'empêcha de remuer.
on met cependant le pluriel, dit Vaugelas, quand ou est employé plus de deux fois: ou la honte ou l'occasion ou l'exemple les détromperont.
on met aussi le pluriel, quand les sujets sont de différentes personnes: ou vous ou moi irons à paris; je crois qu'il est plus exact de dire d'une maniere indéterminée: un de nous deux ira à paris.
quand plusieurs sujets se trouvent liés par d'autres conjonctions, telles que, comme, ainsi que etc., c'est le premier qui commande le nombre du verbe. exemple:
Mars, comme tous les dieux adorés dans la grèce,
servoit d'exemple au crime.
lorsque le sujet logique d'une proposition est composé de plusieurs verbes à l'infinitif, il faut employer de plus un sujet grammatical, avec lequel le verbe doit s'accorder: manger, boire et dormir, c'est leur unique affaire.
quand, après plusieurs substantifs pluriels, on ajoute le mot tout, le verbe se met au singulier: biens, dignités, honneurs, tout disparoît à la mort.
le mot rien produit le même effet: jeux, conversations, spectacles, rien ne peut la distraire.
quand plusieurs substantifs sont séparés d'un substantif singulier par la conjonction mais, le verbe se met aussi au singulier: non seulement tous ses honneurs et toutes ses richesses, mais toute sa vertu s'évanouit; le mot mais fait sous entendre s'évanouirent après richesses: si au lieu de mais on mettoit et, alors il faudroit le pluriel.
|[131] le verbe être précédé du mot ce se met toujours au singulier, quand il est suivi d'un complément indirect ou d'un personnificatif de la 1ere ou de la 2de personne, même du pluriel: c'est aux français à donner l'exemple de la modération. c'est nous qui avons enlevé le drapeau.
mais si ce et être sont suivis d'un substantif pluriel sans préposition ou des personnificatifs eux, elles, le verbe se met au pluriel: ce sont les français qui ont attaqué; ce sont eux qui ont vaincu.
je crois cependant que l'on peut mettre le verbe être au singulier, quoique suivi d'un nom pluriel, quand il est au présent, et que le nom est suivi de que qui lie le mot ce au verbe principal. on ne blamera pas ce vers de Racine:
ce n'est pas les troyens, c'est Hector qu'on poursuit
parce que la construction se fait tout naturellement: ce qu'on poursuit n'est pas les troyens, c'est Hector.
si cependant le que ne servoit qu'à déterminer le nom, alors le verbe se mettroit au pluriel: ce sont les lois que nous reclamons qui contiendront les malveillans. ici ce s'explique par celles: les lois que nous reclamons sont celles qui etc.
quant à Buffon, il n'a pu dire: ce qu'il y a de plus désagréable sont les soins qu'on est obligé d'apporter; il falloit: ce sont les soins, ou c'est les soins.
dans une interrogation le verbe être précédant ce et suivi des personnificatifs eux, elles, et du conjonctif que se met toujours au singulier: c'est elles que je vois.
mais si ces personnificatifs sont suivis de qui, le verbe être se met au singulier, s'il est au présent, et au pluriel, s'il est au présent antérieur. est-ce eux qui ont enlevé la [?redoute]? étoient-ce eux qui commandoient?
|[132] sont-ce eux seroit un son trop dur à l'oreille, et on a préféré dire: est-ce eux qui etc.
en pareille circonstance, l'usage ne permet guère de mettre ce après le verbe être à d'autres temps.
ce même verbe précédé de ce et de l'adverbe en se met toujours au singulier.
à ces questions est-ce des hommes que je vois? sont-ce des hommes que je vois? vous répondrez également: c'en est. on ne peut jamais dire c'en sont; ce qui seroit aussi dur à l'oreille que sont-ce eux.
quand les collectifs partitifs et les adverbes de quantité sont suivis d'un nom au pluriel, le verbe s'accorde en nombre avec le nom.
exemples.
une troupe de montagnards écraserent la maison de bourgogne. il n'est sorte de soins qui ne lui soient rendus par le peu d'amis qui ne l'ont pas abandonné.
la moitié des arbres que j'avois plantés sont morts.
une vingtaine de soldats se sont noyés.
quoique le collectif général soit suivi d'un substantif pluriel, le verbe se met au singulier: l'armée des infideles fut entierement détruite.
la raison de cette différence entre les deux collectifs est que le partitif et le nom qui le suit ne font qu'une expression, et que l'attention se porte particulierement sur le nom; au lieu que le collectif général présente une idée par lui-même et attire l'attention.
de plus le partitif présente à l'esprit plusieurs individus, tandis que le collectif général ne présente qu'une sorte d'unité.
|[133] quand le collectif partitif est suivi d'un nom au singulier, le verbe se met aussi au singulier. exemples:
la plupart du monde s'endort sur ses vrais intérêts.
voilà une partie de votre temps fort mal employé.
jamais tant de beauté fut-elle couronnée?
enfin, après vous mis pour tu, le verbe se met au pluriel, et le qualificatif reste au singulier.
Concordance du qualificatif avec le sujet.
1° tout qualificatif doit se mettre au même nombre et au même genre que le substantif auquel il se rapporte, afin qu'ils ne fassent qu'un, comme la qualité et l'objet ne font qu'un.
2° quand un substantif est précédé d'un collectif partitif, le qualificatif s'accorde avec le substantif; en effet, comme nous l'avons déjà dit, c'est sur le substantif que se porte particulierement l'attention: le collectif n'est là que pour indiquer, à-peu-près, le nombre des individus; de sorte que la concordance est plutôt dans les idées que dans les mots.
3° si le qualificatif se rapporte à plusieurs substantifs du même genre, il se met ordinairement au pluriel, et toujours au même genre que les substantifs. je dis ordinairement, parce que, comme nous l'avons déjà vu, quelque fois les deux substantifs ne présentent qu'une même idée, qu'un même objet; et alors il est naturel de mettre le qualificatif au singulier.
quand le qualificatif se rapporte à des substantifs de différens genres, il se met au genre masculin, comme le plus noble, à raison de la supériorité de l'homme sur la femme.
cependant, quand le qualificatif est placé immédiatement après deux substantifs de choses inanimées, il s'accorde seulement avec le dernier: |[134] cet acteur joue avec un goût et une noblesse charmante: on sous entend charmant après goût.
il y a de la difficulté et même de la bizarrerie dans l'accord des qualificatifs avec certains substantifs. le mot gens, par exemple, demande que le qualificatif soit féminin, s'il est devant, et masculin, s'il est après: les vie[i]lles gens sont soupçonneux.
cependant on dit tous les gens; on dit aussi tous les honnêtes gens, parce que la terminaison d'honnête est la même pour le masculin et pour le féminin.
si après gens il se trouve un personnificatif ou un participe qui s'y rapporte, on le met au masculin: l'homme sage ne se familiarise jamais avec les petites gens, parce qu'ils en abusent. ce sont les plus sottes gens que j'aie jamais vus.
quelque chose demande après lui le masculin: on dit de vous quelque chose de fâcheux, et qui n'est pas fait pour vous honorer.
ce seroit autrement, si à la place de quelque, c'étoit une: on m'a dit de vous une chose fâcheuse et qui n'est pas faite pour vous honorer.
c'est l'indétermination et le vague de quelque et la précision de une qui font ici la différence.
il en est à-peu-près de même du mot personne; s'il est précédé d'un déterminatif, il est féminin; s'il est sans déterminatif, il est masculin: aucune personne n'est assez méchante pour vous imputer cette faute. personne n'est assez méchant pour etc.
quoique l'on dise, en parlant d'un homme: je ne connois personne aussi heureux que lui; on ne dit pas en parlant d'une femme: je ne connois personne si heureuse qu'elle: il faut dire: je ne connois point de personne si heureuse qu'elle, ou je ne connois personne qui ait autant de bonheur qu'elle.
cependant, comme un homme dit: il n'y a personne qui soit plus |[135] votre serviteur que moi, l'usage veut qu'une femme puisse dire: il n'y a personne qui soit plus votre servante que moi.
on peut aussi avoir du doute sur la forme suivante: cette femme a l'air bon ou a l'air bonne.
c'est de l'air de cette femme, de ses manieres qu'il s'agit. c'est son air que l'on dit bon; c'est donc avec ce nom que doit s'accorder le qualificatif.
il n'en est pas de même, quand le sujet est un nom de chose; il faut dire: cette poire a l'air bonne. c'est ici qu'il s'agit d'une bonté physique, qui ne peut être dans l'air de la poire; au lieu qu'il peut y avoir de la bonté, même dans les manieres, dans l'air de la femme.
on et quiconque demandent le masculin, à moins que l'on ne parle évidemment des femmes: quand on est jolie, on n'est pas la derniere à le savoir. quiconque travaille à l'aiguille doit être attentive à etc.
on est quelque fois un terme collectif, voilà pourquoi on met désepérés au pluriel dans cet exemple: on se battit en désespérés.
quelques grammairiens prétendent que l'on peut dire: la morale est un des objets le plus digne de nos méditations. mais n'y a-t'il qu'un objet qui soit digne de nos méditations? s'il y en a plus d'un, et que celui-ci ne soit pas le plus digne, il faut dire: la morale est un des objets les plus dignes etc.; s'il est le plus digne, il faut dire: la morale est l'objet le plus digne etc.
il en est de même de cette phrase: votre ami est un de ceux qui a rendu le plus de services à la patrie; s'il en a rendu plus que tout autre, il faut dire: votre ami est celui qui a rendu le plus de services.
le plus, le moins, quoique suivis d'un qualificatif, ne laissent pas de former un superlatif adverbe, et par conséquent d'être invariables, quand il n'y a pas proprement de comparaison. on dira: la femme ne pleure pas toujours, quand elle est le plus affligée; car on ne |[136] compare pas l'affliction de la femme à celle des autres personnes. mais on dira: la femme qui pleure moins que les autres n'est pas toujours la moins affligée; parce que l'on compare son affliction à celle des autres.
il est à remarquer que le substantif du superlatif est quelque fois sous entendu, comme dans cet exemple: le printemps, la plus belle des saisons, annonce la renaissance de la nature; saison est sous entendue après la plus belle.
une autre difficulté, sur laquelle de bons écrivains ne sont pas d'accord, regarde le nom suivi ou précédé de plusieurs qualificatifs. peut-on dire les langues française, italienne, espagnole?
nous sommes pour la négative. un substantif a sans doute le droit d'imposer ses formes aux qualificatifs qui le déterminent; mais ce droit n'est pas réciproque: il faut donc dire: la langue française, l'italienne, l'espagnole; le 1er et le 2d étage; l'un et l'autre cheval; maître de langue française, italienne, espagnole; la 20eme et la 30eme page.
le qualificatif nu ne s'accorde en genre et en nombre avec le nom qu'autant qu'il en est précédé; ainsi on doit dire: tête nue, et nu-tête. il en est de même du mot demi qui ne varie qu'en genre; il est au masculin, quoiqu'il précède un nom féminin, et il prend le féminin, quand il le suit; ainsi on dit: une demi-heure et une heure et demie. feu placé avant le déterminatif ne prend ni genre ni nombre: feu votre mere; mais on écrit: votre feue mere.
même est quelque fois qualificatif, quelque fois adverbe. dans le 1er cas il change de forme; dans le second il n'en change pas. les exemples suivans en fixeront la différence et en apprendront l'emploi:
les français eux-mêmes ont commis les mêmes fautes.
les récompenses et les punitions même sont nécessaires.
on voit par le dernier exemple que même, dans le sens d'aussi, est |[137] quelque fois après un nom: on reconnoîtra qu'il a le sens d'aussi, quand on pourra, sans atténuer le sens de la phrase, le placer avant le nom et y joindre et.
vingt et cent, précédés d'un nombre, prennent un s, quand ils sont suivis d'un substantif, et n'en prennent pas quand ils sont suivis d'un autre nombre. on doit dire: quatre-vingts ans; mais on écrit: quatre-vingt-quatre ans.
l'accord est aussi incertain, quand il s'agit du mot quelque, soit que l'on réunisse les deux élémens de ce mot pour n'en faire qu'un seul, soit qu'on les sépare et que l'on écrive quel que. dans le 1er cas on exprime une idée d'étendue; dans le second, c'est une idée de nature, de qualité.
quand il y a un substantif entre quelque et que, on écrit quelques, si le substantif est au pluriel: quelques richesses que vous ayez.
quand quelque précède un qualificatif, il est évident qu'il est adverbe, puisqu'il modifie un qualificatif; et par conséquent il doit rester invariable: quelque brillants que soient les dons de la nature.
quand on place le substantif après le que et le verbe, on fait deux mots de quel que, et quel s'accorde avec le substantif dont il marque la qualité: quelles que soient vos richesses.
on écrit aussi de quelle religion qu'il soit; quelle profession qu'il ait embrassée; car il s'agit dans ces phrases de la qualité et non de l'étendue de la religion ou de la profession.
le mot tout, employé comme entierement ou pour quoique, ne présente de difficultés qu'autant qu'il précède un qualificatif mis au féminin. si le qualificatif commence par une consonne ou par un h aspiré, le mot tout prend la forme adjective; mais si le qualificatif commence par une voyelle, tout est invariable. ainsi on dit: cette femme a la figure toute hideuse, et elle est tout étonnée qu'on le remarque.
c'est, il faut l'avouer, une grande bizarrerie; car tout, étant |[138] adverbe dans l'un et dans l'autre cas, devroit être partout invariable. il ne devroit prendre la forme adjective que quand il est qualificatif, comme dans cet exemple: ces hommes ont été tous étonnés; ce qui est différent de ces hommes ont été tout étonnés.
il faut aussi remarquer que les qualificatifs se prennent souvent adverbialement et qu'alors ils sont toujours au masculin singulier: elle chante faux; elles voient clair, ils sont restés court. cependant on dit: une nouvelle venue, pour une femme nouvellement arrivée; des fleurs fraîches cueillies.
les mots chacun et leur, employés dans la même phrase présentent plus de difficultés. voici la regle que l'on donne ordinairement: lorsqu'une proposition plurielle est complete avant chacun, on met son sa ses; lorsqu'elle est incomplete, on met leur, leurs. dites: ils ont apporté tous des offrandes, chacun selon ses moyens; et, ils ont apporté chacun leur offrande.
mais chacun étant distributif de sa nature et leur étant collectif, il semble que ces deux mots ne peuvent pas se trouver dans la même proposition. en effet, quand on dit: ils ont apporté chacun leur offrande, c'est comme si l'on disoit: chacun a apporté l'offrande d'eux, l'offrande qui appartenoit à tous; cependant ce n'est pas ce que l'on veut dire, puisqu'il y a autant d'offrandes que de personnes. on ne peut pas dire non plus: ils ont apporté chacun son offrande; car ils et son ne peuvent pas sympatiser. il faut donc prendre un autre tour et dire: chacun a apporté son offrande.
c'est aussi une faute d'employer des termes collectifs, lorsqu'il s'agit d'un sens distributif. on ne doit pas dire: ces charrettes perdirent leur essieu ou leurs essieux; les maris s'y rendirent avec leurs femmes. il faut: chacune de ces charrettes perdit son essieu; chaque mari s'y rendit avec sa femme.
on peut aussi dire: les maris s'y rendirent, chacun avec sa femme |[139] parce que dans cette phrase il y a deux propositions bien distinctes. par la même raison on peut dire: ils apporterent des offrandes, chacun selon ses moyens.
le mot le doit-il être soumis à la loi d'accord, et dans quelles circonstances?
quand le tient la place d'un substantif, il change de forme; mais, s'il remplace un qualificatif ou une proposition entiere, il reste invariable. de là, une femme à qui l'on demande: êtes-vous malade, ou êtes-vous la malade? répond à la 1ere question, je le suis; et, je la suis, à la 2de.
la raison de cette regle est que le nom a par lui-même un genre et un nombre; ainsi, lorsque le se rapporte à un nom, il doit prendre le genre et le nombre de ce nom. au lieu que le qualificatif, quoiqu'il prenne différentes formes, n'a par lui-même ni genre ni nombre; ainsi, quand le se rapporte à un qualificatif ou à un nom qui en tient la place, comme dans cet exemple: êtes-vous la fille d'Alexandre? le doit être invariable.
il en est de même de le quand il remplace toute une proposition, comme dans cette phrase: si le public a eu quelque indulgence pour moi, je le dois à votre protection; c'est comme s'il y avoit: je dois à votre protection que le public ait eu etc. mais on dira l'indulgence que le public a eue pour moi, je la dois à etc., parce qu'il est évident que le se rapporte à indulgence.
il ne nous reste plus d'autre concordance à fixer que celle du participe avec le nom auquel il se rapporte.
on distingue deux participes: l'un actif, comme frappant; l'autre passif, comme frappé.
Du participe actif.
le participe actif ne change point de forme. on dit: des femmes préférant leurs intérêts etc., comme on dit un homme préférant.
il ne faut pas confondre avec les participes certains qualificatifs |[140] formés des verbes. on dit: une femme obligeante, une passion dominante; ces mots obligeant, dominante ne sont pas des participes: ils n'ont point de complément, et ils peuvent se construire avec être. mais quand on dit: cette femme obligeant tout le monde; cette montagne dominant sur la ville, obligeant et dominant sont ici des participes, puisqu'ils ont des complémens.
on peut donc conclure qu'un participe actif, suivi d'un complément, est invariable. il n'y a que quelques exceptions très rares; on dit: une pétition tendante à etc., une humeur répugnante à la mienne etc.
Du participe passif.
le participe passif peut s'accorder ou avec son sujet ou avec son complément direct.
Accord du participe passif avec son sujet.
1° le participe passif ne s'accorde avec son sujet, ni en genre ni en nombre, quand il est accompagné de l'auxiliaire avoir. on dit: mes sœurs ont écrit, comme on dit mon pere a écrit.
2° quand le participe passif est accompagné du verbe être, il s'accorde en genre et en nombre avec son sujet: les nouvelles sont arrivées.
il y a cependant une exception. dans les temps composés des verbes réfléchis, le participe ne s'accorde pas avec le sujet: des payens se sont donné la mort; c'est comme s'il y avoit des payens ont donné la mort à eux.
Accord du participe avec son complément direct.
1° le participe ne s'accorde pas avec son complément direct, quand ce complément est placé après le participe: j'ai cueilli des fleurs.
2° le participe s'accorde toujours avec son complément direct, quand ce complément est devant le participe. exemples: quelle affaire |[141] avez-vous entreprise? combien d'ennemis n'a-t'il pas vaincus? quand les familles se furent dispersées. elle s'est rendue célèbre. le peu d'exactitude que j'ai trouvée. quelle quantité de pierres il a entassées!
quoique le participe soit précédé d'un complément direct, il reste invariable dans les cas suivans:
1° quand le participe est suivi d'un indéfini auquel le complément se rapporte: la romance que vous avez entendu chanter. ce qui prouve que, dans cet exemple, le complément ne se rapporte pas au participe, c'est qu'on ne peut le placer qu'après l'indéfini: vous ne pouvez pas dire: j'ai entendu la romance chanter; mais j'ai entendu chanter la romance: si on vous demandoit: qu'est-ce que vous avez entendu? vous devez répondre: j'ai entendu chanter. qu'a-t'on chanté? c'est la romance: chanter est le complément d'entendre, et la romance est celui de chanter.
2° quand le participe suppose après lui un indéfini, comme dans, j'ai fait tous les efforts que j'ai pu; vous avez obtenu toutes les graces que vous avez voulu.
3° quand le participe est formé d'un verbe mono-personnel, ou d'un verbe employé comme s'il n'avoit qu'une personne: les troupes qu'il a fallu pour triompher de la coalition; les chaleurs qu'il a fait; les querelles qu'il y a eu entr'eux.
4° quand le participe est formé d'un verbe qui ne peut avoir de complément direct: les années qu'il a vécu, ou qu'il a régné. les sommes que cette affaire a coûté etc.; les prix que cette marchandise a valu etc.
il me semble cependant que, dans cet exemple: les bénéfices que le commerce m'a valus, on doit faire accorder le participe; parce qu'il a une signification active, c'est comme s'il y avoit que le commerce m'a prouvés.
|[142] 5° quand le participe et l'indéfini ne font, pour ainsi dire, qu'un mot, comme dans, je les ai fait partir; les est le complément des deux verbes réunis. il en est de même dans, je les ai laissé partir. laisser et faire, dans les phrases de cette nature, sont comme des verbes auxiliaires; ils ne sont pas pris dans le sens qu'ils présentent ordinairement: faire signifie ordonner ou faire en sorte que; laisser signifie permettre, consentir ou faire en sorte que.
les indéfinis qui, dans ces phrases, suivent fait et laissé ne peuvent pas se tourner par le participe actif, comme il arrive après les autres verbes: on ne peut pas dire: je les ai laissé partant, comme on peut dire: je les ai vus partant ou qui partoient; c'est pourquoi on ne met pas de s après laissé, comme on en met un après vu.
puisque le participe ne s'accorde qu'avec son complément direct, il doit être invariable dans les exemples suivans: vous avez plus de livres que je ne vous en ai donné; comme les copies de cette grammaire se multiplient , et que vous en avez donné à vos amis, etc. que, dans ces phrases, ne peut se tourner par lesquels; donné n'a d'autre complément que en, qui est un complément indirect.
le participe, au contraire, varie dans les exemples suivans: la récompense que j'en ai reçue etc.; les louis que vous en avez reçus. que, dans ces deux phrases, est le complément direct de reçu.
tout consiste donc à savoir si le complément direct du participe, ou comme dit Domergue, si ce que l'on présente comme donné, comme reçu, est avant ou après le participe; s'il est avant, il y a accord; s'il est après, point d'accord.
mais d'où vient cette différence? est-ce une bizarrerie, comme quelques uns le prétendent? nous croyons, au contraire, que c'est la raison qui a établi cette distinction. en effet quand le complément est après le participe, rien n'oblige ce dernier de prendre le genre et le nombre d'une chose |[143] qui est encore inconnue et dont on pourroit absolument se passer; au lieu que, quand le complément est devant, il sembleroit choquant que le participe ne prît pas le genre et le nombre du nom auquel il se rapporte. de plus, le sens n'est pas tout-à-fait le même dans les deux constructions: j'ai cueilli des fleurs, c'est-à-dire, j'ai d'avoir cueilli des fleurs; les fleurs que j'ai cueillies, c'est-à-dire, que je possède ayant été cueillies par moi. dans le 1er cas, cueilli a une signification active, c'est un supin ou un nom verbal qui sert de complément au verbe avoir; dans le second cas, il a une signification active passive, c'est un vrai qualificatif.
De la dépendance.
les tableaux de la pensée ne sont pas toujours composés seulement d'un nom, d'un verbe et d'un qualificatif; ils renferment souvent un grand nombre d'autres mots, dont la réunion forme des phrases chargées d'une multitude d'idées.
les nouveaux mots, quand ils sont placés avec ordre, au lieu de jetter de la confusion dans le discours, servent à déterminer les parties essentielles de la proposition, et à les rendre plus intéressantes: ils leur restent subordonnés, ils sont en dépendance.
il est indispensable de pouvoir distinguer ces mots secondaires des mots essentiels. dans notre langue nous les distinguons ou par les prépositions auxquelles on les unit ou par la place qu'ils occupent dans la phrase; ainsi nous reconnoissons l'objet d'action en ce qu'il marche après le verbe, tandis que le sujet marche le 1er.
nous employons aussi la différence des terminaisons pour les personnificatifs, mais leurs formes mêmes dépendent presque toujours de la place qu'ils occupent.
chacun des mots essentiels peut être accompagné de mots secondaires.
le sujet, par exemple, peut avoir dans sa dépendance plusieurs |[144] mots qui le déterminent différemment, comme, un livre de grammaire, le livre de mon frere, un livre que je puisse entendre.
le qualificatif amène également à sa suite des mots qui servent à le déterminer; tels sont principalement les adverbes de comparaison, plus, moins, aussi, etc.; tels sont les mots avec lesquels il est en rapport, comme, utile à sa patrie, digne de récompense.
le verbe [?lier] ou le verbe être n'a d'autre accompagnement que les négations et les adverbes d'ordre, de temps et de lieu.
outre les mots essentiels de la proposition, il y en a d'autres qui sont susceptibles de mots qui les déterminent; tels sont le nom, le personnificatif, la préposition, plusieurs adverbes et le verbe adjectif. ce dernier, surtout, peut avoir plusieurs mots dans sa dépendance; tels sont ceux qui expriment l'objet d'action, la maniere, le moyen, le terme, le motif, les circonstances. exemple: par égard pour votre pere, je vous enverrai, volontiers et dans peu, par la diligence, tout ce que vous me demandez.
un mot qui sert de complément à un autre peut lui-même en exiger un second, qui, pour la même raison, peut encore être suivi d'un troisieme; ainsi, dans cette phrase: ils ont agi avec les soins requis dans les circonstances de cette nature, il y a 3 complémens, qui, tous trois, forment le complément logique du verbe agir; parce qu'ils s'y rapportent tous, parce que tous contribuent à déterminer la maniere dont on a agi.
on trouve aussi dans ce seul vers:
et traîné sans honneur autour de nos murailles,
trois complémens, qui, pour la même raison, ne forment que le complément logique de traîné.
quelque fois les mots en dépendance forment eux-mêmes une proposition entiere comme on le voit par le vers suivant:
attaque un ennemi qui te soit plus rebelle;
mais alors c'est une proposition complétive et non un simple complément.
|[145]
De la construction.
la construction est l’arrangement des mots dans le discours. c’est une sorte de combinaison, non seulement des mots qui constituent la proposition, mais encore des différentes propositions qui servent à former la période.
il y a deux constructions principales: dans l'une le sujet précède le verbe, et le verbe précède le qualificatif, ou l'objet d'action si la phrase est active; dans l'autre, le sujet peut être le dernier mot de la phrase, comme l'objet peut en être le premier.
nous nommerons l'une de ces constructions locale, parce que le rapport des mots yest marqué par la place qu'ils occupent; l'autre nous la nommerons libre, parce que le rapport des mots y est marqué par leurs terminaisons.
la premiere de ces constructions est celle de la langue française; nous en verrons les regles dans Wailly , à l'article arrangement des mots; nous ajouterons seulement quelque chose sur les motifs de ces regles.
la langue française dénuée de cas pour les noms, et obligée d'accompagner le verbe de personnificatifs, ne peut faire connoître le rapport des mots dans une phrase que par la place qu'ils y occupent.
il résulte de là que chaque partie du discours occupe la même place, tandis qu'elle indique le même rapport et qu'elle ne changera de place que pour indiquer un rapport différent. de là toutes les regles que nous venons de voir dans Wailly, et qui ne sont que des applications de ce principe à des cas différens.
le sujet est le mot principal du tableau, celui auquel tous les autres se rapportent. il est donc naturel que, dans les langues où les rapports des mots ne se connoissent que par la place qu'ils occupent, le sujet soit à la tête de la phrase; afin que l'on voit du 1er coup d'œil le centre commun des rapports.
mais dès que le sujet est toujours placé le 1er dans les phrases |[146] expositives ou narratives, qui forment le langage ordinaire, le verbe marchera à sa suite, puis son objet et son terme; quant aux circonstances, elles se placeront çà et là, suivant qu'elles auront un rapport plus ou moins direct avec ces divers membres.
lorsque le tableau changera de nature, qu'il deviendra impératif, interrogatif, optatif, on n'aura qu'à changer l'ordre des mots et tout sera changé. ainsi en diversifiant la position de ces trois mots, ciel, vous et dire, on formera des phrases différentes; telles sont celles qui suivent:
vous dites que le ciel, phrase narrative.
dites-vous que le ciel, phrase interrogative.
le ciel, dites-vous, commencement d'une phrase narrative, interrompue par une proposition incise.
que le ciel, dites-vous, phrase optative avec une incise.
si dans la phrase il n'y a qu'un mot qui puisse servir de sujet, il n'y a pas de confusion à craindre; on pourra donc le placer après le verbe: il n'en deviendra que plus piquant.
dès que les mots elliptiques qui, que, dont etc., renferment une conjonction, ils doivent être placés avant le sujet et le verbe; parce que la conjonction se met toujours à la tête de la proposition qu'elle unit.
nous ne pouvons terminer cet article sans parler d'une sorte de construction que l'on nomme figurée et qui est de toutes les langues.
la construction est figurée, ou quand les mots sont en moindre nombre que les idées, comme dans, au feu, victoire; ou quand ils sont plus nombreux, comme dans, je l'ai vu de mes yeux; ou quand ils sont arrangés dans un ordre qui n'est pas l'ordre grammatical, comme dans, du fils d'Anchise les grands exploits.
la premiere de ces figures s’appelle ellipse, parce qu’il y a retranchement; la 2de s’appelle pléonasme, parce qu’il y a surabondance; la 3e, inversion, parce que l’ordre paroît renversé.
|[147] il est aussi des constructions propres à la langue française, autorisées par le bon usage, quoiqu’elles paroissent contraires aux regles communes de la grammaire; Wailly nous en fournira des exemples.
nous trouverons dans le même auteur des observations intéressantes sur les répétitions, soit élégantes, soit vicieuses, sur les mots mal assortis, les métaphores, les locutions basses ou équivoques, les jeux de mots, enfin sur les manieres de parler qui paroissent semblables, et qui cependant présentent des idées différentes.
pour compléter ces essais de syntaxe, nous ajouterons quelques observations sur la maniere d’employer chaque espece de mots, ce qui formera une syntaxe particuliere.
Du déterminatif.
nous verrons cet article dans Wailly; nous ferons seulement ici quelques additions.
le déterminatif ou l’article a tant d’influence sur le nom dont il est suivi qu’il n’est pas indifférent de l’employer ou de ne pas l’employer.
les deux phrases suivantes, par exemple, seroient vicieuses, si elles étoient autrement construites: cet homme a infiniment d’esprit; cet homme a de l’esprit infiniment.
c’est que l’adverbe infiniment est considéré comme un nom de quantité, qui, placé devant esprit, le fait prendre dans un sens indéterminé.
le mot esprit, dans la 2de phrase, n’étant précédé d’aucun nom, ne peut, pour la raison contraire, se passer du déterminatif. infiniment est l’ellipse d’une seconde proposition, qui ne peut influer sur la premiere.
la suppression du déterminatif change, quelque fois, tout-à-fait le sens: un ouvrage de l'esprit, n'est pas un ouvrage d'esprit. |[148] le 1er est un ouvrage de la raison qui distingue l'homme de la bête; le second est un ouvrage de la raison perfectionnée qui distingue un homme d'un homme.
on dit: de célèbres auteurs et des auteurs célèbres. dans le 1er cas, on ne met pas le déterminatif, parce que le nom est précédé de célèbre, qui est une sorte de déterminatif; dans le second, il est nécessaire, parce que célèbres ne vient qu'après auteurs.
quoique le nom soit précédé d'un qualificatif, on met le déterminatif, quand le nom est au singulier. on dit du bon pain et de la bonne viande suffisent pour vivre; on le fait, peut-être, pour éviter l'équivoque du nombre.
quelque fois le substantif ne fait avec le qualificatif qui le précède qu'une seule idée, qui a besoin d'être déterminée, et vous concevez qu'alors on ne doit pas supprimer l'article. vous direz donc: les ouvrages des anciens philosophes, les actions des grands hommes. car vous voulez parler de tous les anciens philosophes, de tous les grands hommes, et l'article est nécessaire pour déterminer ces idées à être prises dans toute leur étendue.
on met aussi le déterminatif devant quelques noms propres, on dit les Corneilles, les Bossuets etc.; l'estime que nous avons pour ces hommes extraordinaires nous porte à en faire une classe à part: leurs noms deviennent ceux d'une espece entiere, et par conséquent des noms communs; c'est comme si l'on disoit: les orateurs tels que Bossuet, les poëtes tels que Corneille.
il y a des termes qui, sans être généraux, ont cependant une signification fort étendue, parce qu'ils représentent une collection de choses de même espece; tels sont les noms des métaux. on peut donc déterminer ces noms à être pris dans toute l'étendue de leur signification, et alors on dit l'or et l'argent, c'est-à-dire tout ce qui est en or, tout ce qui est en argent. mais si l'on n'emploie ces mots que pour réveiller indéterminément l'idée du métal, on omet le déterminatif: une tabatière d'or.
|[149] les noms de provinces et d’empires ont, comme ceux des métaux, une signification plus ou moins étendue. ils peuvent donc être pris déterminément ou indéterminément; et par conséquent on dira: l’espagne est grande; il vient d’espagne.
dans ces occasions, il faut considérer si le discours fait porter l’attention sur l’étendue d’un pays ou seulement sur le pays, abstraction faite de toute étendue. on dit: il vient d’espagne, parce qu’alors on considère l’espagne comme un point d’où l’on part; et on dit: l’espagne est grande, parce qu’alors l’esprit considère ce royaume avec ses provinces.
il me semble que, quand on parle des 4 parties du monde, on a de la peine à faire abstraction de leur étendue; c’est pourquoi nous disons: les nations de l’asie; il revient de l’amérique.
selon les différentes vues que nous avons, en parlant des rivières, des mers etc., nous employons ou nous supprimons le déterminatif.
on dit: le poisson de mer, lorsqu’on ne veut que distinguer ce poisson de celui de rivière; mais on dit: le poisson de la mer des indes, parce qu’on veut déterminer une partie de la mer.
il seroit à souhaiter que l’on supprimât le déterminatif toutes les fois que les noms sont suffisamment déterminés par la nature de la chose ou par les circonstances: le discours en seroit plus vif. mais la grande habitude que nous nous en sommes faite ne le permet pas; et ce n’est que dans les proverbes, plus anciens que cette habitude, que nous nous faisons une loi de le supprimer. on dit: pauvreté n’est pas vice, au lieu de: la pauvreté n’est pas un vice.
il y a des mots qui servent de déterminatifs, tels que son, sa, ses, leur, leurs, et qui ne s’emploient pas indistinctement pour toutes les choses; on ne doit pas dire[:] voyez cette maison; sa façade est jolie, ses appartements sont commodes. son, sa etc. indiquent une possession, une propriété qui ne peut convenir à des êtres purement passifs. il faut |[150] donc prendre un autre tour, et dire: voyez cette maison; la façade en est jolie; les appartements en sont commodes.
ce seroit autrement si l’on parloit d’un être inanimé, quand même il seroit dépourvu de raison, et Racine a pu dire en parlant d’un monstre:
sa croupe se recourbe en replis tortueux.
les peines que les animaux se donnent pour se procurer ce qui leur convient les rapprochent beaucoup de nous, et font qu’on peut leur attribuer une sorte de propriété.
d’après ces observations, il est facile de se faire une regle: la voici.
quand il s’agit de choses inanimées, on doit se servir de l’adverbe en, toutes les fois qu’on en peut faire usage; et on ne doit employer son, sa, ses, leur, que lorsqu’il est impossible de se servir de cet adverbe. vous direz donc: la liberté de la presse a ses avantages et ses inconvenients; si la ville a ses agréments, la campagne a les siens. mais vous direz en parlant de la liberté de la presse: les avantages et les inconvenients en sont grands; en parlant de la ville, les agréments en sont préférables à ceux de la campagne.
on voit par ces exemples que l’on ne peut employer son, sa etc. avec un nom de chose inanimée qu’autant que le déterminatif et le nom se trouvent réunis dans la même proposition. cependant, quoique le nom de chose ne soit pas dans la même proposition, on se sert bien de son, sa etc., quand ces mots sont précédés d’une préposition, comme: paris est beau; j’admire la grandeur de ses batiments.
on dit souvent dans la société: ses pere et mere, ses freres et sœurs; il faut dire: son pere et sa mere, ses freres et ses sœurs.
le déterminatif conjonctif qui précédé d’une préposition ne peut s’appliquer qu’aux personnes et aux choses personnifiées, c’est-à-dire à celles auxquelles on attribue des actions humaines: l’homme à qui je me fie, sur qui je me repose; la mort à qui tout cède; la fortune à qui je sacrifie. mais on ne diroit pas: c’est une mort sur qui je ne comptois guère; |[151] la fortune à qui il a droit de prétendre. il faut dire: c’est une mort sur laquelle je ne comptois guère; la fortune à laquelle il a droit de prétendre.
on ne peut aussi mettre qui qu’après des noms pris dans un sens déterminé; on ne dit point: l’homme est [un] animal qui raisonne; vous avez été reçu avec politesse qui etc.
pour qu’un nom soit déterminé, il n’est pas nécessaire que le déterminatif se montre; il suffit qu’il soit sous entendu. les phrases suivantes, par exemple, sont très correctes: il n’a point de livre qu’il n’ait lu; est-il homme plus instruit que lui?; il se conduit en pere qui etc. livre, homme, pere, sont évidemment déterminés; car le sens est: il n’a pas un livre qui etc.; est-il un homme qui etc.? il se conduit comme un pere qui etc.
on dira de même: il est accablé de maux, de dettes qui etc.; parce qu’on sous entend certains plusieurs ou quelques chose d’équivalent.
on dira encore: une sorte de fruit qui etc.; parce que sorte restreint le mot fruit. enfin on dira: il n’est point d’injustice qu’il ne commette; parce que le sens est: il n’est pas une sorte d’injustice.
on met souvent à qui ou dont pour la conjonction que; le tableau suivant pourra servir de guide.
on dit
c’est à vous que je veux parler. |
c’est vous à qui je veux parler. |
c’est donc une faute de dire: c’est de vous dont j’ai besoin; c’est dans cette maison où il demeure. en effet, c’est employer deux fois la |[152] même préposition pour marquer le même rapport, et commencer des phrases sans les finir; car on attend toujours un que après ces où et ces dont. on diroit fort bien: c’est dans cette maison, où il demeure habituellement, que le feu a pris. voilà une phrase dont le sens est complet; mais celle-ci: c’est dans cette maison où il demeure habituellement, ne présente que ce sens incomplet: c’est dans cette maison, sa demeure habituelle...
on confond aussi quelque fois dont avec d’où; c’est une faute que l’on apprendra à éviter en réfléchissant sur les exemples suivans: la ville d’où il arrive, et non dont il arrive. la maison d’où il sort, et non la maison dont il sort; à moins que l’on ne veuille parler de la famille à laquelle il appartient. la tour d’où il considère la campagne. la tour dont il considère la hauteur. on voit que d’où s’emploie pour duquel lieu, et dont pour de laquelle chose.
quant aux déterminatifs numéraux, appellés ordinairement noms de nombre, nous verrons dans Wailly la maniere de les employer et de les écrire. nous y verrons aussi quelle place il faut donner dans la phrase aux différentes especes de qualificatifs et quels sont ceux qui sont susceptibles de complément.
Du personnificatif.
comme cet article est un de ceux que Wailly a traités avec le plus de soin, nous n’y ajouterons que très peu de choses.
lui, eux, elle, elles, précédés d’une préposition ou suivis de qui ou de que ne peuvent s’appliquer qu’aux personnes ou aux choses personnifiées; quand il s’agit de choses qui ne le sont pas, il faut, autant qu’il est possible, employer les adverbes en et y. ainsi on dira:
d’une succession... je n’y comptois pas. |
je ne comptois pas sur elle. |
||
d’un poëme... j’en ai été content. |
je n’ai pas été content de lui. |
||
en parlant { |
de la persécution... il faut y opposer de la résistance. |
} et non pas { |
il faut lui opposer de la etc. |
d’une ville... je m’en suis éloigné. |
je me suis éloigné d’elle. |
||
des plaisirs... il veut y renoncer. |
il veut leur renoncer. |
|[153] il y a cependant quelques exceptions surtout pour les prépositions après et avec: on dit: les plaisirs ne laissent après eux que des regrets; le torrent entraîne avec lui tout ce qu’il rencontre.
on dit aussi: cet enfant aime tant sa poupée qu’il ne peut faire un pas sans elle. il me semble aussi que l’on peut dire: j’aime tant la vérité que je sacrifierois tout pour elle.
Du verbe.
après avoir traité de la conjugaison du verbe, il semble qu’il n’y ait plus rien à dire de cette partie du discours; il y a cependant des regles à observer dans la correspondance des temps et des modes qui ne pouvoient trouver place que dans la syntaxe particuliere.
toute correspondance dans les temps et dans les modes suppose une phrase composée de deux propositions, puisqu'il n'y a que cette phrase où plusieurs verbes puissent se trouver.
Correspondance des temps de l'affirmatif.
le présent antérieur a trois correspondants, qui tous les trois indiquent une action simultanée à la premiere:
je lisois quand vous entriez dans ma chambre.
je lisois hier quand vous entrâtes.
je lisois, tout-à-l'heure, quand vous êtes entré.
le passé antérieur a quatre correspondants, qui tous sont moins anciens que lui:
je lisois { |
quand vous entriez. |
il y a aussi correspondance entre les passés comparatifs et les autres temps. les premiers servent à déterminer, avec une précision rigoureuse, l'instant où a commencé une action qui n'est pas |[154] encore énoncée. on dira donc:
quand j'ai eu dîné, vous êtes entré.
quand j'aurai eu dîné, vous entrerez.
il n'y auroit ni précision ni justesse à dire: quand j'ai dîné, vous êtes entré. il n'y en auroit pas assez à dire: quand j'aurai dîné, vous entrerez. cela signifieroit: vous n'entrerez pas avant que j'aie dîné; mais vous pourriez n'entrer que longtemps après. au lieu que, quand on emploie la premiere personne, l'instant où mon dîner finit doit être celui de votre entrée.
quelque fois la conjonction qui lie les propositions est telle que le second verbe ne se met pas au même mode que le 1er, et alors la correspondance ne consiste pas seulement dans les temps, mais encore dans les modes. c'est cette correspondance qu'il faut bien connoître.
toutes les fois que le verbe qui suit la conjonction que est destiné à affirmer une chose, il se met nécessairement à l'affirmatif, soit que le 1er exprime une affirmation, soit qu'il exprime une présomption, soit même qu'il interroge. exemples: je présume que votre frere arrivera ce soir. savez-vous qu'il a obtenu son congé? on met l'affirmatif, parce que dans chacune de ces phrases, le second verbe affirme indépendamment du premier.
mais toutes les fois que le verbe qui suit la conjonction que ne doit que développer l'objet d'un doute, d'un désir, d'une crainte ou d'une volonté exprimée par le verbe précédent, il faut employer le mode complétif. vous direz donc: je doute qu'il réussisse. je souhaite qu'il se rétablisse. je crains qu'il ne soit malade. je veux qu'il m'obéisse.
en un mot si la 2de proposition est donnée comme certaine, le verbe se met à l'affirmatif; si elle est donnée comme incertaine, le verbe se met au complétif. exemples: je veux acheter une maison qui me convient beaucoup.
achetez une maison qui vous convienne. j'ai fait choix d'un ami qui peut me rendre de grands services. faites choix d'un ami qui puisse vous donner de bons conseils.
|[155] d’après ce principe, voici un tableau des principales correspondances.
présent de l’affirmatif.
|
vous partez aujourd’hui. |
quand le présent de l’affirmatif est précédé d’une négation, il peut avoir les mêmes correspondances, excepté qu’au présent de l’affirmatif on substitue le présent du complétif; car ce seroit une faute de s’exprimer ainsi: on ne dit pas que vous partez.
présent antérieur de l’affirmatif.
on diroit |
|
cependant on diroit: les hommes de tous les temps ont cru qu’il existe un dieu. on dit même aussi: je savois que vous avez deux freres.
présent du suppositif.
je croyois |
|
|[156]
présent du complétif.
il veut |
|
présent antérieur du complétif.
je voulois |
|
passé antérieur du complétif.
je voudrois |
|
quand on emploie la conjonction si, on doit observer cette correspondance.
vous partirez si je veux.
vous partiriez si je voulois.
vous seriez parti si je l’avois, ou l’eusse voulu.
ne dites pas {
|
si je croyois qu’il viendroit, je... je croyois qu’il vient. je ne croyois pas qu’il viendroit. je craignois qu’il viendroit. je ne craignois pas qu’il viendroit. je n’ai pas voulu qu’il aille vous voir. vous avez souhaité que je fis votre thé. |
} dites: { |
si je croyois qu’il vint, je... je croyois qu’il viendroit. je ne croyois pas qu’il vint. je craignois qu’il ne vint. je ne craignois pas qu’il vint. je n’ai pas voulu qu’il allât etc. vous avez souhaité que je fisse etc. |
les phrases suivantes ne sont pas correctes:
au moment de sa création, le soleil commença d’éclairer le terre.
|[157] au moment où César s’est cru maître de rome, il a été immolé à la liberté qu’il n’avoit pas craint d’envahir.
la 1ere est incorrecte, parce que la période où le soleil a commencé d’éclairer le monde dure encore; la 2de l’est aussi, parce que la période où César fut tué est entierement écoulée.
ces deux phrases doivent être construites de cette maniere:
au moment de sa création, le soleil a commencé etc.
au moment où César se crut maître de rome, il fut immolé à la etc.
quand on a commencé à se servir du présent pour le passé, il faut continuer le même temps: les français tombent sur les autrichiens avec tant d’impétuosité qu’ils les mirent en fuite; il faut qu’il les mette en fuite.
pour les autres détails relatifs au temps et au mode que l’on doit employer, voyez Wailly, surtout à l’article usage du subjonctif.
c’est une faute de donner le même complément à deux verbes dont l’un demande un complément direct et l’autre un complément indirect. (il en est de même du qualificatif, de l’adverbe et de la préposition). ainsi on ne peut pas dire: l’homme de bien aime et tient à ses devoirs; il faut: l’homme de bien aime ses devoirs et y tient. on ne peut pas dire non plus: le sage s’est toujours concilié l’estime et rendu recommandable; il faut: et s’est rendu recommandable.
il est aussi plus exact de dire: Damon aime la promenade et la chasse; Monval aime à lire et à être seul, que de dire: Damon aime la promenade et à chasser; Monval aime à lire et la solitude.
De l’adverbe.
l’usage constant des bons écrivains est de placer l’adverbe avant le qualificatif; au contraire, ils le placent ordinairement après le verbe ou entre l’auxiliaire et le participe. nous verrons ces détails dans Wailly. nous verrons aussi les remarques de cet auteur sur les adverbes |[158] et sur ce qu’il appelle particules; nous ajouterons seulement les réflexions suivantes.
1° il ne faut pas confondre aussi et autant, ni les employer l’un pour l’autre. on dit: il est aussi sage que Lucas; il n’est pas si ou aussi sage que savant. mais, on ne peut pas dire: il est autant sage que Lucas; il n’est pas tant ou autant sage que savant. on peut cependant dire: il est sage autant que savant; parce que autant est suivi de que et précédé d’un qualificatif.
2° en parlant de Socrate, ne dites pas: il étoit aussi sage que brave, ni, en parlant de Turenne: il étoit aussi brave que sage. mais dites: Socrate étoit aussi brave que sage, et: Turenne étoit aussi sage que brave.
l’attribution principale, celle qui fait le caractere fond du caractere, doit se placer après que, et l’attribution que l’on veut égaler à la premiere, après aussi.
3° dites avec Vacan:
la trame de nos jours est plus qu’à demi faite.
décomposons: la trame de nos jours est faite supérieurement à ceci: à demi. la décomposition ne sauroit amener de; on a donc eu tort de vouloir le substituer à que.
De la préposition.
une des observations les plus essentielles sur la préposition est de distinguer s'il faut ou s'il ne faut pas la répéter pour chacun de ses complémens.
il n'y a pas de difficulté pour les prépositions à, de, en; on doit les répéter pour chaque complément. il en est de même de la plupart des prépositions monosyllabiques; mais, quand elles sont de plusieurs syllabes, on ne les répète ordinairement que pour les complémens qui indiquent des choses tout-à-fait différentes. ainsi on dira: rien n'est moins selon Dieu et selon le monde que etc.: mais, on dira: chacun doit se conduire |[159] d'après ses principes et sa conscience.
on doit aussi observer de ne pas répéter dans la même phrase une préposition avec des rapports différens. ainsi ces deux phrases ne sont pas correctes: il fut conduit par toute la ville, par le plus grand du royaume. il faut se déclarer pour vous, pour ne pas vous avoir pour ennemi.
nous n'entrerons pas ici dans de plus grands détails; parce que nous verrons les remarques de Wailly sur les prépositions.
la théorie de la conjonction et celle de l'interjection ayant déjà été suffisamment développée, nous terminerons ici la syntaxe particuliere.
la syntaxe est commune à la langue, soit parlée soit écrite. mais la langue parlée est soumise de plus aux lois particulieres de la prononciation, et la langue écrite, à celles de l'orthographe; nous ne pouvons donc nous dispenser de faire connoître les lois de l'une et de l'autre.
De la prononciation ou de la lecture.
la lecture est l'art d'être correct dans l'émission des mots et des phrases.
les mots peuvent être considérés , ou par rapport à leurs élémens simples, ou par rapport à leurs élémens prosodiques, ou par rapport à eux-mêmes.
Des élémens simples des mots.
comme cet article est plus long que difficile, nous nous contenterons de le lire dans la grammaire élémentaire de Domergue, pg-125 et suivantes; nous lirons aussi les remarques de Wailly sur les voyelles et les consonnes.
Des élémens prosodiques.
les élémens prosodiques se divisent en voix et en articulations. il y a 3 sortes de voix: les unes suivent une ligne ascendante et sont |[160] susceptibles d'aiguité et de gravité, tels sont a, e, o; les autres suivent une ligne latérale, et sont susceptibles de prolongement et de brièveté, tels sont i, u, eu, ou; les troisiemes, nommées nasales, reçoivent du nez une légère modification, et c'est le seul accident remarquable qu'elles offrent.
la voix aigue s'exécute par une simple ouverture de la bouche; la voix grave, par une grande ouverture; la voix moyenne, en observant un juste milieu.
la voix brève s'exécute, comme la voix aigue, par une simple ouverture de la bouche; la voix longue, par la répétition de la voix. gîte, flûte, se prononcent giite, fluute.
dans les voix à ligne latérale, les sons se mettent, pour ainsi dire, à côté l'un de l'autre. dans les voix àscendantes ligne ascendante, un son s'élève au dessus d'un autre son.
une seule voix de la ligne ascendante est susceptible de prolongement, c'est l'e aigu: cet e est long dans lésion, réseau.
Sons latéraux
longs ou brefs.
1ere regle. tous les sons de la ligne latérale, i, u, eu, ou, ui, oui, affectés de l'accent circonflêxe sont longs: croûte, huître etc.
dû venant de devoir est cependant bref.
2eme regle. les sons i, u, ui, eu et ou seuls ou suivis d'une consonne dans la derniere syllabe sont brefs: le défi, la vertu, l'ennui, la nuit, le malheur, le contour; tous ces mots, selon Domergue, sont brefs même au pluriel.
3eme regle. les sons eu et ou dans la derniere syllabe sont brefs au singulier et longs au pluriel: le vœu, les vœux; le clou, les clous.
4eme regle. les sons i, u, eu, ou, ui suivis d'une syllabe masculine sont brefs: fidèle, étudier, jeunesse, mouton, nuitamment; mais, si les sons u, eu, ou, ui et e aigu sont suivis d'une syllabe masculine qui commence par s doux ou z, ils sont longs: rusé, creuser, luisant, présent.
alongez aussi pousser, émousser et tous les ou suivis de deux s.
|[161] alongez encore engouffrer, bourrer, fourrer; que nous lussions, que vous fissiez.
5eme regle. les sons i, u, e aigu devant sion et zion sont longs: répétition, scission, confusion, replétion, lésion.
6eme regle. l'e muet pur, c'est-à-dire qui n'est point précédé d'une consonne, rend longue la syllabe précédente: vue, roue, pluie, renommée.
7eme regle. la consonne précédant l'e muet accompagné rend brèves les syllabes i, u, eu, ou dont elle fait partie: solicisme, [?en butte], [?heurtement], houppe.
alongez les sons suivis de deux r: [?iberre], beurre, bourre; que je fisse, que je reçusse; dis-je, fis-je.
ou est long dans les sons en ourbe, ourde, ousse et dans gouffre.
8eme regle. les sons i, u, eu, ou, ui, précédant l'e muet accompagné sont brefs: rapide, astuce, jeune, route, traite; ils sont longs dans les mots qui se terminent en ige, uge, enge.
ils sont longs aussi dans: style, meule, joute, soute, huile, tuile.
alongez encore tous les sons en idre, ivre, ire; [?euve], [?euvre], [?eutre]; oudre, oule, outre, ouce, [?ouve].
enfin les sons i, u, eu, ou, ui, sont longs avant r, s doux et z: écrire, cerise, pureté, muse, demeure, j'entoure, ils nuisent.
Sons ascendants
graves ou aigus.
1ere regle. les voyelles a, e, o, affectées de l'accent circonflêxe sont graves: râle, bêler, rôle etc.
l'o est aigu dans hôtel, hôpital; l'e est moyen dans vous êtes.
2eme regle. les sons a et o finals sans consonne ou avec une consonne nulle, autre que s, sont aigus: le sopha, le droit, le turbot.
les mêmes sons finals suivis de s ou d'un e muet sont graves: les sophas, les droits, la proie.
|[162] 3eme regle. a et o finals immédiatement suivis d'une consonne qui se prononce sont aigus, même au pluriel: un parc, un mort; des parcs, des morts.
4eme regle. au est toujours grave, excepté dans Paul et Saul, où l'au sonne comme l'o aigu.
5eme regle. les sons a, o, e aigu suivis d'une syllabe masculine sont aigus: parure, docile, vérité.
prononcez graves: accabler, sabrer, délabrer, se cabrer, tacher, vacher, cadrer, [?madré], rafler, gagner, damner, habler, [?lacer]; anus, agnus, hourvari, enflammer, navré, arrher, barrer, carré, chamarré, démarrer, narrer, marri, carosse, marron, larron, carrière, abhorrer.
bassesse, casser, classer, passer, grasset, lasser, amasser, compasser, [?sasser], entasser; cesser, presser; dossier, fossé, grossir, rosser, désosser, grossier, que nous allassions.
les mots où a et o sont immédiatement suivis de s doux et de z: raser, blason etc.
les mots où a et o sont immédiatement suivis de sion, ssion, tion: évasion, passion, motion etc.
les mots en ailler, aillon: rimailler, haillon etc.
batailler, détailler, travailler, bataillon et médaillon rentrent dans la classe générale et sont aigus.
observez que les simples et les composés, les primitifs et les dérivés, à moins qu'une regle expresse n'en décide autrement, ont la même valeur prosodique. ainsi, puisque a est grave dans damner, il l'est aussi dans condamner, dans condamnation.
observez encore que que l'e muet rend plus grave ou plus long le son grave ou long qui le précède. ainsi l'o grave de grossir est plus grave dans grosse; l'u long de rusé est plus long dans ruse. la voix devant glisser sur la syllabe muette se dédommage d'avance sur la syllabe sonore.
6eme regle. les sons ai, ei et oi identiques d'e sont moyens: aimer, gai |[163] il disoit; ils sont graves, suivis de deux ss, de s doux ou d'un e muet: plaisir, gaieté, ils disoient, les bienfaits.
l'ai de faisant a le son de l'e muet.
prononcez graves: fer, cuiller et toutes les finales en er où r sonne; ainsi que tous les e marqués d'un accent grave et suivis d'un s final: succès, progrès.
mes, tes, ses, tu es, il est, sont moyens.
ai sonne comme un e aigu dans j'ai, j'aimai, je chercherai etc.
je sais, tu sais, etc. sont moyens.
7eme regle. la consonne terminant une syllabe rend l'e moyen: servir, projet, excepté dans la conjonction et où l'e est aigu, et dans cet: cet homme, où l'e est muet; le t n'est là qu'une lettre euphonique.
l'e est aussi aigu à la fin des mots où la consonne autre que t ne sonne pas: bled, clef, danger etc.
8eme regle. la consonne précédant l'e muet accompagné rend aigues les syllabes a, o, et moyenne la syllabe e dont elle fait partie: jaspe, botte, ariette.
prononcez graves les sons en aisse, en oisse: caisse, connoisse.
flamme, manne, Jacques.
les sons suivis de rre: bizarre, tonnerre, abhorre.
basse, casse, châsse d'un saint, classe, echasse, grasse, lasse, masse terme de jeu, nasse, passe, tasse, amasse, fasse, que j'aimasse; presse, professe, cesse, confesse, abbesse, lesse; fosse, grosse, endosse, désosse.
9eme regle. les sons a et o précédant l'e muet accompagné sont aigus: sage, grotte; et le son e, moyen: prophète, medecin.
on prononce graves, astrolabe, crabe, arabe, erable, diable, fable, [?vache], sable, accable et hable.
espace, grace, lace, quaker (couacre).
tous les sons en adre, en are, en oire et en avre.
|[164] les sons en aille: bataille, funéraille. (médaille, travaille, détaille, émaille sont aigus).
rafle, gagne, ame, infame, il affame, les manes; haine, glaive, gaine, maigre; nèfle, [?duegne], regne, reine, zèle.
les sons en ème: thême, systeme etc.; l'e de sème, deuxieme etc. est moyen.
scene, cène et tous les noms propres en ène: athènes, mecène.
les sons en ère et en èze.
genève, ère, sève.
globe, doge, geole, mole.
vole, dans tous les sens, a l'o aigu.
les sons en [?oure] et en [?oire]. l'o est aigu dans rome tope et tous les sons en ore.
Nasales.
des quatre nasales, trois appartiennent à la classe ascendante: ain, en, on; et une seule à la classe latérale: un.
les voyelles nasales n'éprouvent guère d'accidents que celui d'être modifiés par le nez. seulement, si elles sont suivies d'une syllabe à l'e muet, celles de la classe ascendante sont plus graves: plante, hyacinthe, ombre; et la nasale latérale est plus longue: défunte.
Des mots.
on fait tous les jours cette question: y a-t'il une prononciation différente pour le discours familier et pour le discours soutenu?
réponse. chaque son doit parvenir nettement à l'oreille avec le caractere qui lui est propre, et sur ce point il n'y a aucune distinction à faire. mais, comme, dans la conversation, la bouche de de celui qui parle est à la portée de l'oreille de celui qui écoute, les sons, ayant peu d'obstacle[s] à vaincre, peuvent et doivent être émis sans efforts. un certain adoucissement doit accompagner |[165] et fléchir, pour ainsi dire, chaque syllabe. on donne moins d'intensité à la longue, moins d'élévation au son grave, moins d'espace aux dissyllabes. on néglige quelques liaisons entre des mots que l'on peut rigoureusement détacher. mais dans la lecture publique, dans la déclamation, je ne sais quel bruissement sourd, inséparable des assemblées, présente des obstacles qu'il faut vaincre par tout le plein dont chaque syllabe est susceptible.
l'oreille, dont l'attention ne peut pas être trompée, commande imperieusement la liaison des mots, l'espacement des dissyllabes, l'appellation forte de tous les accidents prosodiques.
nous verrons dans Restaut les détails relatifs aux deux prononciations; ces détails portent particulierement sur les liaisons à négliger dans la prose et surtout dans le discours familier.
en lisant il faut avoir soin d'appuyer sur les mots saillants de la phrase, non seulement pour rompre la monotonie, mais pour faire mieux sentir ce que l'on adresse à l'esprit ou au cœur; Domergue, dans la prononciation notée, nous en fournira plusieurs exemples. au reste, il faut appuyer diversement sur les mots, suivant les diverses circonstances: il faut que la voix se monte à tous les tons, pour exprimer tous les sentimens, pour peindre toutes les images.
passons à la lecture des phrases.
lire une phrase, c'est la ponctuer par la voix; comme ponctuer une phrase; c'est l'articuler par la prononciation.
la ponctuation est le flambeau de la lecture. les signes dont elle se sert sont le fil qui guide le lecteur dans le dédale des périodes.
il est deux défauts qui tuent la lecture: la cantillation et la monotonie.
la cantillation est ordinaire dans la lecture des vers. elle s'opère en partageant les vers en deux parties, et en élevant la voix sur la derniere syllabe de chaque hémistiche.
c'est en vain qu'au parnasse un téméraire auteur
|[166] pense de l'art des vers atteindre la hauteur.
s'il ne sent point du ciel etc.
La motte a dit:
les vers sont les enfans de la lyre;
il faut les chanter, non les lire.
le sens de cette maxime est que les vers s'élèvent au dessus de la prose, par le ton comme par le style; mais La motte ne veut surement pas que l'on chante les vers dans le sens qu'on l'entend ordinairement.
la monotonie consiste à employer le même ton pour rendre des idées différentes.
on évitera ce défaut, si, aux réflexions précédentes, on ajoute celles qui suivent:
le point interrogatif indique un ton plus animé:
devois-tu nous conduire à ces affreux abymes?
le point exclamatif exige un élan de voix:
ciel! quel prodige! quel spectacle!
les mots qu'enferme la parenthèse et en général tous les complémens éloignés doivent être marqués par un léger changement de voix.
un changement plus sensible est indiqué par les guillemets et par le trait de séparation. mais ce sont les choses que ces signes indiquent qui doivent adoucir ou fortifier ces teintes.
en lisant la fable du loup et de l'agneau, nous tâcherons de saisir les tons qui caractérisent ces deux personnages: le sentiment doit les fournir.
il faut cependant remarquer que la lecture sentimentale doit être fondée sur la lecture régulière. vainement vous donnez de l'éclat à la voix, si vous frappez l'oreille de sons illégitimes, ou si vous la fatiguez de sons confus. prononcez de maniere que tout soit distinct, les membres de phrase, les mots, les syllabes même.
|[167]
De l'orthographe.
l'orthographe française est l'art d'être correct dans l'emploi des caracteres et des signes de notre langue.
les caracteres sont les lettres de l'alphabet; les signes sont les accens, l'apostrophe, le tréma, la cédille, le trait d'union et les différentes marques de ponctuation.
nous avons déjà suffisament parlé des caracteres ou des lettres. nous verrons dans Wailly ce qui concerne les accens, l'apostrophe, le tréma etc.; nous lirons aussi les réformes qu'il propose dans la derniere édition de son abrégé de grammaire.
quant à la ponctuation, je l'ai donnée, à peu près, telle qu'elle se trouve à la fin de mon essai de grammaire générale.
fin